Le Dieselgate est l'un des plus grands scandales industriels de l'histoire de l'automobile avec les airbags Takata. Ici, il y a non seulement une dimension de tromperie organisée, mais aussi de scandale environnemental puisque certains modèles appelés "Clean Diesel" émettaient plus de polluants qu'un camion.
Ce mardi à Brunswick(Basse-Saxe) en Allemagne comparait donc l'ancien patron du puissant groupe Volkswagen, Martin Winterkorn, 77 ans. Pour rappel, le scandale du Dieselgate a éclaté d'abord aux Etats-Unis quand un truquage massif des tests d'homologation dans les modèles au gazole du groupe a été révélé en septembre 2015. Ce truquage consistait à être bon élève lors des tests d'homologation, et de lâcher la bride et ne pas dépolluer, ou peu, quand on était en condition réelle. A la clé, un moteur plus performant, s'encrassant moins, et demandant moins d'entretien que s'il avait correctement été dépollué.
La Justice en Europe est toujours plus lente
Pour les USA, VW a rapidement admis la fraude et préféré payer. Mais du côté européen et du reste du monde qui se sent un peu concerné par la fraude, le temps judiciaire est bien plus long. On est donc 10 ans plus tard le début du scandale et le procès du grand patron s'ouvre enfin. De quoi l'accuse-t-on au fait ? D'avoir été au courant de la fraude et de l'avoir encouragée. De son côté, Winterkorn nie toute demande, tout encouragement lorsqu'il a été au courant. Pourtant, même Ferdinand Piëch l'a chargé en 2017.
Outre ces soupçons de fraude en bande organisée, Winterkorn est accusé d'avoir sciemment menti devant une commission d'enquête du parlement allemand, et d'avoir omis, à dessein, de transmettre aux marchés les risques financiers encourus. Depuis le début du scandale, VW aurait déjà déboursé plus de 32 milliards d'euros. Et ce n'est sans doute pas fini si nos justices se montrent intransigeantes. VW n'est par ailleurs pas le seul touché par le scandale.
Continental en tant qu'équipementier a fourni à Volkswagen le logiciel incriminé. Continental a fini par accepter de payer une amende de 100 millions d'euros en avril 2024 pour mettre fin aux poursuites. Continental a annoncé se retourner contre Vitesco pour récupérer les 100 millions d'euros. En effet, Vitesco est le nouveau nom de l'ancienne filiale "Powertrain Drive" de Continental, qui était responsable du logiciel incriminé.
Des pratiques généralisées ?
Le scandale a évidemment pris une dimension tentaculaire et mondiale. Aux USA, Bosch, accusé de complicité, a dû débourser 327,5 millions de dollars en 2017 pour en finir avec cette affaire, outre-Atlantique du moins. Rupert Stadler, ancien patron d'Audi, a été condamné en Allemagne à 21 mois de prison avec sursis et à une amende de 1,1 million d'euros en juin dernier. Pour ce dernier, il a été établi qu'il avait connaissance, au plus tard en 2016 du trucage, mais qu'il n'avait rien fait pour y mettre fin.
Ce Dieselgate a permis de mettre en lumière des pratiques qui seraient plus largement répandues dans l'industrie automobile qu'on ne le pense. Ainsi, plusieurs constructeurs comme Renault, Peugeot, Citroën et Fiat-Chrysler sont mis en examen en France pour tromperie aggravée. Sur leur véhicule, on a découvert des boucles logicielles qui désactivent les systèmes de dépollution en fonction de la température, ou après un certain nombre de minutes. Là encore, cela passe haut la main les tests, mais en condition réelle, ce sont des usines à polluants.
Ces groupes se défendent en arguant qu'ils respectent les textes de lois, car ce serait pour protéger le moteur d'une casse. Pour autant, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu plusieurs arrêts, depuis 2023, jugeant illégal le fait d'équiper un moteur Diesel d'un logiciel permettant de désactiver certains composants de dépollution. Ce sera à la justice française de trancher. Mais, en France, elle est encore plus lente qu'en Allemagne. Le procès de Winterkorn devait se tenir en 2021 mais avait été repoussé suite à des ennuis de santé de l'accusé. Désormais, il doit faire face à ses accusateurs. Pour la France, il va encore se passer du temps avant que le procès du scandale du Diesel n'ait lieu.
Des milliards et des milliards
Et les chiffres donnent le vertige. En effet, outre les véhicules du groupe Volkswagen, on estime à 19 millions le nombre de véhicules Diesel roulant encore en Europe avec des niveaux réels d'émission "suspects". C'est le Conseil international sur le transport propre (ICCT), une ONG environnementale, qui a chiffré à 53 millions le nombre de véhicules vendus entre 2009 et 2019, dont une partie ne roule plus. Dans les chiffres vertigineux, il y a les sommes colossales que cela représente. Cummins, qui a fourni des moteurs truqués à Stellantis pour la marque RAM, a accepté au début de l'année 2024 de payer 1,67 milliard de dollars pour solder un éventuel procès !
Symbole de la métallurgie allemande, Martin Winterkorn avait été poussé à la démission fin septembre 2015 quand le scandale a explosé. Ce Dieselgate a entaché et entache toujours l'industrie automobile allemande dont l'aura a été durablement ébranlée.
En France, le volet judiciaire devrait aussi comporter un volet dédommagement envers les automobilistes floués. Dans certains pays, la justice a déjà tranché en leur faveur comme aux USA ou en Angleterre. Mais, en France, il faut d'abord attendre le procès au pénal pour que la question des dédommagements soit regardée. De nombreux plaignants se désistent entre temps, et la lenteur de la justice n'a que ce but : dédramatiser les affaires pour éviter des procès sous le coup des émotions. La première audience en France devrait avoir lieu en 2025. L'association de consommateurs CLCV estime sur France Info ce 3 septembre 2024 qu'il faudra attendre 2030 pour les procès de dédommagements.