Rétro 40 ans déjà : Michèle Mouton, si proche du titre !

L’Amazone du WRC

Fille d’horticulteurs, dont un père passionné par la belle mécanique qui l’initie à cet univers, Michèle Mouton a connu une ascension fulgurante et ses bons résultats en France et en championnat d’Europe lui ont ouvert les portes des équipes d’usine. Elle devient pilote officiel Fiat en 1978, sur la mythique 131 Abarth, avec laquelle elle remporte le Tour de France automobile et réalise aussi des performances remarquées sur Lancia Stratos. En 1981, Audi la recrute pour piloter la nouvelle Quattro Sport groupe 4 et épauler le finandais Hannu Mikkola dans sa conquête du titre mondial. Michèle Mouton remporte le San Remo et devient ainsi la première femme de l’histoire à remporter une manche du Championnat du monde des rallyes.

En 1982, peut-être à la surprise d’une partie des observateurs, elle va jouer le titre ! Après un abandon précoce au Monte-Carlo sur une sortie de piste, alors qu’elle évoluait en seconde position, elle remporte les rallyes de l’Acropole, du Portugal et du Brésil au volant de l’Audi Quattro à transmission intégrale ! A deux rallyes de la fin de la saison, la française a fait mieux que ses équipiers Stig Blomqvist et Hannu Mikkola, étant la seule à pouvoir encore contester le titre à l’allemand Walter Röhrl, qui évolue sur une Opel Ascona 400 dont l’agilité compense en partie le manque de puissance face au 5 cylindres turbo de la bête d’Ingolstadt.

Le duel est inédit, car il oppose un homme à une femme, ce qui n’a pas manqué d’être monté en épingle par les médias. La Française sait qu’elle dérange :  » Qu’une femme puisse être championne du monde dérange beaucoup de gens dans le milieu de l’automobile. D’ailleurs ce titre, j’y tiens moins qu’à mes trois victoires – Portugal, Brésil, Acropole – depuis le début de la saison. Lui, Rohrl, n’en a gagné qu’une. Le règlement et sa cotation sont mal faits qui privilégient ceux qui assurent des résultats moyens. Moi, quand je cours c’est pour gagner. «  La rivalité qui sépare les deux champions s’est trouvée exacerbée par les médias.  » L’Audi Quattro est tellement supérieure que, même avec un singe au volant, elle gagnerait des rallyes « , aurait dit l’Allemand de l’Ouest, ce que certains journalistes présentèrent comme une attaque personnelle contre la française. Röhrl s’est toujours défendu d’avoir voulu la rabaisser…

Fichue boîte !

Pour le rallye de Côte d’Ivoire, le constructeur allemand a engagé deux coupés Quattro groupe 4 pour Michèle Mouton et Hannu Mikkola, qui ont passé huit jours à reconnaître le parcours. Les deux voitures de course ont été spécialement préparées pour cette difficile épreuve avec une garde au sol relevée de deux centimètres et des protections ajoutées à l’avant des voitures ainsi qu’autour des sorties d’échappement.

On lit beaucoup ça et là que le décès de son père, survenu juste avant le rallye de Côte d’Ivoire, a influé sur les performances de la française. Non. La championne est bien sûr dévastée et en colère, mais, sur la piste, cette rage se traduit par une démonstration.  Sur le très difficile et cassant rallye africain, Michèle Mouton enchaîne les meilleurs temps, couteau entre les dents, et aborde la dernière étape avec 1 heure d’avance sur Röhrl ! Après la 2e spéciale San Pedro-Gabiadji de l’ultime étape, l’avance culmine même à 1h23 ! Retardée par un problème de transmission, Mouton a tout de même accentué son avance sur Röhrl, qui a cassé un amortisseur et dû composer avec un moteur affaibli par les passages des gués. La marge suffisante permet d’envisager un changement de boîte de vitesses sur la voiture de tête. Le remplacement de la boîte est réalisé en une moins d’une demi-heure mais au moment de repartir la Française constate qu’elle ne peut enclencher les deux premiers rapports ! Le remontage n’a pas été bien fait. Une réparation est nécessaire, qui va lui coûter une bonne partie de son avance. Lorsqu’elle regagne Yamoussoukro le dimanche, Röhrl ne compte plus que dix-huit minutes de retard sur sa rivale.

Le lendemain au départ, Michèle Mouton éprouve des difficultés pour démarrer le moteur de son Audi. 25’ se sont écoulées avant qu’elle ne s’élance enfin. Attaquant sans relâche, elle parvient à rattraper une partie de son handicap sur Röhrl. Les deux adversaires jettent toutes leurs forces dans la bataille. Après dix kilomètres, Röhrl sort de la route dans un gauche rapide, mais parvient à repartir. Le même virage surprend Mouton, qui sort également de la piste mais la Quattro, plus lourde que l’Opel, part en tonneaux et atterrit sur le flanc. Avec l’aide des spectateurs, la voiture est remise sur ses roues et peut reparti. Malgré les mauvaises conditions de visibilité et la perte d’une partie des notes de sa copilote, la Française continue à attaquer mais dix kilomètres plus loin elle sort à nouveau de la route à un carrefour mal signalé, endommageant la suspension avant gauche de son Audi. La voiture d’assistance rapide, pilotée par Stig Blomqvist, est sur place et deux mécaniciens parviennent à réparer dans un laps de temps raisonnable, permettant à l’équipage de repartir en évitant la mise hors course. Toutefois, cinq kilomètres plus loin, la suspension avant droite casse, mettant fin aux derniers espoirs. Röhrl se retrouve seul en tête avec une heure et demie d’avance et rallie Abidjan en vainqueur, s’adjugeant par conséquent un deuxième titre de champion du monde.

Quelques instants après l’arrivée, tout juste auréolé de son nouveau titre, Walter Röhrl rendra hommage à son adversaire malheureuse en déclarant : « Il m’est déjà arrivé de déployer autant de courage et d’énergie que Michèle Mouton. Ce fut le cas, notamment, au dernier Rallye de Monte Carlo, mais mes efforts n’avaient duré qu’une nuit. Jamais je ne pourrais, comme elle, être animé par cette formidable volonté de vaincre pendant un an. Elle a travaillé si dur tout au long de la saison, accompli de telles performances, qu’elle aurait, sans nul doute, mérité son titre de championne du monde. » L’allemand n’avait pas toujours été aussi tendre pendant la saison, ayant à plusieurs reprises lancé quelques piques machistes, sur lesquelles il s’est récemment expliqué « À l’époque, j’ai dit que je ne voulais pas être le premier homme à perdre en sport automobile contre une femme et cela me mettait la pression. D’ailleurs, on me disait que je devais gagner (..) La situation était que je me battais avec Michèle et tous les journalistes et tous les journaux ont fait une grande histoire sur le combat entre une femme et un homme » a déclaré l’ancien champion du monde

Même si cela n’a jamais été sa motivation première, loin de là, répétant à l’envie que les femmes des années 70 étaient peut-être bien plus libres qu’aujourd’hui, Michèle Mouton bousculait les codes et brisait des préjugés.

Allez, voici un gros bol de nostalgie !

 

 

(2 commentaires)

  1. C’est la faute de ses parents. S’ils l’avaient prénommé Sébastien, elle aurait été championne du monde !

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