Un engouement inédit, de Peugeot à Ferrari !
Au début des années 80, la Formule 1 a subi une mutation et une révolution technologique avec l’introduction de la fibre de carbone, l’effet de sol et les moteurs turbo. En 1982, le rallye inaugure la réglementation Groupe B qui doit remplacer les Groupe 4 et 5. A l’époque, les préoccupations ne sont ni de limiter les coûts ni d’être « green-friendly », mais d’avoir du spectacle, de la puissance et de l’audace technique ! Permissif, le règlement n’exige qu’une production de 200 unités de série et de 20 unités de compétition en 1 an pour homologuer un modèle. Avec des moteurs gavés au turbo et un poids sous la tonne, les monstres du Groupe B promettent alors des performances hallucinantes.
Puissance et gloire
En 1982, seuls Citroën (avec la Visa !) et Lancia avec la 037 Rally s’engagent dans cette voie et c’est encore une groupe 4 qui rafle la mise, mais pas n’importe laquelle : la Quattro, qui vient de révolutionner le rallye en introduisant la transmission intégrale. En 1983, le Groupe B prend son envol. Audi domine avec la Quattro A1, le succès médiatique et populaire est au rendez-vous, tant et si bien que les constructeurs affluent dans les années qui suivent ! Opel (avec la Manta), Toyota, Rover, Citroën encore (avec une BX 4TC), Ford (avec la RS200) et surtout Peugeot avec la 205 T16 en 1984 permettent au plateau du WRC de damer le pion à la Formule 1 ! La compétition est rude et engendre une course aux armements et à la puissance. La démoniaque Quattro S1, avec son look bodybuildé, crache 550 chevaux en 1985. Lancia, dont la 037 à propulsion a fini par être dépassée, lance en 1985 une Delta S4 de 500 chevaux. L’engouement est tel que même Ferrari planche sur une supercar spécialement dédiée à un engagement en Groupe B, la 288 GTO, qui servira finalement de base au développement de la F40.
Près du capitole, la roche tarpéienne…
Les duels sont homériques, les audiences explosent, le public augmente sur les bords des routes (avec des diffusions de spéciales en direct) mais la folie technologique a son revers de la médaille. Sur des routes qui, évidemment, n’ont pas évolué, et avec une gestion des spectateurs très laxiste dans de nombreuses épreuves, la dangerosité de la discipline est croissante. En 1985, Attilo Bettega se tue au tour de Corse en percutant un arbre.
En 1986, les drames se multiplient. Marc Surer pulvérise contre un arbre sa Ford RS200 au Rallye d’Essen, son copilote étant tué sur le coup. Joachim Santos percute et tue plusieurs spectateurs au rallye du Portugal au volant de sa Ford RS200. Au Tour de Corse enfin, un an jour pour jour après l’accident mortel de Bettega, c’est un autre pilote Lancia qui trouve la mort. Henri Toivonen sort de la route et plonge dans un ravin. Le choc contre les arbres déclenche un incendie qui carbonise la voiture et l’équipage. C’est le drame de trop. La FIA légifère immédiatement : les « Groupe B » sont interdites et remplacées dès 1987 par des « Groupe A » beaucoup moins puissantes, rendant le projet de Group S mort-né, alors que Lancia et Audi avaient déjà développé des prototypes bien aboutis et spectaculaires. Le Groupe B n’a duré que quelques années, mais il est resté à jamais gravé dans la mémoire des passionnés. Une époque révolue.
Best of the best
Voici un « hall of fame » des pilotes et voitures les plus marquantes. Le choix est limité et forcément subjectif !
Hannu Mikkola
Décédé récemment, le champion du monde 1983 détient toujours le record du champion du monde le plus âgé, à 41 ans. Sa saison 1983, avec 4 victoires et trois secondes places, fut exceptionnelle.
Walter Röhrl
Le champion du monde 1982 a tout de même remporté des rallyes sous l’ère Groupe B sur trois voitures différentes (Opel Ascona 400, qui n’était pas une Groupe B , Lancia 037 et Audi Quattro), dont trois fois le Monte-Carlo en 1982, 1983 et 1984 !
Michèle Mouton
Seule femme à avoir joué le titre mondial dans un grand championnat du monde, elle fit sensation en 1982 en gagnant 3 rallyes sur l’Audi Quattro, n’échouant que de peu dans le course au titre mondial face à Walter Röhrl.
Henri Toivonen
C’était le jeune prince, la grande étoile appelée à briller sur la scène mondiale. Vainqueur du RAC 1985 puis du Monte-Carlo 1986 sur la redoutable Delta S4, le finlandais se tue à 29 ans sur le Tour de Corse, prisonnier des flammes de son bolide qui était sorti de la route. Sa mort entraînera celle du Groupe B dans la foulée.
Ari Vatanen
Il n’a pas été champion sous l’ère du Groupe B, mais son style généreux a enthousiasmé les foules. Il joua un rôle majeur dans le développement de la Peugeot 205 T16, remporta 3 rallyes de main de maître en 1985 et réchappa par miracle à un terrible crash en Argentine en 1986. Il connaîtra encore la gloire avec Peugeot à Pikes Peak puis sur le Paris-Dakar.
Stig Blomqvist
Avec 5 victoires en 1984, Stig Blomqvist a largement contribué à la légendes des Flying Finns. Avec Alen, Kankkunen, Salonen mais aussi Bomqvist, Mikkola et Vatanen, la Finlande a marqué les années 80 et 90 en rallye.
Audi S1
Audi a révolutionné le rallye avec le système Quattro. Dominatrice en 1983 et encore début 1984, la Quattro, basée sur une architecture à moteur avant, souffre quand arrive l’agile et compacte 205 T16. La S2 est alors l’évolution ultime du monstre, avec un kit aérodynamique radical, un aileron arrière démesuré et surtout un gros moteur lâchant près de 600 chevaux dans son évolution ultime.
Lancia Delta S4
La Lancia 037 Rally ne pouvant pas riposter à Audi avec la propulsion, la Delta S4 est la méchante réponse du constructeur italien. Avec une configuration à moteur en position centrale-arrière, la S4 embarquait surtout un système de suralimentation original, couplant un compresseur volumétrique et un turbo KKK afin de diminuer le temps de réponse. Le 4 cylindres 1.8 donnait ainsi plus de 500 chevaux. La Delta était promise au succès, mais c’est malheureusement par elle que surviendra la fin du Groupe B, suite à la mort de Toivonen en Corse. Sa descendante en version Groupe A, la Delta HF Intégrale, dominera la scène mondiale du rallye entre la fin des années 80 et le début des années 90.
Peugeot 205 T16
La Peugeot 205 T16 a bousculé le monde du rallye et a permis de rompre la suprématie des Audi Quattro en proposant une voiture très compacte et donc à l’agilité redoutable. L’évolution 2, avec ses 530 chevaux et son kit bodybuildé, lui permet de dominer la concurrence lors des saisons 1985 et 1986, grâce à ses Finlandais volants comme Juha Kankkunen, Timo Salonen et Ari Vatanen.
MG Metro 6R4
La Metro 6R4 est arrivée tardivement et la machine britannique n’a jamais pu montrer ce dont elle était capable. Grâce à son kit de carrosserie insolent et à ses spoilers surdimensionnés, transformant une insipide et anodine petite voiture en monstre tape-à-l’œil, la 6R4 est rapidement devenue la favorite du public, même si la maniabilité astucieuse et le son brut de son moteur V6 atmosphérique y ont également contribué. Didier Auriol s’est révélé à son volant, en remportant le championnat de France des rallyes 1986.
Citroën BX 4TC
Avant de connaître la gloire avec les Xsara Kit-Car puis les Xsara, C4 et DS3 WRC, Citroën a d’abord bien galéré. La Citroën BX4TC fut un immense raté, handicapée par la lourdeur de la voiture, dépassée face aux « ballerines » 205 et Ford RS200, un moteur pas assez puissant et de gros soucis de tenue de route. La version de route est une vraie rareté !
Pour terminer en beauté, voici une compilation nostalgique, au rythme endiablé de la synthwave !
Ah la folie du groupe B,
Le Groupe B reste un mythe car les bagnoles étaient dangereuses, les spectateurs se posaient n’importe où (au pire endroit souvent)…pas les bonnes raisons en fait 🙂
Les WRC 2020 et 2021 passent plus vite partout que les Groupe B, mais il y a moins de monde massé n’importe où et heureusement les accidents graves restent très rares. Même quand Tänak s’envole à plus de 180 km/h au Monte Carlo 2020 (et coupe un arbre).
Pus de châssis magnésium aussi…gros progrès.
Pour moi, Michèle Mouton reste la GOAT (sans jeu de mots) parmi tous ces messieurs.
Oui Michèle Mouton a laissé son empreinte
le rallye c’était à voir les anciennes qu’on voit encore en historique, puis on a grandi, vu les gr 2,3,4 les protos, le tour auto avec les autos d’endurance matra 660 Alfa 33 TT Merzario et puis le groupe B l’apothéose . Les médias en parlent tous également, et les innovations à l’empirique . Images indélébiles de ce que je pense avoir vu de près. Ces grands champions qu’on a tous idolâtrés. je n’en cite aucun pour n’ oublier personne. Par contre on garde les souvenirs des chers disparus , équipages . Les firmes engagées: je mets au tableau d’honneur Peugeot qui a osé avec la 205 . Les constructeurs se sont servis des vitrines de la compétition sur route pour vendre. Pour moi, c’était mieux qu’à présent, côté ambiance. Je repense l’an dernier le MC interdit de spectateurs , rien que ça .
Fabuleuse période de tous les excès. Que de souvenirs ! Mais il est vrai que la sécurité des pilotes et des spectateurs étaient limites. Une page magnifique du rallye mondial. Heureusement les WRC valent aussi d’être heureux de suivre les rallyes. La sécurité en plus.
Après la fin du Groupe B j’ai eu l’occasion de voir une 205 T16 et une Metro 6R4 se tirant la bourre sur une course de côte !
C’était bôôôôôhhhhhh !
C’est Argentine 1985 pour l’accident de Vatanen.
Joli condensé mais les champions du monde 85 et 86 mériteraient leur encart.
Les puissances en course sont légèrement surévaluées, au moins pour Lancia et Peugeot : en Corse 86 André de Cortanze déclara en interview avec J-L Moncet environ 440 ch sur les T16 de Saby et Salonen (et laissa planer le mystère sur l’évolution moteur testée par Mouton), tandis que Giorgio Pianta annonça 450 ch à 8400 tr/min et 46 m.kg à 5000 tr/min pour 2.6 bar de pression turbo (soit 3.6 bar en pression absolue certainement) et 1000 kg prête au départ pour la S4.
C’est à Pikes Peak que les puissances étaient au sommet : environ 500 ch constants (pression atmosphérique décroissante avec l’altitude) pour les 205 en 1987 (puissance annoncée 550 ch), environ 600 pour les 405 en 88 et 89 (cette ultime evolution moteur XU9T (1905 cm3 sur une base de bloc série !) ayant atteint voire franchi les 700 ch au banc de puissance).
Pour Audi les puissances maxi du 5 cylindre ont été atteinte peu de temps après en IMSA en 89 : 720 ch