Circuits oubliés: Cadours

Si Montlhery, Reims et Rouen sont les plus célèbres circuits abandonnés, savez vous que la France regorge d’anciens tracés? Difficile de le croire aujourd’hui, vu les investissements et les manoeuvres politiques necessaires pour construire un circuit.

Jusque dans les années 60, les circuits permanents sont rares. On court dans les centre-ville, en rase campagne, sur des autoroutes et même sur des hippodromes! Parmi eux, le grand prix de Cadours, près de Toulouse, un rendez-vous incontournable au début des années 50.

Le plateau de ces grand prix locaux est plutôt hétéroclite. A une époque où il n’existe pas de droits télé, pilotes et écuries sont avant tout payés avec les primes de départ.

Sur la grille, on trouve donc des équipes officielles du championnat du monde de F1 en quête de kilométrage (à une époque où il n’y a quasiment pas d’essais privés) et de deniers. Ca tombe bien, Cadours tombe juste après le grand prix d’Italie, à Monza (donc en fin de saison, lorsqu’il faut réunir un budget pour l’année suivante…) Il y a aussi des privés, comme Levegh ou Guy Mairesse qui se focalisent sur les 24 heures du Mans, qui trouvent là un moyen de financer leurs volants et ne font que ressortir une voiture déjà ancienne. Enfin, il y a les pilotes locaux, qui ont souvent construits tout seul leur monoplace. En théorie, Cadours s’adressait aux F2, mais le réglement était plutôt libéral.

La cheville ouvrière du circuit de Cadours, c’était Louis Arrivet. Pas d’infrastructures: Cadours, c’est trois départementales tortueuses, des stands en bois (?) et quelques bottes de paille. En septembre 1948, il réussit à réunir une vingtaine de pilotes locaux. Premier vainqueur: l’Albigeois René Mauriès et sa Simca-Gordini.

L’année suivante, un Parisien fait le déplacement: René Gerbout et sa RG-spéciale. Il inscrira son nom comme deuxième vainqueur de l’épreuve.

En 1950, les organisateurs veulent gagner de l’importance. Ils se rendent à la course de F2 de Lesparre, près de Bordeaux, pour y convaincre les pilotes de venir ensuite à Cadours. Raymond Sommer, 4e à Monaco sur Ferrari cette année-là, débarque avec sa Cooper-Jap. Harry Schell possède la même monture, guère puissante (96ch), mais très légère, donc très rapide. Parmi les autres participants, on note un armada de 5 DB-Panhard (dont une pour René Bonnet), 2 Gordini (dont une pour Aldo, le fils du patron), une Jicey pour Marcel Balsa, ainsi que Gerbout et sa RG. Il y a 14 000 spectateurs (ce qui est énorme pour un village de 500 habitants) et 3 manches qualificatives sont organisées (plus une de repêchage.) Sommer eut un début de week-end héroïque: vainqueur de la première manche, il renonce dans la seconde et doit remporter le repêchage s’il veut participer! Il s’y impose. Lors de la finale, Sommer est d’emblée sur orbite, devant Aldo Gordini et Bayol (DB-Panhard.) Hélas, au 8e tour, la direction de la Cooper se brise, Sommer percute un arbre et meurt sur le coup, à 44 ans. Du coup, la victoire de René Simone (DB-Panhard) 12 tours plus tard passait au second plan.

Dés 1950, les organisateurs comptaient modifier leurs circuits. Ironnie du sort, c’est Sommer qui les avait conseillé. En 1951, le nouveau circuit obtient l’agrément pour concourir en F2. Les stars européennes débarquent et c’est Maurice Trintignant qui s’impose (il recidivera en 1953, toujours sur Gordini.) En 1952, c’est un autre grand pilote Français, vainqueur en solitaire des 24 heures du Mans 1950, Louis Rosier qui remporte la course, sur Ferrari. Le résultat trahis l’évolution du plateau: Toulo De Graffenried est 2e, Balsa (l’un des derniers privés) est 6e, Peter Collins s’est imposé lors de la première manche et Moss s’est inscrit (mais n’a pas pu faire le déplacement.) Trintignant gagne donc l’épreuve en 1953, suivi par Jean Behra l’année suivante, également sur Gordini.

En 1955, après la tragédie du Mans, toutes les autres courses françaises sont annulées (dont Cadours, qui tombe 3 mois après les 24 heures.) Désormais, les pouvoirs publics ne veulent plus de ces courses entre deux rangées de platanes et où les spectateurs traversent la piste impunément. Les circuits doivent faire des travaux… Mais les collectivités locales refusent de les financer. A l’époque, pas d’échappatoires ou de bac à gravier; les travaux consistaient à supprimer certains arbres et à installer des bottes de pailles, mais c’est trop pour Cadours.

Une course a néanmoins lieu en 1957, selon le réglement « sport ». André Loens y impose sa Maserati 200S devant la Porsche Spyder 550 de Carel Godin De Beaufort. L’année suivante (car Cadours, c’était également une épreuve de moto), l’Australien Keith Campbell (premier champion du monde de ce pays) se tue au guidon de sa Moto Guzzi.

En 1959, c’est cette fois-ci une course de formule junior et Bill De Selincourt s’impose avec son Elva-BMC. Henri Grandsire, le futur Michel Vaillant, est 4e sur Stanguellini. Deux ans plus tard, Jo Siffert et sa Lotus remporte la dixième et dernière course de Cadours. José Rosinski (bien connu des lecteurs de Sport-Auto) est 2e sur Cooper, Grandsire 5e sur Lotus. Mais le sport automobile tricolore connais alors un passage à vide: les pilotes valeureux sont soit morts, soit retraités et il n’y a aucune relève.

Tombé dans l’oubli, Cadours renaît aujourd’hui, gràce à des passionnés. Une épreuve d’anciennes eu lieu en 2000, pour les 50 ans de la mort de Sommer. Et depuis, des clubs tournent régulièrement.

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