Ah, la balance de performance, la fameuse BoP, inépuisable sujet de conversation qui revient sur la table à chaque discussion concernant les catégories GT… Rappelons rapidement pour les non-spécialistes de quoi il s’agit. En catégorie LM GT, comme en catégorie GT3, l’éventail des autos est varié et toutes les bases de production ne sont pas toutes aussi évidentes à adapter pour la compétition. Pour donner des chances à tous les constructeurs, les voitures sont testées en début de saison sur la piste de Michelin à Ladoux et les experts de la FIA se penchent sur les données recueillies et ajustent le handicap de chaque modèle pour rapprocher les performances : un peu plus de poids pour l’un, une bride plus importante à l’admission pour l’autre, une plus grande latitude de réglages de l’aileron pour un troisième… Tout cela est une science complexe, et le législateur se donne la possibilité de faire des ajustements complémentaires en cours de saison si l’une des voitures montrait une supériorité manifeste ou un handicap rédhibitoire.
Ce dernier point ouvre une boîte de Pandore. Même si le WEC est un championnat qui dure toute la saison, l’objectif avoué de tout le monde est bien entendu de remporter les 24 Heures du Mans. Donc qu’est-ce qui se passe si une voiture se montre lente et non compétitive en début de saison et durant les tests ? Pour maintenir l’intérêt de l’épreuve, l’ACO se voit pousser à affiner la balance de performance. Mais cela ne marche bien évidemment que si chacun joue cartes sur table. Les choses étant ce qu’elles sont, la tentation de cacher son jeu et de montrer des performances en deça des possibilités pour obtenir une balance de performance plus favorable est forte, même si les commissaires techniques observent les données de près pour détecter toute manoeuvre de ce type…
Dans ce cadre, les résultats des Ford GT à l’issue de la qualification mercredi, plus de quatre secondes plus rapides que les temps des mêmes lors de la journée test et les quatre voitures dans le top 5, ont immédiatement donné lieu chez les concurrents, et en particulier chez les collègues US de Corvette, à des accusations de sandbagging, le terme consacré dans ces cas-là. Les Ford n’auraient pas montré leur potentiel jusque-là pour bénéficier des ajustements favorables décidés par l’ACO en début de semaine. Vu la forme soudaine et miraculeuse des voitures de Dearborn, l’accusation n’est pas totalement farfelue. Le patron de l’équipe Ford ne s’est pas laissé impressionner pour autant et a nié toute manipulation, mettant en avant que les conditions avantageaient les moteurs turbo, comme le prouve la bonne tenue des Ferrari, seules capables de rivaliser avec les Ford, et allant même jusqu’à retourner l’accusation contre « ceux qui pleurnichent », en l’occurence les Corvette qui ont eu une qualification très décevante, trop décevante selon lui pour être honnête. Règlement de comptes à OK Corral !
L’ACO a en partie donné raison aux sceptiques en édictant hier une ultime modification de la balance de performance. Les Ford reçoivent 10 kilos de lest et un ajustement du boost de turbo et les Ferrari un lest de 15 kg supplémentaires, mais deux litres de plus dans le réservoir. Les Corvette voient leur bride d’admission ouverte de 0,2mm avec deux litres supplémentaires dans le réservoir. Les Porsche elles voient leur capacité de réservoir augmenter de trois litres.
A priori tout le monde est à peu près satisfait de ces ajustements de dernière minute, Ford et Corvette compris. Ils devraient resserrer les performances et nous donner une course superbe, comme c’est toujours le cas en GT. Quant au petit jeu du chat et de la souris autour de la balance de performance, il n’a pas fini de nous distraire…
Crédit images : le blog auto/Gilles Vitry