Le prix du rêve
Peu doué dans la recherche de sponsors, Roland Ratzenberger s’était exilé en 1989 au Japon pour piloter en Groupe C et en F3000. Son but était de mettre de l’argent de côté afin de s’offrir un volant en F1.
Après cinq années passées au pays du soleil levant en compagnie d’autres pilotes européens désargentés, l’Autrichien accédait enfin à son rêve en s’associant avec la toute nouvelle écurie Simtek qui débutait elle aussi dans la catégorie reine en ce début de saison 94.
Non qualifié à Interlagos, il avait pris le départ et terminé en onzième position de son premier Grand Prix à Aïda, dans le pays qui lui avait permis de décrocher une place parmi l’élite.
Séance de qualification – samedi 30 avril 1994 – 13 h 18
A l’heure des qualifications, le pugnace pilote autrichien avait bien l’intention de renouveler l’expérience en signant un temps suffisamment rapide pour obtenir sa place sur la grille de départ de la course.
A 13 h 18, soit à deux minutes près l’heure à laquelle la Jordan de Barrichello s’était désintégrée la veille contre le grillage, la Simtek de Ratzenberger sort à pleine vitesse de la très rapide courbe de Tamburello et aborde la courbe à droite appelée « Villeneuve ». Quelques instants auparavant, une petite touchette sur un vibreur lui avait fait perdre un élément aérodynamique sur sa monoplace. Ne s’en était-il pas aperçu ou bien avait-il estimé l’incident suffisamment mineur pour poursuivre son effort? Nul ne le saura jamais. Toujours est-il qu’au moment de virer à droite, sa machine ne répond pas à ses sollicitations et fonce droit dans le mur situé en face de lui. L’impact a lieu à 316 km/h.
La Simtek-Ford est déchiquetée sur son flanc droit et termine sa course au milieu de l’épingle de Tosa. Dans le cockpit, le pauvre Roland Ratzenberger n’est plus qu’un pantin désarticulé. Son casque ballant ne laisse planer aucun doute quant à la gravité de l’accident.
Ces craintes sont très vite confirmées par les images des secours qui montrent un médecin en train de prodiguer un massage cardiaque à l’infortuné pilote. Dans le stand Williams, Ayrton Senna est lui aussi témoin de ses instants dramatiques. Il est incapable de dissimuler son émotion. Un peu plus tard il se rendra sur les lieux du crash pour essayer de comprendre. Il sera réprimandé pour cela.
A 13 h 43, l’hélicoptère médicalisé décolle avec Ratzenberger à bord en direction de l’hôpital de Bologne où il arrive à 14 h 08. A peine sept minutes plus tard l’Autrichien est déclaré cliniquement mort. Sans doute l’était-il déjà au moment de l’impact mais pour d’obscures raisons juridiques il ne fallait pas qu’il en soit ainsi. S’il avait été déclaré mort à Imola, cela aurait déclenché une procédure judiciaire qui aurait inévitablement conduit à l’annulation du Grand Prix. Avec le recul on ne peut que regretter que cela ne se soit pas produit.
Bien que doté d’une constitution physique exceptionnelle qui lui faisait caresser le rêve impossible de disputer les 24 heures du Mans en solitaire, le corps de Roland Ratzenberger n’a pas résisté à l’énorme énergie cinétique dégagée dans la collision.
Il s’agissait du premier pilote mort au volant d’une F1 depuis Elio De Angelis en 1986 et du premier pilote décédé lors d’une compétition officielle depuis Riccardo Paletti au Canada en 1982.
On apprendra plus tard qu’il n’avait pas 31 mais 33 ans, soit le même âge que Senna. Comme d’autres pilotes entrés sur le tard en F1 (Damon Hill avait fait de même), il s’était volontairement rajeuni dans l’espoir de durer dans la catégorie. Le destin ne lui en aura pas laissé le temps.
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