1994, une saison en enfer : le titre se joue sur un accrochage
Un duel arrangé, mais un duel quand même
En effet, le suspense avait animé la fin de la saison, Damon Hill réussissant à se poser en challenger face à Michael Schumacher, dont l’entame du championnat lui avait laissé pourtant entrevoir une domination sans partage, facilitée par la tragique disparition de « Magic » Senna. Mais le fil de Graham, longtemps sous-estimé, a réussi à élever son niveau de pilotage pour se rapprocher de l’Allemand au championnat, certes bien aidé par les déboires du pilote et de son équipe Benetton (disqualification en Angleterre et en Belgique, suspension de deux grands prix, accusation de fraude) qui étaient dans le collimateur d’une FIA soucieuse de relancer l’intérêt (et les audiences) d’un championnat plombé par la mort de Senna. Ainsi, au grand prix du Japon, disputé dans des conditions dantesques pourtant favorables à la maestria de Schumacher, Damon Hill avait tenu bon pour décrocher une splendide victoire…et disputer le titre mondial à son rival jusqu’à la dernière course.
A Adélaïde, en Australie, Schumacher arrive en leader du championnat, mais avec seulement 1 point d’avance sur Hill. L’anglais doit devancer l’Allemand mais surtout marquer deux points de plus, car en cas d’égalité, Schumacher l’emporterait grâce à davantage de courses gagnées (8). Les deux hommes arrivent dans des conditions psychologiques particulières. Schumacher est certes sûr de lui, mais convaincu que les instances sportives ont comploté pour le faire échouer. De son côté, Hill souffre toujours d’être mésestimé et peu considéré par sa propre équipe, qui en effet lui verse un salaire bien plus faible que les autres pilotes des top teams. L’anglais s’étant épanché dans les médias, ses relations avec Frank Williams et Patrick Head, peu réputés pour leur mansuétude et la chaleur de leur management, sont glaciales dans le paddock.
Le duel finit dans le mur
La séance du samedi ayant été pluvieuse, tout s’est joué sur la séance du vendredi. Nigel Mansell, rappelé à la rescousse par Williams (et la F1) après la mort de Senna, se montre enfin performant et signe la pole position ! Il compte bien faire le jeu de son équipe et devance Schumacher, qui a pulvérisé sa Benetton à la chicane lors de son ultime tentative. Damon Hill, 3e, devance Mika Hakkinen et les excellentes Jordan-Hart de Barrichello et Irvine.
Dès le départ, la stratégie de Williams tombe à l’eau car Mansell patine et rate complètement son envol. Il laisse passer Schumacher et Hill et se retrouve même derrière Hakkinen et Barrichello à l’issue du 1er tour. Devant, le duel est à la hauteur. Schumacher imprime un rythme d’enfer mais Hill ne le lâche pas d’une semelle. Tous les deux pilotent aux limites de leurs possibilités et de leurs machines. A l’approche de la mi-course, malgré des arrêts aux stands et un trafic difficile, ils ne sont séparés que par une seconde.
Soudainement, au 36e tour, à la sortie du virage à 90° de Finders, Schumacher se rate sur une bosse et quitte la piste. Certes, c’est à faible allure, mais la Benetton tape assez fortement le mur de côté. La suspension est probablement endommagée mais l’Allemand revient sur la piste. Derrière, Hill bondit sur l’occasion et plonge à l’intérieur pour le doubler, sauf que Schumacher fait comme si de rien n’était et prend sa trajectoire. Le choc est inévitable, la roue avant gauche de Hill heurte le ponton droit de la Benetton, qui se soulève et part tout droit dans le mur de pneus. Schumacher est out, le titre s’envole ! Mais l’euphorie est de courte durée pour Williams. Hills est au ralenti, rentre aux stands et le résultat est sans appel : la suspension a cédé lors du choc avec la Benetton, Hill doit à son tour abandonner. Schumacher est sacré champion du monde ! L’allemand l’apprend alors qu’il est encore prostré non loin du virage où il a abandonné. Il n’en croit pas ses yeux et appuie sa tête contre le grillage. On sent qu’un immense poids est levé de ses épaules. Pour Hill, dont on devine la fureur et la frustration derrière son casque, la défaite est amère. Mais l’anglais a gagné le respect du paddock et du public, l’ancien pilote besogneux et terne s’étant métamorphosé au cours de la saison. Pendant ce temps, sur la piste, les vieux briscards Mansell et Berger se livrent un duel de toute beauté. Le vieux lion a le dernier mot et remporte sa 31e et dernière victoire, à 41 ans.
Un premier titre qui fait jaser
Une dernière polémique pour finir ? Au point où on en est… A 25 ans et seulement trois ans après ses débuts, Schumacher est dans la cour des grands. Mais il a beau faire amende honorable et se montrer grand seigneur vis à vis de Damon Hill, qu’il complimente après l’avoir copieusement méprisé en cours de saison, beaucoup d’observateurs ne croient pas au simple concours de circonstances et estiment qu’il a délibérément fermé la porte, voire provoqué l’accrochage avec Hill pour assurer son titre. L’Allemand a eu probablement un réflexe naturel pour protéger sa position (comme Vettel cette année au Canada), mais a-t-il délibérément coupé la trajectoire pour sortir Hill ? Aucune preuve tangible ne peut l’attester, mais le doute restera car l’incident d’Adélaïde 1994 cristallise (mais moins que Jerez 1997) les crispations et les divisions du public sur la personnalité « clivante » de Schumacher. Les fans de F1 ont toujours été divisés entre les adorateurs du « kaiser » et ses plus virulents détracteurs.
Après l’accrochage avec Hill, certains dénoncent le geste antisportif d’un pilote qui, déjà à cette époque, s’est forgé une réputation de pilote dur et pas toujours fair-play. Il sera régulièrement vilipendé lors de manœuvres litigieuses ultérieures, qui alimenteront peu à peu le « côté obscur » du champion (mais chaque grand champion n’a-t-il pas un côté obscur ?) et la finale de 1994, telle la pièce à charge que l’on ressort dans un dossier qui s’épaissit, resurgira comme un boomerang à chaque nouvelle polémique entachant son pilotage. D’autres prennent mordicus sa défense, voyant dans ce geste la preuve que l’Allemand lest de la trempe des grands champions mus par la soif de vaincre. Ils rappellent, là aussi à juste titre, que Schumacher a subi en 1994 les affres d’une FIA aux abois, menée par un duo Mosley-Ecclestone prêt à tout pour freiner sa domination et maintenir coûte que coûte le suspense dans l’intérêt du business et du « show ». La saison 1994, qui fait encore couler de l’encre, s’achève en queue de poisson, mais force est de constater que le meilleur pilote de la saison a été récompensé au final. La morale est-elle sauve ? Pas sûr, tant la saison 1994 aura entaché à tout point de vue l’image de la Formule 1. Pour beaucoup de monde, il y eut un avant et un après 1994 dans l’histoire de la F1. Une année en enfer, jusqu’au bout.
La série 1994, une année en enfer:
épisode 1, à la recherche du spectacle
épisode 2, Apocalypse sur la F1
épisode 3, l’été sera chaud pour Benetton !
Autres sujets liés à la saison 1994 :
Alain Prost et le test avec McLaren-Peugeot
Ratzenberger, la mort dans l’ombre
Les conséquences de la mort de Senna
Schumacher et ses trajectoires en zig-zag. Un grand classique !
La B194 était très certainement illégale : tous les experts sont de cet avis. Senna était convaincu de la tricherie de Schumacher et Benetton et en parlait beaucoup y compris à Prost.
Verstappen son coéquipier avait lui même interdiction de voir la voiture de Schumacher de prêt. Elle était en permanence bachee à l’usine.
Donc non la sanction contre Schumacher n’était pas que pour le championnat même si les preuves de la tricherie n’ont pas été apportées
Beaucoup d’affirmations sans preuves dans vos propos… heureusement que vous n’êtes pas juge (du moins je l’espère) !
Vous devriez relire l’histoire : la B194 était équipée des aides au pilotage illegales: anti-patinnage et abs.
La défense de benetton etait que les aides étaient électroniquement désactivées même si les systèmes toujours presents. La FIA n’avait pas réussi à démontrer qu’ils avaient moyen de les activer quand même.
Je ne fait que relater les dires des pilotes de l’époque : Schumacher et Briatore étant coutumier des coups tordus je ne vois pas ce qu’il vous choque.
Donc encore une fois, vous accusez sans preuve, la FIA elle-même ayant échoué à en trouver.
Intime conviction ne vaut pas preuve. Et donc je confirme, vous feriez un bien piètre juge.