Depuis plusieurs mois, le calendrier de l’Indycar avait un « TBA » à la date du 16 octobre. Désormais, on sait enfin où aura lieu la finale du championnat 2011: à Las Vegas.
Randy Bernard, responsable de la série, se veut enthousiaste. Il est venu à Las Vegas avec Marco Andretti, Ryan Briscoe, Ryan Hunter-Reay, Will Power et Al Unser Jr, qui avait remporté une course d’Indycar à Las Vegas (on y reviendra.)
Bernard veut créer l’évènement. 5 pilotes seront invités et s’il battent les concurrents réguliers du championnat, ils recevront un chèque de 5 millions de dollars (3,6 millions d’euros.) Unser Jr (qui doit en être à sa quatrième ou cinquième tentative d’arrêter de boire) à lancé qu’avec un tel prix, il est prêt à se remettre à l’entrainement et à sortir de sa retraite!
Enfin, tout acheteur d’un billet d’une manche d’Indycar se verra offert un ticket pour assister à celle de Las Vegas.
Difficile de ne pas ricaner lors de cette annonce. Car ce n’est pas la première tentative pour faire courir des monoplaces à Las Vegas, loin s’en faut.
Retour en 1946. Joseph M. Smoot, un promoteur New-yorkais s’est fait conduire à Las Vegas par un avocat, Hank Greenspun. Ce dernier s’y rendait pour rejoindre sa femme, qui a décidé de créer son propre journal, le Las Vegas Sun. Smoot déclare qu’il a conçu des hippodromes en Floride et en Californie (en fait, il a été impliqué de loin et à chaque fois, il s’était fait viré) et qu’il voudrait en construire un à Las Vegas. Il a du bagou, Greenspun est partant et il lève 2 millions de dollars auprès d’investisseurs.
Le champ de course devait ouvrir en 1947. Greenspun a de plus en plus de doutes sur Smoot, d’autant qu’il le voit trainer avec des hommes d’affaires véreux. En 1953, Smoot est incapable d’expliquer à un tribunal où sont passés 500 000$, mais le procès dure et il comparait librement.
Un nouveau patron est nommé et le « Las Vegas Jockey Club » était terminé en fin d’année. Un meeting de 67 jours est planifié… Mais faute de spectateurs et de parieurs, il fut interrompu au bout de 3 jours. Mi-1954, un second meeting de 48 jours était prévu et cette fois, il dura finalement une semaine.
Un nouveau groupe d’investisseurs transforma à la hâte l’hippodrome en piste de terre battu. Le « Las Vegas Jockey Club » est mort, vive le « Las Vegas Park »!
L’AAA (qui gérait alors l’Indycar) annonçait un meeting pour clôturer le championnat 1954. Jimmy Bryan, déjà titré, s’impose devant des gradins vides.
Smoot est retrouvé mort début 1955 (officiellement, il est mort de vieillesse, à 71 ans, mais dans le Las Vegas de 1955, la définition d’une « mort naturelle » était vague…) En octobre, la Nascar vient à Las Vegas Park. Norm Nelson remportait une course raccourcie à l’improviste, car la nuit tombait.
Le circuit perdait de l’argent. La pression immobilière fit que le site ne resta pas longtemps abandonné. Il fut dépecé entre plusieurs promoteurs. Le Las Vegas Hilton repose aujourd’hui sur l’essentiel du terrain.
En 1964, Elvis Presley jouait dans Viva Las Vegas. C’était un de ces « véhicules » tournés à la chaine afin de capitaliser sur la popularité du « King ». Il s’agissait sans doute un coup du Colonel Tom Parker, l’omniprésent manager du chanteur/acteur, pour promouvoir la ville (et lui donner une image proprette, loin de celle du repère à gangsters.)
Quoi qu’il en soit, Persley jouait Lucky Jackson, un pilote aussi talentueux que fauché. Jackson voulait disputer le Las Vegas Grand Prix avec son Elva mk VI privée. Il a cassé son moteur et manquait d’argent pour le réparer. En plus, il a des vues sur une maitre-nageur, que lui dispute un autre coureur, Elmo Mancini.
Evidemment, à la fin, Jackson obtient la fille et remporte la course. Le « Las Vegas Grand Prix » qui servait de toile de fond, était une épreuve imaginaire, à travers le désert. Notez que l’Elva d’Elvis servit de modèle pour la voiture de Speed Racer.
Quand la réalité rejoint la fiction… Un an après Viva Las Vegas, il y eu effectivement une course d’endurance baptisée Las Vegas Grand Prix.
En 1965, le casino Stradust décida d’acheter des terrains proches de la ville pour y construire un circuit. L’objectif du « Stardust International Raceway » était d’attirer les clients de l’hôtel (et les faire rester davantage de temps.)
Une course d’endurance (ne comptant pour aucun championnat) inaugura le circuit, fin 1965. Nous étions à la grande époque du « road racing » et ce circuit « routier » accueillit ainsi la Can-Am et la TransAm.
L’USAC à prit le relais de l’AAA et en 1969, Bobby Unser (oncle de Al Jr) remporta l’unique course d’Indycar disputée là. La course fut âprement disputée et il tomba en panne d’essence dans le tour d’honneur.
Avec ses dénivelés et ses bourrasques (qui amène sable et cailloux sur la piste), le Stardust Raceway était un circuit sélectif. Donc apprécié des pilotes. En revanche, le public ne répondait pas présent.
En 1970, le casino décidait d’arrêter les frais et de revendre le circuit. Las Vegas connait une croissance exponentielle et la ville arrivait aux portes du site. Un promoteur le rachèta et y bâti le lotissement de Spring Valley dessus.
Hasard ou coïncidence, alors que les bulldozers démolissent le Stardust Raceway, une autre course démarre à Las Vegas.
Delbert E. Webb était un de ces personnages controversés comme il y en eu beaucoup à Las Vegas. Promoteur immobilier, il fit fortune en décrochant le contrat pour la construction d’un énorme camp de déportation pour Américains d’origine japonaise, durant la deuxième guerre mondiale. Puis il s’offrit l’équipe de baseball des New York Yankees, en 1947, qu’il revendit au prix fort 15 ans (et 10 titres!) plus tard.
Webb avait construit le Flamingo, tout premier hôtel-casino de Las Vegas, pour le gangster « Bugsy » Siegel. En 1961, il prit les commandes du Mint (que l’on voit dans le clip de U2 I still haven’t found what I’m looking for.)
En 1970, il a l’idée d’une course à travers le désert (encore une prémonition de Viva Las Vegas?) avec des motocross et des buggy. Le journaliste Hunter S. Thompson rendit célèbre les « Mint 400 » de 1971. D’abord annoncé à moto, il se contenta de « couvrir » la course. Ou plutôt, il passa son temps à boire et à se droguer dans les casinos. Un épisode relaté dans Las Vegas Parano.
Webb ne reculait devant aucun outil de promotion. Avant la course, les équipages paradaient dans Las Vegas. Il eu aussi l’idée d’une équipe féminine composée d’actrices (dont Linda Carter, alias Wonder woman) et de playmates.
Webb est mort en 1974. Le Mint fit faillite en 1988 et il laissa place à un autre hôtel-casino. Les Mint 400 n’y survécurent pas, bien que la course fut ressuscité en 2008.
Fin 1980, le circuit de Watkins Glen n’était plus capable de payer les droits d’entrée pour accueillir un Grand Prix de F1. Bernie Ecclestone chercha un nouveau pigeon circuit et il rencontra ainsi les propriétaires du Caesar’s Palace.
L’hôtel-casino voulait non pas construire un circuit en banlieue, mais utiliser son parking! Un tracé sans intérêt, fait de lignes droites et de courbes lentes, fut créé. Chris Pook (déjà créateur du Grand Prix de Long Beach) jouait les promoteurs. Il fit rouler les taxis de la ville dessus, pour que la piste soit lisse comme un billard!
En 1981, le premier Las Vegas Grand Prix (décidément!) a lieu et il ferme la saison. Jacques Laffite (Ligier), Carlos Reutemann (Williams) et Nelson Piquet (Brabham) se battaient pour le titre. Sur ce circuit sinueux, le BMW turbo de la Brabham ne pouvait s’exprimer, mais il termina 5e. Williams a un chouchou, Alan Jones; tant pis pour son équipier. Reutemann hérite d’une voiture sciemment mal préparée, il renonça et le Brésilien fut titré. Jones remporta la course. Le champion du monde 1980 reçu la coupe de Diana Ross, puis ce francophobe fit un bras d’honneur a l’intention de Laffite!
En 1982, le titre se jouait cette fois entre Keke Rosberg (Williams) et John Watson (McLaren.) Michele Alboreto et sa modeste Tyrell remportèrent une course quasiment sans spectateurs.
Fin 1982, le Caesar’s Palace trouvait que les droits demandés par la F1 étaient délirants. Comme souvent, le CART (qui organisait alors l’Indycar) hérita du bébé. Les virages furent court-circuité, de manière à créer une espèce d’ovale (mais sans virages relevés.) Les Caesar’s Palace Grand Prix de 1983 et 1984 ne sont pas vraiment rentrés dans l’histoire et la manche disparu ensuite discrètement du calendrier.
En 1996, un anneau fut construit près de l’ancien site du Stardust Raceway. Il a une forme de « tri-ovale ».
A l’époque, l’Indy Racing League venait de faire sécession vis-à-vis du CART. La nouvelle série cherchait désespérément des circuits. Elle se rendit au Las Vegas Motor Speedway fin 1996 (dans le cadre d’un championnat à cheval sur 1996 et 1997.)
Le circuit accueille également la Nascar, devenant un rendez-vous régulier pour plusieurs séries. Néanmoins, l’audience de l’IRL était alors cruellement limitée. Ainsi, les 4 « Vegas Grand Prix » se déroulèrent dans un relatif anonymat. Al Unser Jr remporta la dernière édition, en 2000. L’arrivée de Penske et Ganassi (par ailleurs propriétaires d’anneaux) modifia la donne. Les « petits » circuits furent alors prié d’aller voir ailleurs.
En 2004, c’est cette fois le Champ Car (ex-CART), qui cherchait des circuits. Deux manches, toutes deux remportées par Sébastien Bourdais, furent organisées au Las Vegas Speedway. Ce furent d’ailleurs l’une des rares manches sur ovale de ces saisons.
Après un hiatus en 2006, le Champ Car voulait frapper un grand coup en 2007. La manche sur l’anneau est remplacée par un tracé dans les rues de Las Vegas. Le promoteur promettait un show « à la Vegas » avec un grand tournoi de poker et divers animations en marge de la course.
Le « Vegas Grand Prix », remporté par Will Power, fut un flop. Pour 2008, elle aurait du être remplacée par une manche à Road America, avant que Champ Car et Indycar ne décident de fusionner.
En 56 ans, l’Indycar est déjà venu à 10 reprises à Las Vegas (dont 5 fois au Las Vegas Motor Speedway) et sur 5 sites différents! A chaque fois, les promoteurs successifs tombèrent sur un même os: le manque de spectateurs.
Le premier souci, c’est que les touristes viennent à Las Vegas pour jouer, boire, se marier ou pour aller aux prostitués. Ils n’ont pas de temps à perdre pour aller voir une course!
L’autre point (auquel personne ne pense), c’est que la ville est située en plein désert! A midi, la température est insoutenable (voilà pourquoi la plupart des courses eurent lieu à l’automne et en fin d’après-midi.) Les gens n’ont donc pas envie de quitter un casino climatisé pour aller cuir sur des gradins!
Le Nascar possède des fans prêt assister à une course, quel que soit le lieu. A contrario, l’Indycar manque de stars. Au point où Bernard doit sortir Unser Jr d’un bar pour en faire son homme-sandwich.
Difficile de croire que l’Indycar réussira là où il a tant de fois échoué.
Si Sébastien Bourdais trouvait une solution avec Dale Coyne, il serait le seul ancien vainqueur au départ (avec Will Power, mais lui, c’était sur le circuit en ville.)
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