Saab est orphelin. Le WRC est orphelin. "Carlsson sur le toit" est le premier vrai pilote de rallye. Le premier Nordique à démontrer que sur la neige, le pilotage prime sur la cylindrée du moteur.
Erik Carlsson aimait bien raconter des histoires impossibles à vérifier. Natif de Trollhättan, il aurait assisté à la mise au point de la toute première Saab. A force de la voir passer et repasser près de chez lui, il en tomba amoureux.
C'est pourtant à deux roues, qu'il débuta, en 1952. Un an plus tard, il s'offrit une Saab 92 d'occasion et s'engagea en rallye. En 1954, elle fut remplacée par une voiture ex-usine. Carlsson possédait un pilotage viril, mais efficace. Dés 1955, Saab l'embaucha comme pilote d'essai et en 1956, il devint pilote d'usine. Il remercia son employeur en s'imposant au 1000 lacs, son premier grand succès. Il aimait raconter ses nombreux accidents ou ses astuces (pas toujours légales) pour s'imposer. Lors d'une épreuve, un commissaire s'alarma de ne pas le voir à l'arrivée d'une spéciale. Il demanda au concurrent suivant : "Où est Carlsson?" Carlsson/Karlsson étant un patronyme courant. Le pilote demanda : "Lequel ? Celui sur le toit ?" Ce nom de "Carlsson sur le toit" (Carlsson på taket en V.O.) resta.
En 1960, Saab fit débuter la 96. De plus, comme le constructeur voulait exporter dans toute l'Europe, l'équipe officielle disputa l'ensemble du championnat de rallye. Il faut se rappeler qu'à l'époque, le rallye était encore une affaire de pilotes Méditerranéens, au volant de GT. Ce gaillard Suédois pilotant une toute petite voiture d'une marque inconnue, ça faisait bien rire. La botte secrète de Saab (donc de Carlsson), c'était un pilotage tout en glissades, qui faisait merveille sur les routes sinueuses.
Et les observateurs rigolèrent moins ensuite : trois victoires consécutives au RAC, deux victoires au Monte-Carlo, une victoire au San Remo... En 1962, il fait équipe avec Pat Moss. La sœur de Sir Stirling devint madame Carlsson l'année suivante. Toujours plus ambitieuse, l'équipe Saab disputa le Safari et des raids australiens. Il prit sa retraite sportive en 1970.
Au-delà du palmarès, Carlsson a -n'ayons pas peur des mots- transfiguré le rallye. Le Suédois a revendiqué l'utilisation du freinage pied gauche, du frein à main et de la glisse en rallye. En tout cas, ces techniques étaient inconnues en Europe du Sud. Il fut aussi le premier à chausser des pneus cloutés pour le Monte-Carlo (ce qui lui permit de s'imposer.) Dans les années 60, Carlsson a co-écrit un livre sur le pilotage en rallye. Un ouvrage largement diffusé ensuite.
Carlsson démontra qu'une voiture compacte était plus adaptée pour les parcours sinueux ou les terrains difficiles. Il donna des idées à BMC (avec la Mini Cooper S) et à Ford (avec la Cortina Lotus, puis l'Escort RS.)
Enfin, il fut l'un des premiers Nordiques à quitter sa région. Une région où les routes sont enneigées et verglacées pendant de longs mois est forcément un vivier de rallymen ! Toutes les équipes voulurent ensuite "leur Carlsson", allant recruter Suédois et Finlandais. Les Suédois arrivèrent en ordre dispersé. Timo Mäkinen, lui, pensa à emporter son carnet d'adresses et à refiler les coordonnés de ses copains aux autres patrons d'écuries... Ainsi, paradoxalement, le Suédois Carlsson à contribué à la mainmise des Finlandais en rallye !
Comme Gunnar Andersson chez Volvo, Carlsson devint un indéboulonnable porte-parole de Saab. Il était de tous les lancements, de tous les rallyes historiques et il était présents lors des records. Il régalait son auditoire d'anecdotes croustillantes et c'était un infatigable défenseur de la marque. Le lien qu'il entretenait avec Saab allait bien au-delà d'un contrat commercial. Il aimait la marque. D'ordinaire bavard, il serra les dents lorsque GM lâcha le constructeur et il retrouva son poste lorsque Spyker reprit la firme. La mort de Pat Moss-Carlsson ne l'empêcha pas de poursuivre sa tache.
Le plus tragique est qu'aujourd'hui, Saab est incapable de donner à Carlsson l'hommage qu'il mérite.
Crédit photos : Saab