Eugène Martin (avec 3 mois de retard)

Mais au fait, c’était qui, Eugène Martin? Les statistiques ne retiennent que le pilote de F1: 2 grand prix sur une Talbot d’usine en 1950 (et autant d’abandons.) Dans la hierarchie de pilotes de F1 Français, cela le place donc ex-aequo avec Franck Lagorce, mais derrière Paul Belmondo (6 grand prix.) Il était également l’un des derniers survivants du grand prix de Grande-Bretagne, avec Toulo De Graffenried.

Il est vrai que dans les années 60, gràce aux efforts conjugués de Matra et Elf, un véritable sport automobile tricolore a emmergé.

Mais dans les années 50, malgré le grand prix de France et les 24 heures du Mans, c’est le désert. Amedé Gordini en est réduit à faire les poubelles de Simca (au sens propre du terme!) pour faire marcher son équipe.

Côté pilote, faute de soutien, ce sont généralement de riches gentlemen-drivers ou de courageux mécanos, qui préparent la voiture qu’ils pilotent. Evidemment, leurs finances s’épuisent vite. Seuls Behra et Trintignant purent courir à plein temps.

La passion de Martin pour les voitures débute durant la deuxième guerre mondiale, lorsqu’avec Serge Pozzoli (l’un des premiers collectionneurs d’anciennes), ils recherchaient des voitures de courses déjà obsolète… Ingénieur de l’ENSAM, il faisait parti (avec André De Cortanze, Jim Hall, Jean-Pierre Jabouille…) des personnes aussi talentueuses pour concevoir une voiture que pour la piloter.

Après-guerre, il est présent aux coupes de la Libération de 1945, à Paris, avec une MG à moteur Salmson. Puis il court dans le sud de la France avec une BMW 328, qu’il engage et prépare lui-même. Il remporte ses premières victoires à Boulogne et à Montlhery.

L’année suivante, il modifie sa 328 pour pouvoir lutter face aux Gordini. Il s’impose avec aux grands prix d’Angoulème et de Lyon.

En 1948, il participe à l’aventure de la C.T.A. Arsenale, une monoplace tricolore. Conçue par Lory (père de la Delage de Benoist), elle est prometteuse sur le papier. Mais les chronos sont modèstes, son V8 1500cm3 casse comme du verre et surtout, elle est difficile à conduire. L’état (qui finance le projet) force C.T.A. a s’engager au grand prix de France 1949. Les deux voitures de Sommer (privé de puissance) et Martin (privé de plancher!) s’efface dés les essais. 

La même année, il co-pilote une 202 Darl’mat allegée à Montlhery. Avec Charles de Cortanze, Jean Pugol et les frères Goux, il obtient des records de moyenne sur 12h et sur 200Okm.

Il y eu enfin l’épisode Jicey, qui débuta peu avant C.T.A. Impliqué dans la mise au point, il fait remplacer le moteur Peugeot (détruit par un pilote qui n’a pas compris le maniement de la boite Cotal) par un BMW-Veritas. Deux voitures sont construites, avec lesquels il écume les circuits français, devenant pour la première fois pilote d’usine. Après la mesaventure C.T.A., il rachète l’une des deux Jicey et il l’impose à Aix-les-bains.

Son quart d’heure de gloire à lieu en 1950, lorsque Talbot-Lago l’engage comme pilote d’usine. Pour beaucoup, le soi-disant « championnat du monde des conducteurs » est une compétition créée par et pour Alfa-Romeo (voilà pourquoi Ferrari n’était pas présent au premier grand prix de l’histoire.) Hélas, au grand prix de Suisse, il sort violement. A Berne, c’est un calvaire: seule trois roues freinent (suivant les tours, c’est à l’avant-droit ou à l’avant-gauche!) et suite à une fuite, de l’huile bouillante est projetée sur son visage. Alors qu’il se protège de l’huile, il manque une courbe, la voiture fait un tonneau et il est ejecté à demi: l’une de ses jambes est resté dans l’habitacle où le poids du volant lui a brisé le fémur. Sa saison, ainsi que celle de 1951, est finie. 

Le temps de se réeduquer, il retourne à la planche à dessin. Pour Talbot, il conçoit une « sport » 2,5 litres qui n’aboutira pas, Talbot étant k.o. A l’automne 1952, il construit un coupé Martin-Spéciale sur base 203. Au passage, il a mis au point un double-corps qui donne un peu de nerf aux 203 (94ch au lieu de 45!)

Après avoir tenté de vendre sa Martin-Spéciale, dont il a produit cinq exemplaires, il se tourne vers Salmson et lui propose la voiture. Engagé par la marque, il fait raccourcir la pataude berline Randonnée et obtient ainsi celle qui deviendra le coupé 2300S, au salon de Paris 1953 (faisant également passer la puissance de 65 à 106ch. La 2300S permet à la marque de revivre. Hélas, l’équipe « historique » de Salmson n’apprécie pas ce gêneur et lui met des bâtons dans les roues. Quant au patron, il impose à Chapron un toît très bombé, afin de pouvoir la conduire avec son chapeau melon. Vers 1957, Salmson met la clef sous la porte.

Côté course, il pilote une nouvelle Jicey en championnat de France de F2 en 1952, puis en 1953 en course de côte, à Lapiz. Il gagne sa catégorie. Par contre, au grand prix de Paris 1952, c’est sur Jicey qu’il prend le départ. Il est également présent aux 24 heures du Mans 1952 et 1953, avec une Porsche 356 (il abandonnera à chaque fois.) Le grand prix de Pau 1954, sur une Gordini officielle marque son grand retour. Blessé de nouveau, il décide d’abandonner la course. Il servait néanmoins de doublure des pilotes officiels Gordini pour Le Mans 1954.

Dernier point: dans Spirou et les héritiers, puis dans La corne du rhinocéros, Spirou et Fantasio rencontrent, chez « Turbot », un pilote et ingénieur nommé Martin. Hasard ou coïncidence?

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