Rétro -13 mai 1950 : et la Formule 1 fût !

La reconstruction

Les moteurs qui rugissent et les bolides qui déboulent au milieu du public, dans l’insouciance absolue des normes de sécurité, symbolisent ce retour à la vie, au divertissement, cette volonté d’aller de l’avant et de foncer  vers le progrès après les années de destructions et de privations.

Dès 1946, la CSI entend structurer et hiérarchiser les courses de type grand prix : comme cela était de coutume avant guerre, elle distingue différentes formules en fonction des cylindrées. La formule internationale, celle regroupant les voitures les plus puissantes, est appelée d’abord Formule A puis Formule 1. Elle doit entrer en vigueur dès 1947. Si l’archiecture moteur est libre, les motoristes ont le choix entre les 1.5 litre à compresseur ou les 4.5 litres atmosphériques. La catégorie est complétée en 1948 par la Formule B, dénommée dès 1949 Formule 2, qui reprend la règlementation d’avant-guerre des « voiturettes » limitées à 1500cc, puis enfin la Formule 500cc (des monoplaces à moteur de moto) qui prendra le nom de Formule 3. Par contre, la fameuse règlementation Grand Prix 3 litres à compresseur, qui avait donné en 1938 les fabuleuses et monstrueuses Alfa Romeo Tipo 312, Mercedes W164 et Auto-Union Type D, est interdite.

Formule Italia

En septembre 1946, la section turinoise de l’ACI anticipe la future catégorie reine en organisant le grand prix de Turin, dans le Parco Valentino de la capitale piémontaise, qui accueillait des courses depuis le milieu des années 30. C’est donc, officiellement, la première course catégorie Formule 1 de l’histoire. La course, ouverte aux 1500cc à compresseur et aux 4.5 litres, est remportée par un des géants d’avant-guerre, Achille Varzi, sur une Alfa Romeo 158, devant Jean-Pierre Wimille. Entre 1946 et 1949, il n’y a pas de championnat mondial organisé mais un enchaînement de courses régionales, une trentaine par an, dont certaines sont labellisées « grandes courses ». La saison débute traditionnellement par la « temporada » en Amérique du Sud, où les ténors européens viennent se frotter aux nouvelles terreurs locales, dont Oscar Galvez et un certain Juan-Manuel Fangio. La suite de la saison est dominée par les courses européennes, où les épreuves italiennes et françaises (grands prix de Pau, Reims, Albi, Nice, Marseille, etc…) occupent une grande place.

La guerre provoque aussi un changement de générations. Les gladiateurs des années 30 se sont retirés, comme Rudolf Carraciola ou Manfred Von Brauschitsch. Tazio Nuvolari, vieillissant et rattrapé par la maladie, gagne un dernier grand prix à Albi en 1946 puis quitte la scène. Comme un symbole, son grand rival, Achille Varzi, est fauché par la mort en Suisse en 1948. Cette génération laisse place à de nouvelles idoles comme Alberto Ascari, Luigi Villoresi, Juan-Manuel Fangio ou encore Jean-Pierre Wimille – qui sera lui aussi fauché trop tôt –  trustent les victoires et seront bientôt les nouvelles icônes de la course.

Championnat…d’Europe

En 1949, la moto ouvre le bal avec la création du championnat du monde. A l’initiative du compte Antonio Brivio, pilote et athlète olympique de talent, la CSI lui emboite le pas et propose pour 1950 un calendrier structuré autour de 7 épreuves phares : Angleterre, Monaco, Suisse, Belgique, France, Italie et les 500 miles d’Indianapolis. La fameuse épreuve américaine, qui se dispute pourtant avec des règlementations sportives et techniques bien différentes de la F1, est incorporée afin de donner une dimension davantage internationale à un championnat quasi-exclusivement européen. Cette bizarrerie sera en vigueur jusqu’à la fin des années 50, et il faut donc plutôt parler de 6 manches réellement disputées pour l’obtention du titre. Seuls les 4 meilleurs résultats sont retenus au classement final, avec un barème qui attribue des points aux cinq premiers (8,6,4,3, 2) et un point supplémentaire à l’auteur du meilleur tour en course.

La première pierre posée à Silverstone

C’est le samedi 13 mai que se déroule la toute première course, en présence de George VI et de sa fille, Elizabeth. En effet, pas question de déranger les riverains le dimanche et d’entraver le jour du seigneur. Le tracé emprunté a été inauguré en 1948 sur une ancienne base aérienne de la RAF, à Silverstone. Ce petit « bled » de l’Oxfordshire, qui venait de servir à la lutte aérienne contre le Reich nazi, est désormais l’hôte de la nouvelle Formule 1. Il se caractérise par une piste très large de 4,8 kilomètres dont les pilotes ont cependant du mal à distinguer les limites.

Alors que les marques et pilotes allemands brillent par leur absence, les italiens sont en position de force. Certes, le temps est encore à la reconstruction et les moyens financiers sont limités. Pas question de développer de nouveaux modèles à la technologie avant-gardiste. Si l’on compte 6 Maserati 4CL (dont une engagée par l’usine avec Louis Chiron) c’est surtout l’écurie d’usine Alfa Romeo qui fait office de favorite, en alignant 4 Alfa Romeo 158 (dont la conception remonte à 1938 !) confiées à Reg Parnell, Luigi Fagioli, Giuseppe Farina et Juan-Manuel Fangio. La France peut compter sur 5 Talbo-Lago T26, confiées entre autres à Philippe Etancelin et Louis Rosier. Le reste du plateau repose surtout sur des privés, pour la plupart britanniques. Un absent de marque : la Scuderia Ferrari. L’écurie montante, dont la 125 F1 propulsée par le V12 Colombo fait figure d’épouvantail, surtout aux mains d’Alberto Ascari, est engagée sur une épreuve de F2 à Mons, en Belgique, où les primes des organisateurs sont plus importantes ! Comme quoi !

L’évènement est une formalité pour Alfa Romeo, qui a placé ses 4 voitures sur la 1ère ligne (sic) avec deux secondes d’avance sur la concurrence. Le récital se poursuit jusqu’au bout, avec un triplé Alfa Romeo (Juan-Manuel Fangio a abandonné) et une victoire remportée par Giuseppe « Nino » Farina, avocat la semaine et pilote intrépide le week-end. L’enthousiasme de l’évènement, qui a attiré 200.000 spectateurs, est unanimement relayé par la presse. Ferrari annonce sa participation à la 2e épreuve, prévue à Monaco. La grande histoire de la Formule 1 est lancée !

(2 commentaires)

  1. Vos articles sont passionnants et rappellent de bonnes lectures.Mais il faut absolument que vous vous interdisiez les imprécisions du genre « c’est vers » ou jusqu’à la fin des années X » , alors que, dans le même temps vous êtes très précis.
    Alors pour Indy, c’est pour 61 qu’elle fut exclu du CM Pilote.
    Pour le circuit de Turin au parc de Valentino, il y eut 6 courses de F1 ou F2 entre 35 & 55 (beaucoup de courtes & longues interruptions).
    Pour les « Grandes Courses » entre 45 et 49, il faut retenir la définition non écrite qu’ont les anglais pour 1890 à 1949 « Les Grandes épreuves » (en français) cad quand un meeting, course, Trophée ou …GP réunit 80% des « usines ou écuries » officielles.
    Pour les courses de F1 sans CMP, de 45 à 49, puis les GP F1 hors CMP, il faut absolument pouvoir consulter le livre des stats de Pierre Darmendrail (vérifiez l’orthographe ).
    Merci encore de votre belle plume.
    Hervé HHS

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