L'indice Atmo kézako ? C'est un outil lancé en 1994 pour mesurer et communiquer sur la qualité de l'air dans différentes grandes villes de France. Au début de 2021, cet indice va évoluer pour être plus précis, plus local, et plus "lisible". Mais cette lisibilité pour le grand public s'accompagne d'une simplification de l'échelle de l'indice, et également de l'abaissement des seuils.
La bonne nouvelle, c'est que l'indice Atmo qui était limité aux agglomérations de 100 000 habitants ou plus, va aller plus localement jusqu'à la moindre commune selon Marine Tondelier, déléguée générale d’Atmo France. En plus, l'indice prendra en compte les particules très fines qui sont finalement les plus dangereuses car elles s'insinuent profondément dans les poumons et passent même dans le sang.
Cette mesure des particules fines, dont le diamètre est inférieur à 2,5 micromètres (PM2.5) s'ajoutera aux quatre autres polluants mesurés : particules fines de 10 micromètres (PM10), ozone, dioxyde d’azote, dioxyde de soufre.
Abaisser les seuils pour avoir plus de jours de pic
Mais, on aura également un abaissement de certains seuils comme pour l'ozone ou le dioxyde d'azote. Ainsi, à Paris, on passera de 10 jours environ avec un indice supérieur à mauvais à plus de 80. A Grenoble, ce sera environ un passage de 6 à plus de 100. Rennes, qui n'affiche aucun jour avec un indice mauvais, passera à une vingtaine. Pour autant, l'air ne sera pas plus pollué.
En outre, Atmo France passera de 10 échelons (1 ou très bon à 10 ou très mauvais) à seulement 6 : bon (couleur bleu) à extrêmement mauvais (violet). Une simplification qui jouera également un rôle dans cette tendance à plus de "mauvais jours". Il faut dire que la France n'était pas alignée sur l'indice Européen. Avec ce nouvel indice, ce sera le cas. Pour autant, il reste encore quelques polluants à intégrer comme les particules ultra-fines (moins de 1 micromètre de diamètre ou PM1), le carbone suie ou le sulfure d’hydrogène. Cela devrait être "corrigé" d'ici 2024.
Avec ce nouvel indice, on va donc avoir une avalanche de jours mauvais. Est-ce que pour autant l'air est plus pollué ? Non. En 20 ans, le nombre d'agglomérations au-dessus des normes pour les PM10 a chuté à seulement 2 en 2019. L'ozone est un cas à part (polluant secondaire dont on a vu qu'il pouvait exister en l'absence quasi-totale de trafic routier) avec 49 agglomérations dépassant les normes.
ZFE : pas forcément d'alternatives proposées
Plusieurs agglomérations ont lancé des plans de restriction de la circulation. La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a indiqué hier qu’elle donnera un coup d’accélérateur à la création des fameuses "zones à faibles émissions" (ZFE). Dernière en date, Toulouse qui aura sa ZFE en avril 2021. D'ici 2024, tous les véhicules Crit'Air 4 ou supérieur seront interdit à l'intérieur du périphérique et même d'une partie de la rocade "Arc-en-Ciel" (la D.980 à l'ouest de la Ville Rose).
Mais, les ZFE, c'est efficace ? Plutôt non. Même les associations comme FNE (France Nature Environnement) estiment qu'une ZFE sans regarder l'usage est contre-productive. En effet, un lourd véhicule Crit'air 3 ou 2 avec une seule personne à bord est-il mieux ou moins bien pour l'air qu'un véhicule Crit'air 4 avec quatre personnes en covoiturage ?
En plus, le nombre de véhicules Crit'air 4 ou supérieur est finalement faible. Dans 2 ans 1/2, il le sera encore plus. Dès lors certains demandent à ce que ce soit carrément que les Crit'Air 3 soient aussi bannis. Pour rappel, Crit'Air 3 ce sont les moteurs Diesel d'avant 2011 et les moteurs essence d'avant 2006. Des véhicules encore nombreux et utilisés quotidiennement. Sans alternative crédible, comment expliquer aux gens qu'ils ne peuvent plus rentrer dans telle ou telle zone. Et surtout comment expliquer qu'à l'extérieur d'une zone, ce n'est pas grave si les véhicules jugés polluants peuvent rouler ?
Pas forcément d'alternatives proposées
Pour résumer, avec des seuils abaissés, il y a fort à parier que certaines municipalités ou communautés de communes vont durcir les restrictions de circulation ou en créer de nouvelles, tout en ne proposant pas d'alternative crédible à "la bagnole". Certains promettent que tous les émetteurs de polluants seront concernés (épandage agricole pour les particules et l'ozone, industrie, etc.) mais combien vous pariez que le trafic routier sera le plus simple (et pratiquement le seul) à contraindre ?
Pour rappel, la communauté de Grenoble prévoit l'interdiction des Crit'Air 2 (VUL et poids-lourds) en 2025. Pour l'instant, Crit'Air 2 ce sont TOUS les moteurs diesel, même les plus récents. Quant aux moteurs essence qui rejettent plus de particules ultra-fines (les plus dangereuses on le rappel) ou les véhicules lourds (dont les gros VE) qui génèrent plus de particules d'abrasion (non mesurées...) ils resteront autorisés.
Changement de paradigme
La France, comme d'autres pays Européens, va changer de paradigme pour son indice Atmo. Au lieu de regarder les dépassements des "seuils réglementaires communs de concentration dans l’air ambiant pour la protection de la santé humaine", on va désormais regarder "les seuils réglementaires de qualité de l’air pour la protection de la santé à long terme fixés pour les PM10, PM2,5, le NO2 et l’O3".
Une petite différence sémantique qui va avoir son importance. En affichant 10 fois plus de jours de dépassement qu'actuellement, il sera plus simple alors de justifier des restrictions. Les résultats aux dernières élections municipales françaises qui ont porté au poste de maires ou en bonne place des membres EELV devrait aussi jouer en ce sens. On peut remarquer que le petit clip d'annonce du nouvel indice (cf. ci-après) ne montre que du trafic routier, invisibilisant totalement (à dessein ?) les autres sources - importantes et diverses - de pollution.