F1 : selon la FIA, Bianchi n’a pas assez ralenti

La FIA a publié les différentes conclusions concernant l’accident de Jules Bianchi à Suzuka. Le bureau des accidents de la FIA pointe surtout du doigt la responsabilité du pilote français en oubliant visiblement le tracteur avec lequel il est entré en collision ainsi que différentes causes.

Voici les conclusions du bureau d’enquête concernant l’accident du tour 47 arrivé à Suzuka sous un déluge rendant la piste visiblement impraticable :

1. La ligne de course, semi-sèche au virage 7 était traversée de façon soudaine par une coulée d’eau à travers la piste et versant vers le bas de la pente. A la fois Sutil ,et Bianchi un tour après, ont perdu le contrôle à ce point du virage 7.2. La voiture de Sutil était en cours d’évacuation par une grue mobile quand Bianchi est arrivé sur les secteurs 7 et 8, qui contient la partie du virage 7 où se déroulait le remorquage. Les secteurs 7 et 8 étaient sous régime du double drapeau jaune.3. Bianchi n’a pas suffisamment ralenti pour éviter la perte de contrôle au même point de la piste que Sutil.

4. Si les pilotes suivent les recommandation des doubles drapeaux jaunes, comme expliqué dans l’appendice H, article 2.4.5.1.b, alors ni les concurrents, ni les officiels ne devraient être mis en danger physique.

5. Les actions entreprises suite à l’accident de Sutil étaient conformes aux règlements et leur interprétation durant 384 incidents durant les 8 dernières saisons. Avec le bénéfice du recul, il n’y a pas de raison apparente pour que la voiture de sécurité fut déployée que ce soit avant, ou après l’accident de Sutil.

6. Bianchi a sur-compensé le sur-virage de sa voiture, tant et si bien qu’il a quitté la piste plus tôt que Sutil, et s’est retrouvé en amont sur la barrière. Malheureusement, la grue mobile était en face de cette partie de la barrière, il a percuté et est passé sous l’arrière, à une grande vitesse.

7. Pendant les deux secondes où la voiture de Bianchi a quitté la piste et traversé le dégagement, il a appuyé simultanément sur l’accélérateur et le frein, en utilisant les deux pieds. L’algorithme de sécurité est conçu pour ne pas tenir compte de l’accélérateur et couper le moteur, mais il fut inhibé par le coordinateur de couple qui contrôle le système de frein « by-wire » (moteur hybride). La Marussia de Bianchi a un système de frein unique qui a démontré son incompatibilité avec les réglages de sécurité.

8. Comme l’algorithme de sécurité n’a pas coupé le couple moteur comme le demandait Bianchi, cela pourrait avoir eu une conséquence sur la vitesse d’impact ; il n’y a aucun moyen de le quantifier de manière sure. Cependant, Bianchi a peut-être été distrait par ce qu’il se passait et par le fait que ses roues avant été bloquées et qu’il était incapable d’éviter la grue mobile.

9. Le casque de Bianchi a heurté la partie descendante de la grue. La force et l’instantanéité de l’impact ont causé une décélération massive de la tête et une accélération angulaire, menant à ses blessures sévères.

10. Toutes les procédure de secours et médicales ont été suivies et leur rapidité ont visiblement contribué à sauver la vie de Bianchi.

11. Il n’est pas possible d’atténuer les blessures dont a souffert Bianchi soit en fermant le cockpit du pilote, soit en mettant des jupes aux grues mobiles. Aucune des deux approches n’est pratique à cause des grandes forces impliquées dans l’accident entre une voiture de 700 kg et une grue de 6 500 kg à la vitesse de 126 km/h. Il n’y a simplement pas assez de structure d’impact sur une F1 pour absorber l’énergie d’un tel impact sans détruire la cellule de survie du pilote ou sans générer des décélérations mortelles.

Il est fondamentalement faux d’essayer de rendre un impact entre une voiture de course et un véhicule large et lourd non létal. Il est impératif d’éviter qu’une voiture ne percute une grue et/ou un commissaire travaillant à proximité.

Une nouvelle règle des doubles drapeaux jaunes

Parmi les recommandations du bureau des accidents de la FIA, il y a une nouvelle règle pour les doubles drapeaux jaunes qui consiste à imposer une vitesse limite dans la portion concernée. C’est exactement le principe de la Slow Zone décidé par l’ACO pour les 24 heures du Mans. Cela évite une sortie de voiture de sécurité tout en provoquant un ralentissement obligatoire des concurrents. Une vérification complète des algorithmes de sécurité sera mise en place et les règles de drainage des circuits seront revues. D’autres propositions semblent avoir moins d’implication directe sur ce type de situation.

Bianchi seul responsable ?

Le bureau des accidents de la FIA semble donc incriminer uniquement Bianchi en minimisant l’influence des autres facteurs pourtant eux aussi à l’origine de l’accident. Le drainage tout d’abord était visiblement insuffisant selon le rapport mais la FIA ne retient pas son rôle plus que cela. Tout au plus préconise-t-elle de revoir le drainage. La procédure de sécurité de la Marussia n’a pas fonctionné comme prévu et a donc laissé le couple moteur entraîner la voiture plus vite que ce qu’elle aurait du avec un algorithme suivant le règlement.

Le bureau pointe du doigt une réalité, même avec une jupe, un impact à 126 km/h laisse des « traces » et il est donc impératif d’éviter le choc. La procédure des doubles drapeaux jaunes est perfectible, de l’aveu même de la FIA mais pour autant sa responsabilité n’est pas engagée par le bureau. Etrange alors que la procédure va visiblement être revue pour devenir une slow zone. Pour rappel si Bianchi n’a pas « suffisamment ralenti » selon le bureau, la FIA avait indiqué peu après l’accident que Bianchi n’était pas le plus rapide des pilotes encore en piste. La perfectibilité de la règle est donc évidente.

Certains ont souligné la présence de l’herbe jouant le rôle d’accélérateur sous la pluie battante qu’il y avait. Mais il n’est pas souhaitable que les circuits deviennent aseptisés avec de larges zones de dégagement bitumées. D’ailleurs Sutil s’est sorti sans dommage d’une sortie similaire. Seule la présence de la grue est LE facteur de la gravité de l’accident de Bianchi et rien d’autre. Le sport automobile est suffisamment dangereux pour ne pas rajouter de tels obstacles.

Mise en place des Slow Zone ?

Au final la FIA ne semble retenir que la responsabilité de Bianchi, que ce soit pour la vitesse, ou pour la « sur-compensation du sur-virage » (en gros en tentant de rattraper sa voiture il a fait une faute…). Ce n’est pourtant pas le premier accident avec un tracteur-grue. Au Brésil on était passé tout près de la catastrophe en 2003 quand plusieurs voitures sont sorties au même endroit alors qu’une grue était en train d’évacuer une première monoplace.

Il est à souhaiter que la FIA prenne la décision de la Slow Zone à 60 km/h comme pour les 24 heures du Mans avec sanction immédiate pour tout dépassement de cette vitesse. Sans cela, ce genre d’accidents risque de se reproduire.

Evidemment ce rapport n’a pas tardé à faire réagir. Patrick Tambay (114 GP de F1 à son actif) déclare sur RMC : « On se lave les mains. Je trouve que c’est dommage d’accuser le pilote. Il doit y avoir des intérêts d’assurance et des choses comme ça. C’est un jugement qui sert à disculper les responsabilités des uns et des autres. On aurait pu l’envisager avant même qu’il ne soit présenté. C’est un petit peu dur d’accuser le pilote ».

Jules Bianchi est toujours à l’hôpital de Nice, en train de se battre pour sa vie. Nous lui souhaitons évidemment ainsi qu’à ses proches tout le courage possible.

Source : FIA (le rapport complet est ici), illustration : Marussia

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