Les deux hommes enfourchent leurs vélos et disparaissent à jamais.
Le 17 mars 1988, c’est tout le sport automobile américain qui est en deuil. Mickey Thompson faisait parti du paysage. Il est de ceux que l’on désigne par son prénom, outre-Atlantique. Il y a A.J. (Foyt), Le King (Petty) Mario (Andretti), Roger (Penske) et il y avait donc Mickey. Un de ces hommes comme on les aime là-bas: une tête plutôt vide, mais des mains en or et un pied droit en plomb.
Mickey Thompson naît le 7 décembre 1928 (NDLA: 50 ans moins 2 jours avant moi!) en Californie, sous le nom de Marion Lee Thomson. La légende veut qu’à 7 ans, il bricole un espèce de kart propulsé par un moteur de machine à laver! Peu après, comme l’école, ce n’est pas son truc, il propose à sa maitresse d’être dispensé de cours, en échange de quoi, il lui répare sa voiture… Et elle accepte!
Plus tard, il se retrouve pigiste au L.A. Times. C’est là qu’il découvre un sport qui commence à atteindre la côte ouest: les dragsters. Il est immédiatement passionné.
Mickey est un éternel compétiteur: quel que soit le sport, il veut être le meilleur. Et (en bon Irlandais) si on le cherche, on le trouve facilement. Derrière un volant, ses courses se résumeraient facilement à cette boutade de Dominique Depons: « D’abord je suis parti à fond, puis j’ai accéléré et j’ai fini au sprint. » D’où évidemment de nombreuses boites spectaculaires.
Dragsters, buggys, midgets, 4×4, off-shores, endurance, Carrera Panamerica (et même des « économies runs » où il faut parcourir le plus de kilomètres avec 1 gallon -4,25 litres- d’essence)… Il aurait participé à plus de 10 000 courses et remporté 500 victoires (alors que pour beaucoup, il n’est qu’un « mec du monde du hot rod ».)
Il a également tâté du record de vitesse: en 1960, à Bonneville, il est le premier Américain à passer la barre des 400 MPH (environ 600 km/h) et détient un total de 400 records de vitesses!
La particularité de toutes ces victoires, c’est qu’il les a presque toutes remportées dans des véhicules fabriqués par lui-même. En 1961, alors que les spécialistes d’Indianapolis regardent Jack Brabham et sa minuscule Cooper à moteur central en rigolant, Mickey décide que c’est la voie à suivre. Son « patin », très profilée sera très rapide. Pour respecter son aérodynamique, Firestone créera des pneus larges de 12 pouces. En 1962, elle permet à Dan Gurney de se qualifier 8e. Graham Hill la trouve trop instable. En 1964, Dave MacDonald perd le contrôle de son « patin » et percute Eddie Sachs. C’est l’explosion, qui tuera les deux hommes, tandis que les 28 autres concurrents devront traverser un nuage d’hydrocarbures en feu. Thompson reviendra en 1967, sans succès: construire des Indycars est un job à plein temps et Thompson était trop versatile.
Mickey Thompson était un inventeur hors-pair. Il a créé la Mickey Thompson Performance Tires (qui existe toujours) fournisseur en gomme des amateurs de dragsters et… Des armées du monde entier (ils dérivent de ceux de ses buggys)! Le pneu taille basse? C’est lui. Le dragster « rail »? C’est lui. Le funny car? C’est lui. La rampe de feu pour donner le départs des épreuves de dragsters? C’est lui. Le kit NOx? C’est lui. Les absorbeurs de chocs remplis d’eau? C’est lui!
En 1973, il fonde Score International, le « Championnat du monde des Etats-Unis » de bajas. Lorsqu’il rencontre Trudy, chez Hot Rod Magazine, où elle est secrétaire, c’est l’amour fou. Au mariage, il lui promet de raccrocher son volant (à force de le voir à l’hôpital, elle avait peur qu’il aie l’accident de trop.)
En parallèle, il monte un show itinérant de courses de buggys et de 4×4 « indoor ». En 1984, les médecins diagnostiquent un gros problème au genou chez Trudy. Il décide alors de passer tout son temps avec elle et de ne plus travailler que sur son show itinérant. Et comme il perd de l’argent avec, il veut s’associer à Mike Goodwin.
Mike Goodwin est né en Floride, en 1945, mais a passé son adolescence en Californie. Très intelligent, il arrondit ses fins de mois au lycée en organisant des fêtes au TGIF du coin (une chaine de restaurant; il y a un dans Paris, près d’Opéra.) Il laisse tomber l’université pour travailler chez Procter & Gamble, puis dans l’événementiel. Très sur de lui, il décide de travailler seul, en free-lance auprès des stars. A la fin des années 60, il devient tourneur pour les Beach Boys, les Doors, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Sonnie & Cher, etc.
Mais c’est un job épuisant. Il plaque tout pour partir sur les routes avec sa femme dans un bus VW. Dans un hôtel du Belize, il lit un article sur une compétition « indoor » de motocross: l’organisation était nulle, la publicité inexistante, mais 17 000 personnes se sont déplacées. C’est la révélation: il sera organisateur de ce qui s’appellera le supercross.
De retour aux Etats-Unis, en 1972, il convainc le propriétaire du stade de football (américain) de Los Angeles de le laisser organiser un show: le superbowl du motocross! Il fait venir des pom-pom girls, invite des pipoles, organise des épreuves de sauts et cela fait venir les spectateurs. Il fait ainsi le tour des stades du coin. A Anaheim, c’est le jackpot: jusqu’à 600 000$ de recette en une soirée! Goodwin joue les nababs: il se déplace dans une Clenet habillé d’un manteau de fourrure, fricote avec les stars du X, s’offre une immense villa et même une Rolls Royce ex-princesse Grace de Monaco!
En 1984, Goodwin et Thompson veulent donc créer des shows Buggys + Motocross. Le premier show est un bide. Le second fut annulé, laissant une belle ardoise… Que Goodwin demande à Thompson de payer entièrement, alors qu’il ne possède que 30% de la société!
Thompson n’est pas du genre à se laisser pigeonner et c’est le début d’une guerre impitoyable. Il traine Goodwin devant les tribunaux pour récupérer son indépendance et gagne. Mais Goodwin refuse de payer. Il s’est abrité derrière des sociétés-écrans et prétend être en faillite. Alors Thompson envoie un huissier, qui saisira la Mercedes 380 SEC de Goodwin, après s’être fait boxé par ce dernier! Début 1988, Thompson compte organiser un show au stade d’Anaheim, considéré par Goodwin comme « son territoire ». Après avoir fait courir des rumeurs sur Thompson, il menace de le tuer, au point qu’il ne se baladera jamais sans son gilet pare-balle (qu’il n’avait pas le 18 mars 1988.)
Après le meurtre des Thompson, Goodwin disparait dans un yatch qu’il s’est récemment acheté et 400 000$ de cash. Lorsqu’il remet les pieds aux Etats-Unis, en 1992, il est incarcéré pour faillite frauduleuse.
Le double-meurtre a eu peu de témoins oculaires, les deux meurtriers se sont envolés et tout ce que possèdent les policiers, c’est une interminable liste de proches de Goodwin qui rapportent des propos du type: « Je vais tuer ce [censuré] de [censuré] de sa mère de Mickey! »
Mais Collene Campbell, la soeur de Mickey Thompson s’accroche. En tant qu’ex-mairesse de San Juan Capistrano, elle a tissé un réseau de politiciens prèt à l’aider.
En 2001, Goodwin est incarcéré pour avoir commandité le double-meurtre. En prison, il écrit 3 livres. Il prétend que Thompson s’est fait tuer par des trafiquants de drogue pour lesquels il jouait les « livreurs » durant les bajas ou par des mafieux de Las Vegas à qui il aurait « oublié » de rendre de l’argent emprunté.
De son côté, Collen eut la mauvaise idée de promettre, durant une émission de télévision, 1 million de dollar à quiconque apporterait des informations (d’où un afflux de faux-témoignages.)
Après cinq années d’enquête (et de fausses pistes), le procès a débuté en octobre 2006. Et le 4 janvier 2007, Goodwin fut donc reconnu coupable. A l’annonce du verdict, Collene Campbell a agité un drapeau à damier.