Montages approximatifs, sécurité nulle, inévitablement, cela se termine par une explosion, suivi de la chûte de Wile E. Coyote dans un canyon, juste à côté d’une rivière. Fiction? Non, car dans les années 60, une firme, Turbonique, a tenté de monter des moteurs de jet n’importe où, n’importe comment.
En matière de securité, tout est relatif. Ce qui semble sûre aujourd’hui, apparaîtra comme « Landwindesque » demain.
Dans le sport automobile des années 60, on commence tout juste à poser des arceaux sur les voitures, faute d’hopital sur les circuits de F1, BRM se balade avec sa pharmacie mobile et les pilotes se mettent à porter des combinaisons (en coton) et des casques en « dur » (mais ouverts.)
Turbonique débarque vers 1962 à Orlando, en Floride (à un jet de pierre des fusées de la Nasa), fondé par Gene Middlebrooks. Ce serait d’ailleurs un sous-traitant de la Nasa en quête de nouveaux marchés. « Turbonique » est probablement la contraction de « turbo » et de « sonique » (à moins que ce soit une réfèrence à « nike », qui signifie « victoire » en grec ancien, d’où la firme Nike.)
Un turbo traditionnel est grosso modo un moteur entraîné par les gaz d’échappements. Un moteur de fusée, c’est la réaction produite par un liquide flammable au contact d’un oxydant, d’où explosion et en l’éjectant, on obtient une énorme poussée, sans avoir besoin d’air extérieur (d’où l’application spatiale), ni de pièces en mouvement. Le microturbo de Turbonique est derivé des jet: l’air est aspiré et comprimé par un compresseur, à l’intérieur de la chambre, il rencontre de l’essence, d’où explosion, ce qui entraine une turbine d’échappements, d’où avancé et alimentation en énergie du compresseur (généralement montyé sur le même axe.) Il y a donc des pièces en mouvements. Entre 55 et 65, plusieurs constructeurs tentent l’aventure de la turbine: Grégoire et Renault avec la Socema (l’actuel Turbomeca), Chrysler et Rover. Mais ils bûtent tous sur les mêmes problèmes: consommation et… Châleur!
Turbonique proposait 3 montages:
– directement en liaison avec le moteur principal, comme un turbo « normal », avec l’AP (Auxiliary Power, Moteur Auxiliaire.) Certains clients allèrent jusqu’à installer leur AP sur leur tableau de bord.
– sur l’axe de transmission. Ce qui était la solution la plus usitée, car nécessitant le moins de travaux.
– sans aucune liaison avec le roues, la poussée servant à se mouvoir, comme sur un jet. Il y eu même des moteurs Turbonique munis d’hélices!
Le problème du microturbo, c’est que sa durée de fonctionnement est très courte. La turbine fonctionne suivant un mode on/off (ou plutôt arrêt/rupteur), l’extrême chaleur risque de bruler les pièces en utilisation prolongée et enfin, le réservoir, après un bruit de chasse d’eau, est rapidement syphonné.
Turbonique vise donc naturellement le monde des dragsters. Un certain Gerald D. Guest se vante d’atteindre 250km/h avec sa Plymouth. Bon vendeur, la firme utilise avec le succès la techniquedu « M. Untel utilise tel produit Turbonique avec succès, alors pourquoi pas vous? »
Ils obtenaient jusqu’à 1000ch d’un coup. Les Turbonique sont dangeureux et peu fiables, mais tout le petit monde du dragster décide d’équiper sa machine d’un microturbo. Les plus précautionaux allant jusqu’à peindre « ne restez pas derière » à l’arrière de leurs bolides.
A l’instar d’ACME, tout est disponible par correspondance, en kit.
Il y eu également des motos, des off-shore, des jet-ski équipées de Turbonique et même des karts! L’un d’eux s’est amusé à en monter 2 sur son châssis (même Turbonique trouvait cela dangeureux)! Récement, quelqu’un s’est amusé à effectuer la même opération: il a atteint 100km/h en 4 secondes et peu après, son kart s’est envolé!
Turbonique, c’était toute une gamme de produits. Il y a eu le JATO (Jet Assisted Take-Off, un moteur déstiné normallement à aider les jet de l’armée à décoller), qui permit à une Impala (et à son propriétaire) de percuter une falaise à près de 500km/h.
Il y avait également la Thermolene. Le nom fut depuis déposé par quelqu’un d’autre pour une simple matière plastique. Celle de Turbonique est tout simplement du NO2 avant la lettre: un mélange propylène-azote, stocké dans une bombonne, qui alimente une turbine.
Avantage: beaucoup de poussée.
Inconvénients: le mélange est totalement instable (donc risque d’explosion) et il peut ronger certains plastiques ou réagir en présence de certains métaux.
Un microturbo alimenté au Thermolene et destiné à être monté sur l’arbre d’une Coccinelle fut construit (vu que c’était un véhicule pas cher et extrêment facile à trouver.) Joe Vittone et sa « Inch pincher » remporta de nombreuses victoires en dragster, battant des machines plus grosses. De quoi donner des idées à un pilote black, Roy Drew, en 1966. Sa « veuve noire » était plus sérieuse, avec notamment un parachute à l’arrière. Drew remporta également de nombreux succès, avant d’être victime d’un sérieux accident. La veuve noire était détruite, mais Drew posa à côté de l’épave pour une publicité Turbonique!
Vers 1968-1969, Turbonique disparut presque du jour au lendemain. Nulle doute que suite à un crash, probablement mortel, la firme fut trainée en justice et ne survécu pas au procès. Ce qui est clair, c’est qu’à la fin des années 60, la NHRA (National Hot Rod Association, l’organisateur des courses de dragsters) ne veut plus entendre parler de Turbonics.
Compte tenu de leurs fiabilité, les produits Turbonics sont devenus rares. Les fans les recherchent avec d’autant plus d’attention. On en voit trainer ici et là sur eBay.
En guise d’épilogue, en 1974, Evel Knievel (sorte de croisement de l’homme qui tombe à pic et de Gamelle dans la B.D. Les Motards) tenta de franchir le canyon de Snake River à bord d’une moto-fusée, le Sky-cycle, conçue par une ancien de la Nasa et propulsée par un microturbo Turbonique. Aux essais, la moto n’arrive pas à franchir la distance. Mais Evel Knievel, qui a déjà du renoncer à un projet de saut du grand canyon, tente malgré tout le coup.
Au démarrage, le parachute sort accidentelement, de quoi empêcher le véhicule d’atteindre sa vitesse maxi. Et dans la plus pur tradition de Wile E. Coyote, Evil Knievel s’écrasa au fond du canyon, à proximité d’une rivière. Comme d’habitude, Knievel fini à l’hopital et pu ensuite effectuer d’autres boites cascades.
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