Le grand prix national, le sacre ou la malédiction
Remporter son grand prix national est évidemment l’un des rêves de tout pilote de Formule 1. Si cela a été fréquent et rapide pour certains, comme Alain Prost, qui s’imposa dès 1981 pour un total de 6 succès au grand prix de France, d’autres ont galéré, à l’image de Charles Leclerc à Monaco ou d’Ayrton Senna, qui dû attendre sa 8ème participation au grand prix du Brésil, en 1991, pour enfin savourer un triomphe à domicile, et encore, avec bien des souffrances, puisque le brésilien était martyrisé par des crampes et affaibli par une boîte de vitesse quasiment morte, dont ne subsistait que le 6e rapport.
Par une étrange ressemblance, Niki Lauda a un peu vécu les mêmes difficultés pour le grand prix d’Autriche 1984, une course qu’il a remporté…après avoir été à deux doigts d’abandonner !
Malgré 3 poles obtenues en 1974, 1975 et 1977, Niki Lauda n’avait encore jamais gagné le grand prix d’Autriche avant 1984, en 11 éditions, n’ayant obtenu qu’une 2e place en 1977, mais aussi subi 6 abandons. En 1984, alors que l’autrichien doit fair face à la concurrence redoutable de son nouvel équipier Alain Prost, Lauda s’est qualifié quatrième, derrière Nelson Piquet, son équipier et Elio de Angelis – l’Italien qui avait remporté une victoire spectaculaire à Zeltweg en 1982.
Passer à travers les embuches
Piquet a mené la majorité de la course, avec Prost blotti dans son sillage et Niki en troisième position, choisissant, fidèle à sa sratégie, une course d’attente en début de grand prix pour ménager sa monture et le carburant. A cette époque, la gestion du carburant est délicate car les pilotes ne disposent pas à l’époque de l’arsenal informatique qui permet de nos jours d’avoir des données ultra fiables, sans compter sur une fiabilité très aléatoire, même pour les meilleurs équipes. Coup de théâtre au 28e tour quand le Français fait un tête-à-queue peu après la mi-course, piégé par une flaque d’huile déversée le tour précédent par le moteur en liquéfaction d’Elio de Angelis.
Promu second, et ayant jusque-là piloté de manière conservatrice, Lauda a commencé à passer à l’attaque à mesure que la charge de carburant s’épuisait et que les pneus nécessitaient une gestion supplémentaire. Revenu sur Piquet, en proie à de grosses difficultés avec ses pneus, et après plusieurs tours d’observation passés en embuscade, Lauda trouva l’ouverture. Après s’être montré dans les rétros dans les ligne droite en se décalant, Laud profita d’une faute de Piquet en glisse à la réaccélération en sortie de chicane pour le déborder par la gauche et dépasser le brésilien au 39e tour, sous les vivats du public.
ça valait le coup d’insister
Sauf que, trois tours plus tard, à la sorte de la Bosch Kurve, Lauda entend un grand bruit dans sa transmission. « J’accélère en sortant du Bosch Corner en quatrième vitesse, il y a un bruit formidable et je perds toute puissance. Le moteur tourne toujours mais aucune puissance n’est transmise aux roues. Le différentiel a disparu. » Sa quatrième vitesse vient de se briser. L’Autrichien ralentit fortement et lève le bras pour prévenir qu’il abandonne ! Néanmoins, une sensation inattendue le pousse à insister…
« Bon sang, c’est une longue marche pour revenir aux stands à partir d’ici », se souvient-il dans son autobiographie. « Pourquoi ne pas essayer de continuer un peu plus longtemps ? Je tripote les engrenages, trouve le troisième. Cela fonctionne toujours. Ma première pensée est, eh bien, au moins, vous pouvez passer les stands en troisième position. »
Après être parvenu à rétrograder en troisième, il réussit à passer la cinquième vitesse, et finalement décide de continuer tant bien que mal. Peut-être, juste peut-être, pourra-t-il encore terminer la course et récupérer un point.
« Je ne fais aucun effort conscient pour vérifier quelles sont les possibilités qui me restent – je mets simplement le pied en troisième, je passe en quatrième à mesure que les régimes montent, je n’obtiens aucune réponse et je passe automatiquement en cinquième. Le cinquième fonctionne ! »
S’il n’avait pas été « trop paresseux pour revenir à pied », il aurait retiré sa McLaren sur l’herbe et serait revenu à pied, plutôt que de découvrir que ses troisièmes et cinquièmes vitesses fonctionnaient toujours.
Piquet berné par la réputation de Lauda
Lauda repart donc, mais son rythme est 3-4 secondes plus lent. Par chance, Piquet, à l’agonie avec ses pneus, a fortement ralenti le rythme également. De plus, le brésilien, connaissant l’approche raisonnée de Lauda pour gérer ses courses, ne perçoit pas que l’autrichien est en fait en galère, ce qui aurait pu l’inciter à hausser le rythme.
« Je conduis aussi bien que possible sans quatrième vitesse », dit-il. « Prochain tour : 17 secondes d’avance sur Piquet. Cela me vient à l’esprit, bien sûr, Nelson connaît ma façon de conduire, il sait que je ralentis dans les dernières spéciales et que je me fiche de l’avance que j’ai lorsque je franchis la ligne d’arrivée. Il pense probablement que je conduis délibérément plus lentement, que je conduis une course tactique et que cela ne sert à rien de me mettre sous pression car je vais seulement réagir immédiatement et mettre le pied à nouveau. De plus, ses pneus arrière ne sont pas exactement dans la meilleure position pour monter une vraie charge. »
Piquet pense sans doute que Lauda temporise et qu’il pourrait facilement rehausser son rythme s’il lui prenait l’envie d’aller le titiller. Ah, la radio n’était pas là pour donner toutes les informations en temps réel !
Derrière Lauda qui serre les dents et Piquet qui n’a plus de pneus, Patrick Tambay, sur la Renault, situé à moins de 40 secondes, semble alors en mesure d’aller les chercher…sauf que son moteur part en fumée au 44e tour ! A l’issue des derniers tours interminables où il se fait doubler par les retardataires, Lauda franchit la ligne d’arrivée en premier, avec une boîte de vitesses gravement endommagée, pour remporter pour la première fois son Grand Prix à domicile.
Niki Lauda et Piquet se retrouvent sur le podium, où le Brésilien est alors dévasté de découvrir que le rythme de Niki n’était pas une tactique, mais un problème avec sa voiture.
« Piquet et moi nous sommes dirigés vers le podium du vainqueur », se souvient Niki. « Il m’a demandé comment ça s’était passé. Je lui ai répondu que j’avais cassé ma quatrième vitesse. Je peux voir à son expression à quel point il était bouleversé d’avoir laissé passer sa chance. »
Ce fut aussi une course qui a fait basculer l’avantage de manière décisive vers Lauda au championnat. Avant le Grand Prix d’Autriche, le Français détenait un léger avantage de 5,5 points sur son équipier, le demi-point étant le résultat du grand prix de Monaco écourté où Prost n’avait reçu que la moitié des 9 points normalement alloués à l’époque au vainqueur de grand prix, soit 4.5 unités. La victoire de Lauda lui a permis de prendre 3,5 points d’avance. Il a conservé son avance pendant les quatre courses restantes, remportant le Championnat du Monde avec la marge la plus étroite jamais enregistrée – seulement un demi-point.
« De toutes les courses qui ont décidé du championnat du monde en 1984, d’une manière ou d’une autre, ce grand prix a été le plus fortuit. C’est une heureuse coïncidence que cela se soit produit en Autriche »
Sources : les propos tirés de son autobiographie sont issus du site officiel McLaren
chouette article
Je ne me rappelais pas de cette anecdote.
Mieux des dessins de sport auto avec Lauda et son oreiller ?
Ou encore sa chasse au faon.