On parle régulièrement des projets mort-nés de F1. Quid du rallye ? Au mieux, on évoque les Groupe B et Groupe S qui ont subi l'arrêt de la discipline. Pourtant, sans remonter jusqu'aux années 80, il y a eu pas mal de projets ayant fait long-feu dans l'histoire récente de la discipline, qu'il s'agisse d'idées jamais concrétisées ou de programme annulés au bout de quelques mois.Renault Megane Quadra
La réglementation 2,0l turbo et 4x4 correspondait à une mode de la fin des années 80. Quelques années plus tard, la FIA ne pouvait que constater que les constructeurs commercialisaient de moins en moins de voitures de ce type, ce qui signifiait moins de Groupe A potentielles. Or, avec le retrait de Lancia, Toyota se retrouvait bien seul. Renault et PSA ont alors fait du lobbying pour une réglementation 2,0l atmo et 2RM.
La FIA, soucieuse de ramener des constructeurs, créa donc les kit-cars et lança une coupe qui devait, à l'horizon 1995, supplanter les groupe A... Sauf que ni Renault, ni Peugeot ne disputèrent l'intégralité de la coupe ! Faute de nouveaux concurrents, la FIA amenda le règlement WRC. Ce tour de passe-passe permettait d'homologuer une 2l atmo 2RM et de courir avec une turbo 4x4, ce qui condamnait les kit-cars à terme. Sachant que depuis les années 50, Renault a toujours été présent en rallye, pour continuer il fallait une WRC. La rumeur enflait vers 1996, lorsque la firme au losange réfléchissait à son futur en rallye. Finalement, Renault choisit d'abandonner la discipline, fin 1997. Un véritable séisme pour les fans.
Proton Wira WRC
La Proton Wira est une Mitsubishi Lancer rebadgée. La tentation était grande de coller un logo Proton sur une Lancer Evo groupe N et de l'appeler "Wira groupe N". Fin 1994, le constructeur malaisien déboulait ainsi en championnat du monde. En 1997, Proton voulut passer en catégorie WRC. Une Wira/Persona WRC fut dévoilée. Des photos fournies par le constructeur étaient censées prouver sa construction en Malaisie.
La crise asiatique aura raison du projet.
Seat Cordoba WRC
Avec le déclin des kit-cars, les constructeurs présents songèrent logiquement, à l'image de Renault, à construire des 4x4. Le souci, c'est que le développement d'une WRC demande beaucoup de moyens. Et plus prosaïquement, dans un championnat WRC où il y a déjà une demi-douzaine de constructeurs, jouer d'emblée le titre est illusoire. Or, le comité de direction ne débloque pas des budgets pour finir quatrième ou cinquième... La grosse erreur de Seat fut de débuter avec une Cordoba kit-car transformée. Les premiers résultats, en 1999, étaient pourtant encourageants. En prime, l'équipe possèdait de gros sponsors comme Telefonica ou Repsol. Pour 2000, Seat cassait sa tirelire. Elle rêvait de Carlos Sainz, le héros national, mais signait Didier Auriol. Le champion du monde 1994 ne pouvait que constater à quel point la Cordoba était à l'ouest.
Une Leon WRC était en projet pour 2001. Mais entre temps, Juan Villalonga, le PDG mégalo de Telefonica se retrouvait soupçonné de délit d'initié. Il devait démissionner, alors que c'était lui qui poussait son entreprise à sponsoriser Seat (ainsi que Minardi en F1.) Faute d'argent, Seat baissait brutalement le rideau. Pour l'anecdote, en 1999, le magazine Echappement faisait tester la Cordoba par un jeune rallyman. C'était d'ailleurs la première fois que ce journaliste d'un jour pilotait une WRC. Son nom ? Sébastien Loeb.
Volkswagen Golf TDI
Dés le milieu des années 90, BMW et Volkswagen faisaient du lobbying pour que la FIA autorise les voitures de course turbo-diesel, en circuit et en rallye. Si BMW quittait vite la partie, VW s'accrocha. En 1998, une Golf 3 TDI fut alignée en championnat britannique des rallyes. En 1999, VW Motorsport construisit une Golf 4 TDI kit-car, confiée à une équipe privée. Neil Simpson domina le championnat.
Une catégorie "kit-car diesel" en WRC ? La FIA se tâta un moment. Mais une kit-car devait rester une 2l atmo 2RM, quel que soit son carburant. Or, le bloc VW avait besoin d'un turbo pour accrocher les essences. La FIA resta finalement de marbre face aux suppliques de VW et le constructeur finit par claquer la porte.
BMW 318ti Compact
C'est la seule initiative privée de la liste. Mauro Forghieri est un mythique ingénieur de F1. Il est d'ailleurs l'un des derniers a être à la fois designer et motoriste. Après l'échec de l'écurie Modena/Lamborghini, il se mit à son compte, fondant son propre bureau d'ingénierie, Oral. En 1999, afin de montrer le savoir-faire d'Oral, Forghieri transformait une BMW 318ti Compact en kit-car. La voiture a couru en Italie et en France, sans laisser de grands souvenirs. Oral s'attaqua ensuite à une BMW 320i, sans avoir davantage de succès sportifs et surtout, sans s'attirer de grands projets.
Škoda Octavia WRC et Fabia WRC
Comme Seat, Škoda possèdait un beau palmarès en Coupe du monde 2l. En 1999, le constructeur "montait" en WRC avec une évolution de l'Octavia kit-car. Lourde et peu puissante, elle jouait les voitures balai. Pavel Janeba, alors directeur sportif, était conscient des moyens à sa disposition. Au point de définir Škoda Motorsport comme "le Minardi du WRC". En 2001, Didier Auriol, en mal de volant, arrivait dans la structure du constructeur tchèque, se rassurant lui-même en songeant à l'arrivée prochaine de la Fabia WRC, plus compacte. Armin Schwartz améliorait l'ordinaire en terminant troisième d'un Safari Rally où il n'y avait pas grand monde à l'arrivée.
En 2003, la Fabia débarquait enfin. Škoda ne grimpait pas pour autant dans la hiérarchie, malgré l'arrivée de Colin McRae. A l'hiver 2004-2005, le constructeur abandonnait le WRC officiellement. Schwartz poursuivait avec le soutien du Red Bull, en tant que pilote/patron d'écurie. On verra des Fabia privées jusqu'en 2007... Et en 2009, le constructeur est revenu, via l'IRC, avec une Fabia S2000.
Hyundai Accent WRC
Comme Seat et Škoda, Hyundai a voulu passer des kit-car au WRC. Le programme était sous-traité à MSD. Contrairement aux deux constructeurs précédemment cités, Hyundai construisit un modèle inédit, l'Accent WRC. Mais Hyundai fut durement touché par la crise asiatique arrivant à cette période. L'Accent, mal née, n'eut pas droit à tous les développements qu'elle aurait mérité, et se fit happer dans une spirale infernale : pas de budget, donc pas de résultats, donc pas de budget, etc. A l'été 2003, le constructeur Coréen annonçait son retrait.
Mitsubishi Colt WRC
Fin 2001, Tommi Makinen quittait Mitsubishi. L'équipe devait beaucoup au pilote et vice versa. François Delecour était chargé de remplacer le quadruple champion du monde. Le Français ne pouvait que constater que l'Evo, si dominante en son temps, n'était plus adaptée au WRC moderne : l'heure des voitures compactes, sans porte-à-faux (comme la 206) avait sonné. La Lancer faisait figure de péniche.
Mitsubishi présentait alors le concept-car CZ2 Asphalt, en 2002. Il préfigurait la future Colt. Sur sa base se matérialisait aussi un projet de Colt WRC. Il n'ira pas bien loin : à l'hiver 2002-2003, Ralliart décidait de s'offrir une année sabbatique. L'équipe, devenue MMSP, revenait en 2004 (avec une nouvelle Evo), puis jetait définitivement l'éponge début 2005.
Aston Martin Vantage GT et Porsche 911 Oreca
Comme on peut le voir au fil de cet article, le WRC s'interroge régulièrement sur l'avenir du rallye. D'où la création de nouvelles catégories. Il y eu un premier projet d'ouverture aux GT, en 2006. Prodrive, qui possède à la fois l'expérience du rallye (via Subaru) et du GT (via Aston Martin), construisit une Vantage GT4 modifiée pilotée par Stéphane Sarrazin, qui a également une double-casquette circuit et rallye.
Oreca, qui a pris en main les écoles de pilotage Porsche pour l'hexagone, construisit pour sa part une 911, confiée à Nicolas Bernardi (déjà vu chez Oreca au temps des Clio S1600.)
Les deux voitures étaient belles et le public enthousiaste. En revanche, les constructeurs ne voulaient pas suivre. Ford voulait alors vendre Aston Martin, ayant d'autres chats à fouetter. La catégorie GT disparaissait.
MG3
En 2006, le méconnu NAC s'offrait les ruines de MG. La Nanjing Auto Corporation pouvait alors remercier Ji Jianye, alors maire de l'ex-capitale chinoise. En bon maire chinois, "Ji le bulldozer" avait des rêves de grandeur. Parmi les nombreux projets, MG voulait revenir en rallye. Des MG7 et 3SW participèrent alors au championnat chinois. En Grande-Bretagne, MSD construisit une "MG3" (ex-ZR) bâtie pour le S2000. La voiture de série ne fut pas produite (elle ne le sera jamais) et encore moins importée en Grande-Bretagne, mais le législateur ferma les yeux.
La voiture courut en championnat britannique, décrochant des podiums. Evidemment, la marque à l'octogone visait le WRC. La suite, on la connait : les finances de NAC fondirent comme neige au soleil et SAIC devait intervenir pour que MG reste chinois. Une valse des cadres suivait à Nanjing et le projet S2000 disparaissait, dommage collatéral de la reprise en main.
Et la MG3 WRC ? Ce n'était qu'un poisson d'avril, basé autour d'un croquis fourni par MG !
Suzuki SX4 WRC
"Monster" Tajima était le pittoresque pilote/directeur sportif de Suzuki. Le constructeur japonais était déjà présent en JWRC depuis longtemps avec des Ignis. Tajima persuadait en 2006 l'état-major de profiter du lancement de la SX4 pour "monter" en WRC pour 2007 et s'offrait les services de Michel Nandan, nommé directeur technique. La première action de l'ingénieur français était de recruter ses anciens collègues de Peugeot Sport. Nicolas Bernardi et Sebastian Lindholm (deux ex-pilotes Peugeot) déverminaient la SX4 en course.
Mais à l'hiver 2007-2008, Nandan était viré, Tajima désirant "japoniser" le Suzuki World Rally Team. Les Français se plaignaient alors du manque d'expérience de leurs nouveaux collègues et surtout, du côté dilettante de "Monster". A l'été 2008, les lettres de démissions s'accumulaient. Sans trop de surprise, l'équipe fut dissoute fin 2008.
MINI JCW WRC
Sportivement et financièrement, le retrait de Subaru du WRC fut un coup très dur pour Prodrive. David Richards se mit à chercher un nouveau gros programme et s'invita chez BMW avec un projet : aligner des MINI Countryman en WRC. L'aspect "retour de MINI en rallye" semblait un bon moyen de faire le buzz. La voiture était présentée en grande pompe au Mondial de Paris 2010.
Le passage en compétition était plus compliqué. Prodrive a l'habitude d'avoir carte blanche. A contrario, BMW traite ses écuries comme des sous-traitants, qui font ce qu'on leur dit, point. La MINI devait débuter en 2011 dans des épreuves européennes, avant de passer au WRC à mi-saison, en vue d'un temps plein en 2012. Malgré une voiture bien née et deux podiums en 2011, les relations s'avéraient rapidement exécrables. Début 2012, Prodrive perdait l'imprimatur et BMW désignait le "MINI Team Portugal" comme structure officielle... Ce qui n'empêchait pas Prodrive d'engager aussi des MINI. En 2013, on vit deux fois Jarko Nikkara avec une MINI, puis ce fut tout.
Lotus Exige R-GT
Durant le règne de Dany Bahar, rien n'était trop beau pour Lotus ! Avant lui, Lotus ne participait plus qu'à des courses de club. Grâce à Bahar, la firme d'Hethel fut soudain sur tous les fronts : F1, Indycar, karting, LM P1, LM P2, ALMS et... WRC. La FIA projetait une nouvelle fois une catégorie GT (un marronnier) et le constructeur en profitait pour dévoiler une Exige R-GT, début 2011.
Après des mois de silence, la voiture entrait enfin en piste. Elle profitait d'abord des reconnaissances d'un rallye, puis elle apparut comme ouvreuse, avant de rentrer (définitivement) dans le camion. Elle a été victime à la fois de l'épuisement des ressources de Lotus et de l’essoufflement de l'idée de catégorie GT en WRC. Le site officiel de Lotus continue néanmoins d'annoncer ses débuts pour le championnat du monde 2012 !
Crédits photos : Škoda (photos 1 et 7), Renault (photo 2), Proton (photo 3), Seat (photo 4), VW (photo 5), BMW (photos 6 et 13), Hyundai (photo 8), Mitsubishi (photo 9), Aston Martin (photo 10), MG (photo 11), Suzuki (photo 12) et Lotus (photo 14)