Rétro F1 1994 : non, Alain Prost ne reviendra pas

Évidemment, le contexte n’était pas tout à fait identique. Là où l’espagnol sort de plusieurs saisons décevantes avec McLaren, Alain Prost avait terminé la dernière course de sa carrière, en Australie, à la 2e place derrière Ayrton Senna. Et surtout, après avoir été viré comme un malpropre par Ferrari en 1991 et rongé son frein lors d’une année sabbatique en 1992, le « professeur » avait bouclé admirablement la boucle de sa carrière, commencée 13 ans plus tôt, par un 4e sacre mondial. Le retrait du Français laissait un grand vide pour Ayrton Senna, qui perdait ainsi son plus grand rival. Prost était au sommet de son art, mais la « politique » de la F1 avait eu raison de sa passion et il était hors de question de revivre une cohabitation avec Senna, annoncé chez Williams. Trop de tracas, trop de critiques, trop de manœuvres en coulisses.

Stop ou encore ?

Pourtant, Prost semble hésiter. Beaucoup d’observateurs se demandent s’il a vraiment tourné la page. De son côté, Ron Dennis, le patron de McLaren, vient de perdre Ayrton Senna parti chez Williams. De plus, frustré et humilié par le traitement que Ford lui a infligé par rapport à l’autre écurie cliente Benetton, Dennis a signé avec Peugeot pour la fourniture de moteurs V10. Le constructeur Français en contrepartie aurait bien imposé Philippe Alliot comme titulaire aux côtés de Mika Hakkinen, mais le team-manager britannique refuse. A l’orée de cette nouvelle collaboration, McLaren préfèrerait bien davantage s’attacher les services de Prost, dont les qualités de développeur et de metteur au point ne sont plus à présenter. Même s’il est parti dans le tumulte en 1989, McLaren est encore un peu sa maison. Toutefois, Renault et encore plus Williams, l’ennemi juré de Dennis, laisseront-ils Prost passer à l’ennemi alors qu’il est théoriquement toujours sous contrat avec eux ?

Durant l’hiver 93-94, Dennis harcèle Prost, qui finit par accepter d’effectuer des tests sur la McLaren-Peugeot. La firme sochalienne est prête à faire un gros effort financier pour s’attacher ses services. Après tout, le pari est tentant: le lion, qui vient d’achever son programme victorieux au Mans avec la 905, semble afficher de grandes ambitions pour défier son rival Renault dans la catégorie reine. Prost veut piloter avant tout pour le plaisir de conduire, pour se faire une idée des nouvelles F1 1994 dépourvues de l’attirail électronique des saisons précédentes. Et puis, son horizon est libre : son projet de rachat de Ligier semble mort-né, faute de soutiens financiers solides. Quand à Renault, avec qui il est encore lié contractuellement, rien n’a été formalisé, alors que des rumeurs l’annonçaient comme « ambassadeur » de luxe. Du côté de Woking, l’attente est forte et le communiqué de presse de McLaren est clair : le test se déroule dans l’espoir que le champion du monde s’engage pour la saison entière. Il n’y a pas d’appel de pied plus net !

Des occasions manquées

Ainsi, du 8 au 11 mars, Alain Prost se retrouve sur le circuit d’Estoril pour tester cette McLaren Mp4/9-Peugeot. Le constat sera visiblement sans appel. Prost est désormais convaincu: il n’a une motivation à 100%, d’autant plus que le moteur Peugeot est loin d’être à la hauteur. A 39 ans, le Français n’a plus le temps ni l’envie de se lancer dans une aventure de développement qui prendrait, au mieux, plusieurs années pour réussir. Le 15 mars, il confirme son départ définitif : «En réalité, je n’ai pas changé d’avis depuis septembre dernier, poursuivait le champion français. Cet essai avec McLaren s’est passé de manière très honnête entre les deux parties en sachant à quoi il fallait s’attendre. Ce n’était pas uniquement le fait d’essayer la voiture mais aussi l’esprit dans lequel je pouvais travailler avec eux. Je voulais me tester, savoir si j’avais vraiment envie de remettre ça. En fait, non.» Quelques semaines plus tard, Prost deviendra consultant de luxe chez Renault et chez TF1, commentant les grand prix. Quant au baquet McLaren, il revint à Martin Brundle. Alliot ne fit qu’une seule apparition, bien timide, en Hongrie. Dès la fin de la saison, Dennis, très irrité par les performances de Peugeot, ira voir chez Mercedes.

La rumeur est relancée encore lorsqu’en 1995, le Français devient « consultant spécial » pour McLaren. On lui prête l’intention d’acheter des parts dans l’équipe mais Ron Dennis refuse. Prost obtient même le privilège d’être le premier à conduire la Mp4/11 en 1996 lors des essais hivernaux, avant de s’embarquer dans l’aventure (et la galère) Prost Grand Prix. Il finira ainsi par retrouver Peugeot, mais cette fois ci en tant que directeur d’écurie. L’association Prost-Peugeot, qui débute en 1998, tournera en 2000 au fiasco absolu avec 0 point marqué, 57 casses (!!!) de moteurs, des tensions intestines au maximum et même une grève du personnel Peugeot au warm-up du Grand prix de France. Peugeot arrêtera les frais à l’issue de la saison, pour mieux rebondir en WRC, tandis que l’écurie Prost GP disparaîtra l’année suivante.

(11 commentaires)

  1. Aucune volonté des entreprises françaises ni de l’état pour aider Prost (quand il a repris ligier ). Même Peugeot qui n’était pas vraiment motivé. Peugeot ne sait pas travailler en collaboration. Il aurait fallut que Peugeot s’engage en F1 et ne soit pas que motoriste. Hélas en France on se réjouit plus des échecs que des réussites. Même si aujourd’hui les choses ont un évoluées. Un rendez-vous historique (pour le sport) manqué.

    1. Je ne partage pas votre avis, pour moi l’échec principal est à mettre sur le compte de Prost lui même qui avait axé tout sa communication sur un projet franco français, et un peu la malchance (accident de Panis). Au début, Prost a bénéficié d’un soutien immense : facilités pour son terrain à Guyancourt, sponsoring national via Gauloises, sponsors français à la pelle (Agfa, canal plus, Bic, Alcatel…), lire à ce sujet les interviews de Joann Villadelprat, qui dit que l’équipe avait trop d’argent et ne savait pas quoi en faire…
      Ensuite il y a eu la volonté de remplacer un bon moteur Mugen par un Peugeot pourri, et le fiasco technico financier qui a suivi.
      Pour son projet bleu blanc rouge, il a préféré les Burti, Mazzacane et Diniz aux Collard, Boullion, Ayari ou Sarrazin qui perçaient à l’époque et qui étaient bien meilleurs…
      Puis la communication à la Prost a fait son œuvre : c’est la faute des autres, on ne me soutient pas… Les résultats sont partis, les sponsors, les primes F1 aussi… L’état de grâce était passé.
      Les vicissitudes du grand prix de France de l’époque n’ont pas joué un grand rôle dans les difficultés de Prost grand prix.

      1. Faut quand même avouer que travailler un grand constructeur français était alors tentant et pouvait permettre à Prost GP de sauter une marche.
        Le souci étant que comme souligné PSA n’aura jamais mis les moyens pour produire un moteur digne de ce nom: comment marquer des points et attirer les investisseurs quand on ne termine pas une course?
        La liste des pilotes payants à la fin de Prost GP auront été le dernier symptôme de la descente aux enfers de l’équipe avec les sponsors qui de seront fait la malle devant l’absence de résultats.

        La grosse erreur de Prost aura été de travailler avec Peugeot: le Honda aurait sans doute permis à l’équipe de marquer les points nécessaires pour obtenir les gros sponsors… Les français de l’époque auront été victime collatérale de ce fiasco: tellement dommage pour Stéphane Sarrazin qui avait tout ce qu’il fallait pour obtenir une superbe carrière en F1.

  2. Ron DENNIS a surtout eu un moteur Gratuit pendant l’année PEUGEOT !
    Cela étant, ce fût la meilleure année pour PEUGEOT en F1 ( 4ème )

    1. En effet, quand on regarde les résultats, la saison ne fut pas catastrophique, loin de là. La MP4/9 semblait très bonne et Mclaren a été bien plus patient avec Honda récemment. Mais l’équipe n’avait plus le même statut aussi.

  3. Ces articles  » historiques  » sont très bien pour nous faire revivre des périodes oubliées, ou pas toujours claires sur le moment.

    1. Merci. De plus, avec les années « anniversaire » 89,94 ou 99, on a de quoi faire !

    1. c’est prévu, mais j’essaie de coller au calendrier, histoire de ne pas tout épuiser dès le mois de mars

  4. Croûton vous avez en partie raison dans le détail mais ni Prost ni Peugeot n’ont reçu certains soutiens. Ce que je ressens c’est le manque d’ambition de voir une F1!française. Sans l’accident de Panis qui faisait une belle saison les choses auraient peut être changé. Attention pas d’amalgame je ne dis pas que c’est de la faute de panis. L’accident fait hélas partie des aléas de la course et bien heureux que Panis soit toujours derrière un volant

  5. Un projet de F1 ne ce fait pas sur une année. Les sponsors sont bien vite partis alors que le projet commençait à peine.

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