F1 : la qualification remplacée à terme par une course ?

Un mauvais jeu

Personne n’était fier à l’issue de la Q3 de Monza, qui a tourné au ridicule. Personne ne voulant faire le lièvre et offrir l’aspiration au pilote derrière, les 9 pilotes encore en lice ont roulé au ralenti, Nico Hülkenberg simulant très maladroitement une chicane coupée dans l’espoir de se retrouver derrière ses « camarades ». Et au final, la plupart des pilotes n’ont pas eu le temps de boucler leur tour de sortie des stands avant que le drapeau à damier ne s’abaisse, ratant ainsi leur ultime tentative pour réaliser le meilleur chrono possible. Ridicule et frustrant.

Il n’y a peut-être pas de lien de cause à effet, mais Mattia Binotto a confirmé que la séance de qualification, en vigueur depuis 2006 avec son format Q1-Q2-Q3, pourrait être remplacée par des mini-courses qualificatives le samedi, visant à déterminer la grille de départ du grand prix du dimanche. « Oui, toutes les équipes ont dit ’OK’ à la proposition de Liberty Media, y compris nous (…) Donc en 2020, ce sera acté. » L’idée est de tester le système sur certaines courses, avant une introduction officielle en 2021.

Ce changement soulève des questions majeures, à la fois sportives, techniques et même culturelles. D’abord, s’il y a une course qualificative, il faudra bien déterminer un ordre sur la grille, mais comment ? D’après le classement du championnat du monde, en inversant les positions, avec les derniers en tête et les premiers en fond de grille, comme cela a été suggéré ? Quid de l’allocation des moteurs et boîtes de vitesse avec des mécaniques qui seront davantage sollicitées sur l’ensemble d’une saison, sans parler des risques accrus de casses, d’incidents qui accroîtraient la charge des mécaniciens, peu compatible avec la volonté de réduction des coûts ? Et puis, qu’est ce que cela apporterait par exemple à Monaco, où les possibilités de dépassement sont quasiment nulles ? Certains pilotes ne seraient-ils pas tentés de jouer le « tout pour le tout » dans la course qualif, quitte à se refaire le lendemain, au risque d’un pilotage plus dangereux ?

Touche-t-on à l’ADN de la F1 ?

On devine là une sorte d’américanisation de la F1, qui semble vouloir puiser dans la Nascar pour accroître, même artificiellement, le spectacle. Il est vrai que la philosophie des courses, de part et d’autre de l’Atlantique, est très différente : les championnats américains misent davantage sur le « show » et moins sur la technologie, avec des voitures standardisées (COT en Nascar, Dallara DW12 en Indy), des neutralisations fréquentes qui redistribuent les cartes, tandis que la F1, de souche européenne, a toujours adopté une approche élitiste, faisant la part belle à la technologie, à l’ingénierie. La F1 a toujours connu des périodes de domination d’une écurie ou d’une autre, poussant les autres à la rattraper et donc à mener une sorte de « course aux armements ». Pour maintenir le suspense, la Nascar a adopté quelques années auparavant un format de championnat « play-offs » qui permet à plusieurs pilotes de se qualifier pour la phase finale du championnat, le « Chase », où tous les compteurs de points sont mis à égalité et garantissent que le titre se joue toujours sur la dernière course. Ainsi, qu’un pilote ait gagné 10 ou 1 seule course avant le « Chase », chacun aura une chance de remporter le titre sur les dernières courses décisives. Un contrepied total à la F1 où les championnats sont toujours gérés dans leur globalité et sur la durée par les équipes et les pilotes.

Culturellement aussi, la disparition de la qualification serait très dommageable pour l’ADN de la F1. L’exercice de la pole, rarement déterminant dans les courses américaines, a acquis en F1 presque un caractère « sacré ». C’est un exercice de pur pilotage, d’attaque extrême sur le fil du rasoir où le pilote doit en un tour sortir la quintessence de sa machine. C’est un exercice de style, presque chevaleresque, qui a contribué à la légende de la F1. La magie de Senna est née en partie de ses légendaires chasses à la pole position, ce qu’une course qualificative ne pourrait jamais remplacer. Qui peut oublier sa pole à Monaco en 1988 ? Ou la qualif de Jerez 1997 quand Schumacher, Villeneuve et Frentzen ont réalisé le même temps ? La joie des tifosis quand une Ferrari signe la pole à Monza ? Quand Schumacher puis Hamilton ont égalé puis battu le record mythique de Senna, l’évènement a marqué les esprits. La course qualif priverait donc les fans d’un moment rituel historique qui met en valeur le mérite et le panache, tout cela au profit d’un format peut-être croustillant pour le show mais bien plus hasardeux sur le plan sportif.

L’avis de leblogauto.com

A vouloir tout changer…Le format de qualification est une réussite, en dépit du couac de Monza qui peut se corriger facilement avec des règles en piste plus drastiques. Le resserrement des forces pour éviter d’interminables dominations est nécessaire, mais comme cela, pas sûr que la F1 y gagne…

(9 commentaires)

  1. Pourquoi pas un format superpole ? Les pilotes ont trois tours (un de sortie des stands, un tour chrono, une rentrée au stand) pour chaque Q1/Q3/Q3. Les voitures sortent espacées de cinq secondes chacunes, comme ça plus de problème d’aspiration.

    1. En fait la F1 veut remettre de l’incertitude et du spectacle.
      Comme en changeant de format de qualif (souvenez-vous des qualifs de plus de 1h avec tout le monde avec des moments totalement sans bagnole sur la piste) le spectacle n’est pas forcément là, on tente un autre truc….

      Perso j’aime bien le format actuel avec son suspense crecendo.
      Mais, il faut avouer que le coup de la Q2 qui donne les pneus du début de course ruine un peu la course à la performance.

      Je serais assez pour une qualif sous ce format mais avec des pneus hors quota. Pour que ce soit « à fond » durant la qualif.
      Avec pourquoi pas une superpole à 5 ou 4 (histoire de mettre un coup de suspense en plus.

      Ici, une course pour la qualif c’est surtout pour faire une course le samedi et ajouter un intérêt aux billets.
      Mais pour moi, une course d’appui en permanence suffit. Pourquoi pas une course avec les 3e pilotes ? ou un genre de « ligue 2 » de la F1 (à définir) ?

  2. Il suffit de revenir à la formule des années 1960/70.
    Supprimer le ravitaillement et le changement des pneus et surtout revenir à des voitures de pilotes et non à des voitures gérées par des ingénieurs en bord de piste, etc…. mais, car il y a un mais, l’électronique envahie tout et nos voitures particulières en sont remplies et cela va continuer, alors la F1 moderne, c’est tout simplement le miroir de notre voiture moderne, hybride, pneus larges, électronique omniprésente…. Alors, peu importe la formule, demain le pilote ne servira plus à rien comme nous ne conduirons plus nos voitures et tout se jouera, se pilotera des stands…… au mieux!!!
    Dans 20 ans qui peut dire ce que sera la F1 et si elle existera encore…….

  3. Pourquoi faire comme les américains ? Pourquoi renier notre culture? Les courses de F1 sont tellement différentes des courses aux USA ça n’a aucun sens. Oui il faut trouver un truc pour éviter ce qui a été vu en Italie. Mais aussi regarder ou ce genre de gag peu avoir lieu. La Q3 pourrait se jouer sur 3 tours . C’est un petit retour en arrière mais pourquoi pas

  4. Jerez 97…j’avais 11 ans mais je m’en souviens encore ! 1 min 21 sec 072, et un époustouflant Damon Hill en 4e position à 6 centièmes de secondes avec sa modeste Arrows Yamaha !

  5. « en dépit du couac de Monza qui peut se corriger facilement avec des règles en piste plus drastiques ».
    Pourquoi vouloir corriger le couac de Monza par des règles?
    Monza, c’est juste des équipes qui se sont ridiculisées en jouant à qui sortira le premier.

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