20 ans déjà : Dakar 2000, 400 concurrents et 3 Antonov !

Un beau match

La 22e édition du plus célèbre des rallyes-raids fait le plein, avec 400 inscrits qui doivent s’affronter sur plus de 5000 kilomètres de spéciales à travers le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, le Niger,

la Libye et l’Égypte ! Dans la catégorie auto, le duel promet d’être serré entre l’armada Mitsubishi, menée par Kenjiro Shinozuka, Jean-pierre Fontenay et Jutta Kleinschmidt, et l’audacieux Jean-Louis Schlesser, le tenant du titre, qui s’engage sur son propre prototype buggy 2 roues motrices motorisé par un V6 Renault. L’arbitre du match pourrait bien être Stéphane Peterhansel, l’autre attraction de la course. Sextuple vainqueur de l’épreuve en moto, le français est passé à l’auto en 1999, avec une première participation sur Nissan. En 2000, il s’engage avec un prototype développé par la marque Méga, la filiale d’Aixam qui participe aussi au trophée Andros. Le véhicule, motorisé par…Mitsubishi, affiche 200 kilos de moins sur la balance et pourrait jouer les trouble-fête.

Lors de la 1ère spéciale, Mitsubishi réalise un top 5 avec un étonnant Carlos Sousa en tête. Si Peterhansel confirme son statut d’outsider en gagnant l’étape 2, Shinozuka frappe un grand coup dans la 3e étape de 711 kilomètres jusqu’à Bamako, prenant ainsi le leadership. Puis, sur les pistes sinueuses et poussiéreuses du Burkina Faso, Schlesser et Peterhansel se montrent à leur avantage et se livrent à de belles passes d’armes.

Menace terroriste sur le Dakar

Mais à l’approche des étapes nigériennes, le ministère de la Défense, s’appuyant visiblement sur des renseignements fournis par les États-Unis, prévient l’organisation des risques très importants d’attentat terroriste qui pèsent sur la course pendant la traversée du Niger. Rebelles tchadiens infiltrés, GIA, Al Qaïda ? On ne saura jamais précisément la nature de la menace qui plane, mais le vieux rêve de la traversée africaine se heurte de nouveau aux réalités géopolitiques très complexes de la région, comme cela avait déjà été le cas par le passé.

Le gouvernement du Niger a beau essayer de rassurer l’organisation sur la sécurisation du parcours, la décisions est prise : les quatre étapes et la journée de repos (à Agadès) initialement prévues pour la traversée du Niger du 12 au 16 janvier, avant de quitter le désert du Ténéré pour la Libye, sont annulées. Tous les concurrents et leurs véhicules, motos,  automobiles et camions, seront  transportés via un pont aérien en direction de la Libye, où la course reprendra. Un jolis succès politique à l’époque pour le colonel Khadafi, qui redevient alors fréquentable pour les puissances occidentales et peut se targuer, ironie de l’histoire, d’être à la tête d’un pays à l’abri du terrorisme. Que les choses peuvent vite changer, dans un sens comme dans un autre !

Non, le Kamaz n’est pas le plus gros engin du Dakar !

La solution, ce sont 3 gros porteurs Antonov An-124 (2 venus d’Egypte et 1 de Kiev, sur les 18 exemplaires en service dans le monde !), alors les plus gros avions du monde, qui sont affrétés pour déménager la caravane du Dakar au complet  et reprendre la course. Pendant 5 jours, un incroyable ballet aérien est mis en oeuvre par les organisateurs, qui relèvent un sacré défi logistique pour transférer 500 véhicules et 1500 personnes, ce qui coûta la bagatelle de 10 millions de francs. Et vive le bilan carbone ! Un fait inédit qui fut d’ailleurs évoqué dans l’album « Cairo » de Michel Vaillant.

La 2e semaine de course permet à Schlesser et à Peterhansel de distancer leurs rivaux, d’autant plus que l’écurie Mitsubishi est décimée lors du départ en ligne de la 13e étape. Sur la 2e vague de véhicules lancés, 4 concurrents sont piégés par une dune cassante, dont Shinozuka et Sousa, grièvement blessés et contraints à l’abandon. L’ancien pilote éphémère de Williams en F1 fait notamment le trou dans le désert libyen et ses parcours cassants, où le buggy fait merveille. Schlesser l’emporte pour la seconde fois, avec 12 minutes d’avance sur la Mega de Peterhansel.

Le Dakar 2000 fut sans nul doute un tournant dans l’histoire de l’épreuve. Au-delà des péripéties, le gigantesque évènement médiatique, logistique et financier qu’est devenue la course suscite toujours plus de critiques. Dès 2001, l’épreuve reviendra vers un format plus traditionnel, supprimant notamment l’assistance aérienne. Mais la déstabilisation politique de la région et la montée en puissance de la menace terroriste auront finalement raison de l’épreuve, qui migre en 2009 vers l’Amérique du Sud.

Sources : Dakar, presse de l’époque, la légende du Dakar

Images : Schlesser, flickr

(12 commentaires)

    1. Oui, mais c’est ponctuel comme toutes compétitions et cela a le mérite d’améliorer les techniques qui parfois servent à faire baisser « l’empreint carbone » à des milliards de personnes par la suite.
      … Bon, c’est en mettant un peu des lunettes teintées en rose. 😉

    2. Ca me fait marrer de crier au loup alors que des milliers d’avions volent chaque jour sans que personne n’y voit d’inconvenient …

      1. Exactement, les avions modernes ont plutôt un bon rendement, surtout depuis l’invention des réacteurs double flux à fort taux de dilution depuis 50 ans déjà
        Un B-707 de première génération faisait environ 20 l/100 par passager puis nettement moins grâce aux Rolls-Royce Conway à double flux vers le milieu des années 60.
        Dans les années 70 arrivent les doubles flux à fort taux de dilution démocratisé avec les avions à double couloir comme les DC-10/B-747/Tristar et surtout l’Airbus A300 sur les lignes moyen-courrier qui consommait entre -20 à -50 % des DC-9/Caravelle/B-727.
        Même pour l’époque, l’An-124 avait des réacteurs relativement performants pour des engins « soviétique ».
        Le Progress D-18T était fortement inspiré du TF39 de GE qui propulsait les C-5 Galaxy de Lockheed… L’an-124 étant son clone « russe, à l’époque, Ukrainien aujourd’hui »
        Maintenant en 2019, les meilleurs avions ne consomme que 2,35 l/100 par passager, une diminution de 50 % des émissions de carbone depuis 1990… Mais il y a plus que 2 x plus d’avions malheureusement.

    1. le plus gros produit en série aurais-je du préciser, puisque le An-225 n’a été produit qu’à un seul exemplaire.

    2. En lisant l’article, je voulais en parler, puis je vois que le sujet a déjà été abordé ! 😀
      L’An-225 au Bourget était tellement impressionnant !! Mais un An-124 ne doit pas l’être beaucoup moins, il est plus court et a des ailes plus courtes, mais au final, ça reste le même fuselage et son grand escalier pour accéder au cockpit 🙂

      Très bon article autrement, comme toujours 😉

      1. Oui exact…@Nicolas
        L’A380 la largement rattraper depuis, bien que sa version cargos a été annulée.
        @MINI_Stig, L’An-225 et 124, sont grosso modo les mêmes avions… Il y a deux sections d’aile centrales rajoutées avec les pylônes des 2 réacteurs en plus + 2 sections de fuselage rajoutées et surtout un empennage bidérive totalement différent.

  1. En 2000 l’empreinte carbone n’était pas une préoccupation majeure… du moins des gouvernements, des biens pensants, des écologistes

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