Nouvelle formule
En 1923, l’AIACR (Association Internationale des Automobile Clubs Reconnus, l’ancêtre de notre FIA) veut attribuer le titre de champion d’Europe et tente d’unifier la réglementation technique du Vieux Continent. Par conséquent, une nouvelle formule est intégrée avec une course recevant le titre officiel de grand prix d’Europe, comme étant l’épreuve la plus prestigieuse de la saison. Les limites techniques des voitures étaient fixées à deux litres de cylindrée maximale et le poids minimum à vide à 650 kg. De plus, les voitures devaient avoir à bord un chauffeur et un mécanicien pour une distance minimale de 800 km.
L’époque est aussi une période d’expérimentations très active, tant sur le plan mécanique qu’aérodynamique. Le public s’émerveille pour certains prototypes très profilés, dont le style rompt totalement avec les véhicules carrés de ce temps. C’est le cas de la Benz Tropfenwagen avec son design en goutte d’eau, et surtout de la française Avion Voisin C6, avec son étonnant moteur sans soupapes et surtout un système de refroidissement composé d’une hélice passive installée à l’avant, actionnée par le flux d’air !
FIAT a mis le compresseur
Mais à cette époque, ce sont les italiens qui prennent le dessus. Alfa Romeo a développé la P1 munie d’un 6 cylindres en ligne deux litres de 90 CV qui atteint 180 Km/h en vitesse de pointe, mais c’est FIAT qui attire surtout l’attention avec la 805, conçue sous la férule d’un certain Vittorio Jano et qui introduit la nouveauté des moteurs suralimentés (à ne pas confondre avec la turbocompression) en Grand Prix. Avec le compresseur volumétrique à lobes Eaton-Roots, elle développe 150 CV, permettant une vitesse maximale d’environ 220 km/h, ce qui est largement supérieur à la concurrence.. Inventé en 1860 par Francis Marion Roots, le compresseur ne fut adapté à l’automobile par Daimler qu’à partir de 1921 sur la Mercedes 28/95 PS. En 1922, le constructeur allemand remporte la catégorie des voitures de série de cylindrée supérieure à 4.5 l lors de la Targa Florio. Par rapport aux versions atmosphériques, le compresseur permettait de quasi doubler la puissance de ces voitures.
Un drame chez Alfa Romeo
A Monza, deux semaines avant la course, Fiat tester la dernière évolution de la 805 avec les pilotes Pietro Bordino et Enrico Giaccone. Dans la soirée du 26 août, les deux hommes, roulant à très grande vitesse pour tester la résistance du moteur turbocompressé, subissent un énorme accident après une rupture du train avant. Giaccone est tué sur le coup, étant alors le 3e pilote FIAT de l’année à décéder, apès Biagio Nazzaro et Evasio Lampiano..
La veille de la course fut tout aussi tragique. Lors d’une séance d’essais libres le 8 septembre, c’est Ugo Sivocci qui se tue au volant de son Alfa Romeo P1, à la suite de quoi Alfa Romeo décide de retirer son équipe de course en signe de deuil. Lors de l’accident, la P1 du pilote de Salerne n’était pas décorée par le superstitieux trèfle vert à quatre feuilles, qui a fait ses débuts avec Sivocci lors de la Targa Florio de la même année où il s’était imposé. Cette coïncidence a fait une impression notable parmi les pilotes, mécaniciens et techniciens. Le numéro de course 17 n’a plus été attribué aux voitures de course italiennes. Surtout, Alfa Romeo reprendra plus tard la légende de Sivocci. Les machines de course arboreront toutes ce symbole dès1924, faisant du Quadrifoglio Verde le symbole de sa sportivité. Après la guerre, ce blason apparaît aussi sur les versions sportives de nombreux modèles comme la première Giulia Ti Super de 1963.
FIAT se balade à Monza, mais Alfa Romeo prépare la riposte
Le grand prix d’Europe, qui a vu la participation de 14 concurrents défendant les couleurs nationales de la France, des États-Unis, de l’Allemagne et de l’Italie, a attiré une foule immense venue de toute l’Europe. 400 000 spectateurs, outre 30 000 voitures, avaient convergé vers les tribunes et en bord de piste ! Salamano a gagné sans surprise sur sa Fiat 805, parcourant les 800 km prévus en 5h 27’38 » à une vitesse moyenne de 146,502 km/h, suivi de son coéquipier Nazzaro, 24″ derrière lui. C’était la première victoire en Grand Prix pour une voiture suralimentée.
Mais pour FIAT, c’est en fait l’apogée et le début de la fin de sa domination en course. Après la mort de Sivocci, Alfa Romeo abandonne le développement du prototype P1 mais l’autre conséquence, c’est que le Biscione décide de se séparer de son directeur technique Merosi et de le remplacer par Vittorio Jano ! Courtisé tout au long de l’année par Enzo Ferrari, qui dirigeait alors l’écurie de course Alfa Romeo, il se laisse convaincre. Sa première création, dès 1924, sera un chef d’oeuvre : l’Alfa Romeo P2 avec un V8 suralimenté, promise à un palmarès prodigieux.