Rétro 100 ans : Bugatti Type 35, la reine aux 2500 victoires

Au début des années 1920, FIAT avec la 804 puis Alfa Romeo avec la P2 prennent le dessus dans les grands prix grâce à la mise au point de voitures à compresseur très puissantes, face auxquelles Bugatti doit s’incliner et subir la loi des italiens avec la Type 30 ou l’atypique 32 « Tank ». En 1924, le génie de Molsheim réagit et aligne pour le grand prix de l’ACF, à Lyon, un nouveau modèle : la Type 35.

Belle et innovante

Immédiatement identifiable à son radiateur cerclé de chrome, qui rappelle un fer à cheval et deviendra la marque de fabrique stylistique de la marque, faisant naître la légende des « pur-sang » Bugatti, bien avant donc le cheval cabré des Ferrari, la Type 35 est une voiture d’abord plébiscitée pour son élégance et la finesse de son style. Plus basse que ses rivales, plus compacte, c’est aussi et surtout une voiture pensée pour la course, qui introduit des innovations majeures, dont la plus sensationnelle est celle des jantes à branches plantes, forgées en aluminium, conçues pour éviter de déjanter et intégrant des tambours de freins par câbles. Sa conception orientée vers la légèreté permet de réduire les masses suspendues, dotant la Type 35 d’un châssis agile et bien équilibré.

Le train avant est forgé d’une seule pièce, creux et léger, aux extrémités étanches. A larrière, contrairement aux essieux conventionnels, il n’était pas « droit » mais courbé au centre pour contourner le châssis, et remonté aux extrémités pour être raccordé aux moyeux des roues. Le tout, couplé à des suspensions très efficaces, permet des passages en courbe élevées et un comportement routier très sain.

Côté moteur, Bugatti conserve un moteur à huit cylindres en ligne atmosphérique constitué en fait de deux blocs en aluminium de 4 cylindres. Alimenté par deux carburateurs Zenith ou Solex, il reçoit également des innovations, dont un vilebrequin en aluminium à cinq paliers (deux paliers à rouleaux et trois paliers à billes). La puissance maximale de 100 chevaux est inférieure à la concurrence, mais l’ensemble mécanique, ayant recourt à des alliages légers et à une conception sophistiquée, permet d’atteindre un régime moteur supérieur à 6 000 tr/min.

Des débuts compliqués, puis la machine à gagner

A Lyon en 1924, le grand prix de l’ACF tourne néanmoins au fiasco, la plupart des pilotes Bugatti étant victimes de soucis mécaniques causés en grande partie par des pneus Dunlop de mauvaise qualité, qui avaient été mal vulcanisés lors de leur fabrication et s’étaient rapidement dégradés pendant la course. Toutefois, la robustesse des jantes est prouvée et louée dans toute la presse.

Après avoir modifié les caractéristiques des pneus et changé de fournisseur, Bugatti revient au Grand Prix de San Sebastian, qui s’avère bien plus concluant avec la seconde place et le meilleur tour obtenus par Costantini. Une fois ces premières difficultés surmontées, la Type 35 est rapidement devenue une championne de course inégalée et plus rien ne pouvait arrêter Bugatti sur sa lancée. La première grande victoire est obtenue par Jules Goux en 1926 au grand prix de l’ACF, cette saison étant couronnée par le titre suprême de champion du monde des constructeurs. Jusqu’au début des années 30, la Type 35 et ses dérivés domine les grands prix, les courses de côté et autres épreuves, dont cinq victoires d’affilée à la Targa Florio, récoltant pas moins de 2500 victoires au cours de sa carrière, un record qui n’est pas près d’être battu ! Contrairement aux autres constructeurs qui privilégiaient les pilotes et équipes « usine », Bugatti était prêt à vendre une Type 35 à quiconque en avait les moyens, peu importe celui qui la faisait triompher !

La Bugatti Type 35 a été la première automobile au monde  spécialement pensée – dans son design et dans son ingénierie – pour le circuit. Contrairement à tout ce que le monde automobile connaissait auparavant, et bien qu’elle ait également fait ses preuves comme voiture de tourisme, il ne s’agissait pas simplement d’une voiture de route modifiée pour la course. L’approche méticuleuse adoptée par Ettore Bugatti dans la conception globale, et l’attention qu’il apportait à chaque détail, ont redéfini le monde de la course automobile en matière de design, de technique, de matériaux, de maniabilité et de performances. La Bugatti Type 35 a donné naissance à l’ère des véhicules de Grands Prix et obligé les autres constructeurs à revoir complètement leur stratégie. »

Luigi Galli, Spécialiste Héritage et Certification chez Bugatti

Des améliorations constantes

Année après année, la Type 35 reçoit des améliorations, qui touchent essentiellement au moteur. En 1926, la cylindrée est portée à 2 262 cm3 tandis que la course passe de 88 mm à 100 mm et le radiateur est élargi pour en améliorer l’efficacité, le tout poussant la puissance à 105 chevaux à 5 500 tr/min et la vitesse maximale d’environ 190 km/h.  Cette version prend la dénomination 35T après la victoire à la Targa Florio. Dévoilée en 1927, la Bugatti Type 35C est pour beaucoup la plus performante. Le moteur reçoit un compresseur à lobes de type Roots dessiné par l’ingénieur italien Edmund Moglia qui porte sa puissance à 120 ch pour un régime moteur de 5 500 tr/min.  Lancée également en 1927, la Type 35B associe le compresseur Roots de la Type 35C « au moteur 8 cylindres de 2 262 cm3 de la Type 35T. Disposant du moteur de la plus forte cylindrée, suralimenté de surcroît, la Type 35B est par conséquent la déclinaison la plus puissante du modèle : 140 chevaux atteints à 5 500 tr/min ; elle est également plus coupleuse.

Ce véhicule emblématique est également un succès commercial. Ses victoires lors des week-ends de course permettent à Bugatti de vendre la Type 35 à des clients impressionnés par ses exploits. Plus de 600 exemplaires sont ainsi produits entre 1924 et 1931. En 1931, la Type 35 cède sa place à la Type 51, mais Bugatti va de nouvau subir la loi d’Alfa Romeo, qui étrenne une redoutable P3 bien plus puissante, puis celle des machines allemandes, largement subventionnées par le Reich.

 

 

 

 

 

 

 

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