25 ans déjà: Jacques Villeneuve gagne un Indy 500 fou !

Ascension éclair en Amérique

Après quelques années de Karting et un passage remarqué dans l’école de pilotage de Jim Russell, il débute en sport automobile en 1988 dans la Coupe Alfa Romeo puis enchaîne avec trois saisons bien discrètes dans le championnat italien de F3. Peut-être pour échapper à une pression trop forte, Jacques s’expatrie au Japon en 1992 et termine 3e du championnat  de Formule 3. Il y recroise la route d’un certain Craig Pollock, dont il avait fait la connaissance quelques années plus tôt comme professeur de ski en Suisse, et qui devient son manager.

En 1993, Villeneuve revient en Amérique du Nord dans le championnat de Formule Atlantique, une compétition où son père Gilles et son oncle Jacques Senior s’étaient illustrés par le passé. Sa première saison, brillante avec 7 poles et 5 victoires, lui ouvre les portes du championnat CART avec l’écurie Players Forsythe. Dès sa première saison en 1994, Jacques Villeneuve termine 2e de l’Indy 500 et gagne sa première course à Road America. En 1995, il aborde le championnat parmi les favoris et remporte la course inaugurale à Miami, avant de connaître trois manches ratées et sans le moindre point, puis une 2e place à Nazareth. Arrive alors Indianapolis.

L’Indy et Penske dans la tourmente

L’ambiance est assez fébrile sur le Superspeedway, et le paddock est plongé dans un climat d’incertitude depuis que Tony George, le patron du circuit, vient d’annoncer son intention de lancer en 1996 l’Indy Racing League, un championnat schismatique qui récuse l’internationalisation excessive et l’explosion des coûts du championnat CART. Instauré en 1979 et dirigé par les grandes écuries, le championnat est à l’apogée de son succès en 1995, avec plusieurs motoristes engagés (Mercedes, Ford, Honda) et un plateau de pilotes mêlant de vieilles gloires américaines, des anciens de la F1 et des jeunes loups prometteurs. Mais l’USAC, l’organisme rival du CART et qui légifère sur la course d’Indianapolis, entend reprendre son bien. L’édition 1994, où Penske et Mercedes avaient exploité une faille règlementaire pour développer un moteur spécial et dominer outrageusement l’épreuve, avait laissé des traces.

L’Indy Racing League s’approprie l’épreuve phare des 500 miles d’Indianapolis, dont l’édition 1995 doit être la dernière inscrite au calendrier du CART. Cette fracture de la monoplace américaine va durer plus d’une dizaine d’années, entre d’un côté l’IRL, devenu depuis l’Indycar, et de l’autre le CART, qui évoluera vers le Champcar avant de péricliter puis disparaître fin 2008. Mais nous n’en sommes pas encore là en 1995. Sur la piste, cette édition commence par un énorme coup de théâtre dès les essais : à cause d’un loup aérodynamique, les deux Penske d’Emerson Fittipaldi et Al Unser Jr ne sont pas qualifiées ! Incroyable fiasco et retour de bâton pour la grande écurie américaine, la tenante du titre, qui avait écrasé une édition 1994 restée dans les annales avec le fameux moteur spécial de Mercedes.

Villeneuve pénalisé en début de course

Dès le départ, alors que c’est Scott Goodyear qui prend la tête, un terrible carambolage élimine plusieurs voitures. Celle de Stan Fox se désintègre, au point que l’on aperçoit tout le corps du pilote, encore sanglé, mais avec plus rien autour de ses jambes ! Tout l’avant de sa Reynard a été littéralement pulvérisé. Les images, choquantes, font craindre le pire. Fox souffre de graves blessures mais s’en remettra après un coma et une longue convalescence.

La course reprend au tour 10 avec le néerlandais Arie Luyendick aux commandes. Au 37e tour, ce dernier est gêné par Scott Sharp à qui il prend un tour. En lui adressant un « geste » déplacé, son appuie-tête se détache et tombe sur la piste, provoquant l’irruption de la Safety-Car ! Une certaine confusion règne et Jacques Villeneuve se retrouve en tête sans le savoir. Son arrêt au stand frôle la catastrophe et à deux reprises pendant la neutralisation, il dépasse la Safety-Car alors qu’il doit se ranger derrière elle, ce qui amène la direction de course à lui infliger deux tours de pénalité de retard ! Il se retrouve ainsi 27e et bon dernier au bout du premier quart de course !

La course qu’il ne fallait pas mener !

Au 77e tour, la malédiction Andretti continue. En voulant doubler par l’extérieur Mauricio Gugelmin qui rentre aux stands, le fils de Mario, alors en tête, vire large et heurte le mur, endommageant irrémédiablement sa suspension. Encore un abandon pour Michael, qui ne gagnera jamais l’Indy 500, Mario étant le seul à l’avoir emporté pour le clan Andretti en 1969. Au même moment, Scott Sharp s’encastre dans le mur et déclenche une nouvelle neutralisation. Quand la course reprend au 84e tour, Villeneuve est encore 20e, mais n’a plus qu’un tour de retard.

L’indy 500 est visiblement la course des leaders maudits ! Extrêmement hachée et nerveuse, cette édition 1995 est interrompue par de nombreuses neutralisations qui permettent ainsi à Villeneuve, en réussite et bien aidé par l’excellente stratégie de son équipe, de remonter au classement et même de réintégrer le Top 6 à 60 tours de l’arrivée. Dans le dernier tiers de l’épreuve, le vent commence à souffler fort : successivement, les leaders Jimmy Vasser puis Scott Pruett partent à la faute en heurtant violemment le mur ! C’est une course par élimination.

Un canadien peut en cacher un autre

A l’approche des 10 derniers tours,  c’est un duo canadien qui mène, avec Scott Goodyear devant Jacques Villeneuve, revenu de nulle part ! Les deux hommes accélèrent à l’amorce du virage 3 pour le restart, puis Villeneuve ralentit subitement, car la Safety-Car, à vitesse réduite, est toujours dans le virage 4 et n’est pas rentré aux stands ! Mais Scott Goodyear fonce et ne ralentit pas, dépasse la Corvette par l’extérieur et passe la ligne de départ avec plusieurs secondes d’avance sur la meute.

Il semble filer vers la victoire mais très vite, la pénalité tombe : stop and go pour Goodyear, qui a visiblement relancé la course trop tôt! Le canadien, abasourdi, jure à la radio que la course venait de basculer sous régime de drapeau vert. Avec l’accord de son équipe qui espère contester la pénalité, Goodyear poursuit son effort sans purger sa pénalité, ce qui pousse la direction à lui brandir un drapeau noir et à le retirer du classement. A 5 tours du but, Jacques Villeneuve se retrouve virtuel leader et l’emporte dans une certaine confusion. Goodyear, qui n’était pas dans une bonne année, est rétrogradé 15e…

Un nouveau chapitre dans la saga Villeneuve

L’analyse de vidéos et des data confirma que Goodyear avait relancé la course avant le drapeau vert, bien que le pilote se soit senti dans son bon droit. Mais la polémique rebondit sur la lenteur exagérée de la voiture de sécurité, qui avait créé plusieurs situations limites durant la course.

Quant à Jacques Villeneuve, en gravant son nom sur les tablettes de l’Indy 500, il se fit un prénom, aux côtés de la figure paternelle légendaire. Champion CART à l’issue de la saison, sa voie royale était tracée pour débouler en F1 dès l’année suivante chez Williams.

Images : wikimedia, flickr

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