Fermeture Michelin la Roche sur Yon : concurrence ou stratégie financière ?

L’usine Michelin la Roche sur Yon  fermera ses portes en 2020

Michelin a annoncé jeudi son intention de fermer « d’ici fin 2020 » son usine de pneus pour poids lourds, laquelle était menacée depuis plusieurs semaines. Raisons invoquées : les « difficultés du marché » et une « concurrence exacerbée ». 

619 salariés sont directement impactés.

Négociation d’un accord

« Michelin va proposer aux partenaires sociaux d’engager au plus tôt la négociation d’un accord portant sur un plan d’accompagnement des salariés » avec des mesures de préretraite et des dispositifs de mobilité interne et externe, précise un communiqué du groupe.

Le groupe affirme par ailleurs que « Michelin donnera à chaque salarié concerné la possibilité de rester au sein de l’entreprise en France. »

L’entreprise s’engage par ailleurs à provisionner près de 120 millions d’euros pour financer l’opération. Le groupe s’engage parallèlement à lancer « un projet public-privé d’envergure pour donner un nouvel avenir au site ».

Des salariés de Cholet eux aussi concernés

Reste que les suppressions d’emplois se décomptent en cascade. 74 personnes travaillant à l’usine de Cholet, affectés à la fabrication de mélanges de gomme pour La Roche-sur-Yon sont également concernées par le projet de fermeture ».

Là aussi, Michelin se veut rassurant et confiant, affirmant qu’au-delà des mesures de préretraite », chaque personne se verra proposer un nouveau poste sur le site de Cholet. Il assure par ailleurs qu’il n’y aura pas d’impact pour les salariés des autres usines françaises. En dehors de Cholet et de la Roche-sur-Yon.

Situation préoccupante depuis septembre

Fin septembre, le nouveau président du groupe, Florent Menegaux, successeur de Jean-Dominique Seanrd avait évoqué la « situation très préoccupante » de l’usine, confirmant alors les craintes syndicales.

Le pacte d’avenir lancé en 2016 pour renforcer l’activité du site vendéen n’a « pu produire les effets attendus », malgré « 70 millions d’euros d’investissements », a expliqué Michelin. Lequel pointe du doigt les « difficultés du marché des pneus poids lourds haut de gamme, tant en Europe qu’à l’export ».

Des promesses non tenues ?

Réagissant sur Twitter, le maire de La Roche-sur-Yon, Luc Bouard, a dénoncé le comportement de Michelin, fustigeant des « promesses non tenues par Michelin ». Il a par ailleurs assuré qu’il se « battrait pour qu’aucun salarié Yonnais ne se retrouve sans emploi. » Il sera reçu dans les prochains jours au Ministère de l’Economie pour plaider la cause des salariés.

Une décision purement financière ?

« Michelin vient d’annoncer la fermeture de l’usine de La Roche sur Yon en trahison de toutes les promesses passées. Cette décision est purement financière. Michelin devra assumer ses responsabilités devant tous les salariés (619) en garantissant leur avenir professionnel » indique pour sa part le syndicat CFE-CGC .

Lequel affirme que  le groupe de pneumatiques « aurait pu déplacer des productions d’autres usines européennes vers La Roche sur Yon » mais qu’il ne l’a pas fait.  Et qu’au contraire, il a « continué à investir dans ces usines », et  même « déjà installé des machines initialement prévues à La Roche sur Yon. »  Ajoutant même que certaines machines installées à La Roche sur Yon dans le cadre du plan d’investissement intial y ont même été transférées.

Selon lui, de ce fait, « ces usines sont prêtes à accueillir les productions de La Roche sur Yon dès sa cessation d’activité. »

2013 : quand Michelin s’engageait à investir à La Roche sur Yon

En 2013, à l’occasion de l’annonce de la fermeture de l’activité pneus poids lourds de l’usine de Joué les Tours (décision impliquant 900 suppressions d’emploi ), Michelin, par l’intermédiaire de son patron de l’époque, Jean-Dominique  Senard, avait pris l’engagement d’installer 200 emplois dans le domaine de la gestion de flotte de camions à Joué les Tours, et d’investir 110 millions d’Euros dans l’autre site français de production de pneus poids lourds : la Roche sur Yon. Prévoyant alors d’y doubler la production en vue de faire du site l’un des fleurons industriels de Michelin en Europe.

« Ces engagements étaient pris à grand renfort de communication auprès des pouvoirs publics, des élus locaux, et des organisations syndicales de l’entreprise » indique la CFE-CGC. Rappelant que devant le scepticisme des syndicats demandant un engagement écrit, l’ancien patron de Michelin avait affirmé devant le comité central d’entreprise que la parole d’un grand patron valait plus que tous les écrits.

Une promesse non tenue et un défi industriel

Mais au final, le site de La Roche sur Yon n’aura vu venir ni les moyens financiers promis ni la production prévue.

Si un plan initial d’investissement a certes été lancé et une première tranche de 50M€ a été réalisée, les équipes se sont rapidement trouvées confrontées à un défi de taille : « augmenter la production alors même qu’il faut simultanément gérer des travaux colossaux pour l’usine et démarrer des machines inconnues » selon les termes de la CFE-CGC.

Au final, en l’absence de nouvelle production, le projet a été stoppé en 2015.

Des tarifs inadaptés ?

« En maintenant au catalogue des produits et des tarifs inadaptés à une partie toujours plus grande du marché européen, Michelin a continué à sortir de ce marché. De fait Michelin a perdu autant de parts de marché entre 2007 et 2013 (fermeture de Joué les Tours), qu’entre 2013 et 2019 » affirme encore le syndicat. Ajoutant que le niveau des pertes s’établit en dizaines de pourcentage.

Précisons que depuis la présidence Obama, les pneus chinois sont surtaxés aux États-Unis. Pour faire face à cette perte du marché américain, la Chine a décidé de s’attaquer en force au marché européen. En cinq ans, les pneus chinois sont passés de 5% de parts de marché à 30%. Avec certes, au départ, une qualité nettement inférieure à celle de ses concurrents européens et notamment de Michelin, qui a toujours souhaité mettre en avant une stratégie « premium ». Lui permettant – selon lui – de justifier de vendre ses pneus à des tarifs plus élevés.

Mais depuis, les Chinois ont amélioré leur qualité … tandis que leurs prix demeurent toujours inférieurs de 30%. Or, le ralentissement de l’économie mondiale implique une chute du transport de marchandises. Conduisant à une diminution du trafic camions, à un moindre renouvellement des pneus et à une recherche des meilleurs tarifs.

Manque de compétitivité ?

Si Michelin  met en avant aujourd’hui le manque de compétitivité de l’usine de La Roche sur Yon par rapport à ses autres usines européennes, la CFE-CGC trouve l’argument pour le moins fallacieux. Elle reproche à Michelin de ne pas avoir offert au site de nouvelles capacités de production permettant d’amortir les investissements réalisés. Une situation qui selon elle « conduit à dégrader les coûts de production de l’usine. »

Pour le syndicat, « l’usine de La Roche sur Yon a été placée sur une trajectoire qui ne pouvait que la conduire à la fermeture, en dépit des efforts importants consentis par les salariés du site. »

L’avis de Leblogauto.com

Elus comme syndicats mettent en avant la promesse non tenue de Jean-Dominique Senard. La CFE-CGC osant dire tout haut ce que certains pensent tout bas, à savoir que le nouveau patron de Renault a « laissé le soin à son successeur de mettre en œuvre, 5 mois après son départ » une décision douloureuse, remettant en cause ses engagements .

Sources : AFP, Le Monde, Michelin, CFE – CGC, RTL.be

(25 commentaires)

    1. Je dirai même France : 10 – 1 : Allemagne

      Lorsque j’ai posté sur l’article de l’Allemagne
      « Préparer vous à trinquer les ouvriers français l’hiver sera rude »
      J’ai eu 6 avis négatif
      Donc mes contraditeurs n’y croyais pas !
      Alors même si il y aura reclassement …a force il n’y aura plus d’usines de reclassement possible

  1. ah tiens, a force de chasser la voiture, de l accuser de tt les maux, de la taxer à outrance, faut pas s étonner que tt le secteur trinque…
    en 1984, un jeune urbain s achetait une 205 gti
    en 2019 un même jeune urbain n a pas le permis, loue une trotinette et se deplace en vtc
    je schématise, mais pas loin de la vérité…

    1. ceci dit, le jeune urbain 2019 achète des choses, vit d’une certaine manière que ne faisait pas le jeune urbain 1984. Demande à tes parents comment ils avaient débuté leur vie d’adulte? (s’ils avaient beaucoup voyagé lointain en avion, quel était l’équipement de leur appartement, etc…)

      1. je parles surtout de l acte d achat automobile.
        pour mes parents, le passage de permis etait quasi obligatoire !
        alors qu en 2019….je suis effaré par le nombre grandissant de gens qui n’ont pas le permis
        pareil, avant les ménages urbains avaient 2 voitures, maintenant il n’ont n en plus ou bien une voiture et un scooter.
        pour l equipement de l appartement, les choses ont bcp évolué, sont plus performants et coutent moins cher 🙂

        1. concernant l’équipement de l’appartement, je parlais de leur NOMBRE

          dans un appartement il y a 40 ans, qu’y avait il comme équipement?
          et aujourd’hui?

          par exemple, dans l’appartement de mes parents à l’époque, ils avaient un aspirateur à traineau
          aujourd’hui, moi aussi, mais j’ai en plus un mini aspirateur à main

          à leur époque, ils avaient un lave linge
          de nos jours, c’est si pratique d’avoir aussi le sèche linge

          etc…

          fais donc le tour des équipements que l’on pense être normal de nos jours, et comparer avec l’équipement des logements il y a 30-40-50 ans…

    2. La Roche sur Yon est une usine de pneus camions….pneus dits « haut-de-gamme », pas de voitures 😉

      Un pneu hdg de camion c’est quoi ? Un pneu un peu plus cher, mais qui dure plus longtemps, éclate moins, grippe mieux, etc.

      Il y a encore 5 à 10 ans, les pneus chinois étaient considérés comme des pneus 30% moins chers, mais largement moins biens. Le calcul financier n’était pas bon.
      Désormais, certaines marques présentent les mêmes caractéristiques ou presque que les pneus hdg, tout en restant 30% moins chers.

      Mais l’usine serait (conditionnel) encore rentable. La question est donc, Michelin veut-il regrouper les activités camions dans des usines dans d’autres pays dits « à bas coûts » pour refaire les marges ? Sans doute…

      Et si on militait pour savoir l’origine des pneus que l’on pose (pas que les camions) un peu comme on le sait (presque) pour les aliments ?

      1. Sur mes Michelin, c’est marqué  » made in germany » depuis pas mal d’années. Parcontre sur le camion qui livre les légumes à la grande surface, difficile pour le client final de savoir.

      2. aujourd’hui les pneus camions, mais demains les pneus voitures… et dsl, mais les pneus chinois restent des merdes !
        Michelin reste de loin le leader ! Demandez aux pilotes, que ce soit auto ou moto, rallye ou circuit.
        y’ bien Hancock ou Falken qui arrivent à se faire une image et qui marchent bien, mais ils ne sont pas chinois.
        le jour ou un chinois arrivera à montrer son savoir faire aux 24h du mans, la il faudra vraiment s’inquiéter !

        1. Pirelli est passé sous pavillon chinois… Qu’est ce qui intéresse le consommateur: Le lieu de fabrication? La nationalité historique de la multinationale? Des prix bas? J’ai des pneus en 17 » Michelin fabriqués en Espagne et des Bridgestone 14 » manufacturés en France: Lesquels sont les plus français ?

          1. L’important c’est le savoir faire 🙂
            Et, pour l’instant, il n’est pas chinois 🙂
            Les Volvos sont chinoises, mais le savoir faire et la culture sont tjrs en suède

          2. @Gustave : je ne suis pas d’accord avec vous.

            Les pneus chinois ne sont plus les savonnettes d’antan.
            Dans les camions, on peut citer Infinity (avec un y) qui fait des pneus milieu de gamme souvent choisis car largement moins chers et quand même bons.
            C’est en dessous de Michelin, Bridge ou Pirelli (chinois au passage), mais c’est à peine en dessous de Hangkook de ce qu’il s’en dit.

            Le souci de la France (entre autres) est d’avoir décidé au début des années 80 que l’on pouvait laisser la manufacture aux autres, espérant que les emplois de services et tertiaire allaient compenser.
            On a donc laissé filer la sidérurgie, bcp d’usines, etc.
            Or, il faut des emplois dits de cols bleus. La province est pleine d’usines en déshérence. Ces petites usines comme GM&S, Fonderies du Poitou, Heuliez, etc etc.
            Ces usines comme celles de La Roche sur Yon pour ce qui concerne ce sujet qui représentent des centaines d’emplois locaux. En laissant partir ces emplois, on augmente la fracture sociale entre grosses villes et bourgades, villages. Résultats ? Gilets jaunes, balance commerciale en gros déficit, etc.

            Après c’est un constat personnel et je n’ai pas vraiment d’idée sur comment empêcher cela…Pour l’Etat, vaut-il mieux indemniser le chômage d’une personne ou participer à son salaire ?
            Ici, Michelin indique vouloir redéployer ceux qui veulent dans d’autres usines. Mais cela veut dire déménager, souvent loin, pour une issue incertaine (qui dit que l’usine ne fermera pas dans X années ?).
            Pas simple, mais il me semble que laisser partir la production c’est une faute.

        2. gustave
          faut pas confondre entre compétition et grand public
          l’un n’empêche pas l’autre, MAIS surtout, l’un ne représente pas l’autre

          par exemple, Renault a gagné 2 titres de F1, le summum du sport automobile, contre 0 à BMW ou Toyota. Mais toi, gustave, si tu dois acheter une voiture, une berline, un break, un coupé, un SUV, et as le budget qui va avec, ce serait une Renault, une Toyota ou une BMW?

  2. Sauf que là, on est sur des pneus de camion et qu’il n’y a jamais eu autant de camions sur les routes qu’en ce moment…
    Faut bien les amener de chine les patinettes ! ?

  3. Chere Elisabeth, je veux croire que vous avez une culture industrielle. Votre façon de présenter les contraintes des entreprises est souvent étrangement orientée. Que signifie « stratégie financière » : investir des moyens industriels à l’endroit où ce sera le plus efficace, le plus rentable ? cela parait logique, et le contraire serait reproché.
    Beaucoup d’entreprises françaises mondialisées gardent des emplois en France pour des raisons d’image, de paix sociale ou de volonté politique. mais, sauf exception, c’est rarement un choix économique raisonnable (et je sais de quoi je parle).

  4. ….faire faire ailleurs! c’est la devise et on s’en tape sur le ventre !
    Ne nous étonnons pas, dès lors, que pour l’heure ça ne va pas plus mal …que si c’était pire !
    …Non ! pas optimiste parce que le pire est proche !

  5. La concurrence asiatique sur les poids lourds. Comment la gamme Michelin est elle située ? Plutôt haut de gamme comme pour les particuliers ou milieu de gamme?
    A qui sont destinés ces pneus, Europe, Asie, monde entier ?

  6. ..j’ai acheté des pneus X ice cloutés pour une auto, Michelin, commandé site internet France, Suivi germany, fabriqués: Made in Russia. je me suis inquiété du retard de livraison, car ils ont voyagé, le marchand est à Andorre ( lu sur bordereau sous plastique).
    .. j’ai regardé cette semaine , les meilleurs gommes, pour 1 auto pour l’hiver prochain en « Thermic rechappé », que j’ai déjà testées l’an passé, viennent de Campanie Sud Italie ( automobile ). Le sud Italie a toujours bénéficié des pièces automobiles à très bas prix.
    On vit une époque formidable !
    …C’est juste CON ces histoires : En pneus poids lourds, c’est pas des conneries, c’est Michelin qui fabriquait le meilleur. Ici en France on a subi 2 canicules cet été. Souvent c’est une seule. Je dirai qu’en passant 300 km à l’est on a pas dépassé 28 degrés jamais, donc pas de canicule ni de quoi s’inquiéter. On descend en Espagne, on voit des carcasses de pneus poids lourds éclatées. Faudra pas s’étonner si on en voit davantage. parce que Moins cher que pas cher, on trouve tout.

  7. Et pendant ce temps la, on voit fleurir un nombre inimaginable de pneus de marques inconnues sur tous les sites de vente en ligne…..

    Des pneus 3 fois moins chère qu’un Michelin PS3 (exemple concret 215 45 18 93 w)

    Flippant !!! Une averse et BOUM !!!

  8. sur le mot compétitivité : c’est un jargon pour éviter de dire :  » alignement sur le salarié du Bangladesh  » .

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