Nous avons laissé Eric sur un lit d’hôpital, conséquence d’un accident de la route qui aurait pu être bien plus facheux encore que les difficultés engendrées par son absence en fin de saison. Il glissera de la 2eme à la 6 eme place finale du championnat F3 Euroseries 2004. Malgré cela, son manager Christian Wolf lui trouve un volant en Formule Renault V6. C’est le team italien Cram qui accueille le français pour une saison en dents de scie. Explications
Au regard de ses 2 victoires de Zolder en ouverture du championnat 2006, je m’interroge sur la raison de ce soudain revirement comparé à 2005 alors que la FR V6 est une formule monotype (même chassis, même moteur pour tous) qui est censée mettre en valeur les talents du pilote. Eric m’explique alors que le simple terme de monotype ne doit pas occulter une latitude de réglage non négligeable.
» De vraie formule monotype, il n’y a que la formule Campus (première étape automobile après le karting). Les autos sont tirées au sort et réglées de la même façon sans intervention possible. Ensuite toutes les autres formules permettent les réglages et par conséquent la sélection et la mise en valeur des bonnes équipes. »
Je lui demande alors si son année de F3 anglaise ratée ne serait pas due au passage d’une formule monotype (Formule Renault) à une formule libre comme la F3 où moteurs, chassis, suspensions… ne sont pas imposés. Le « Non » est catégorique.
» La Formule Renault 2.0l est déjà très technique. Elle a peut être un peu moins d’aéro qu’une F3 mais la différence en terme de latitude de réglage ne dépasse pas 15%. En fait une formule monotype permet simplement de réduire les écarts entre les moins bons et ceux qui font la course en tête. Sûr qu’en F3, une écurie à fort budget possédant un potentiel de développement mettra une valise au semi-amateur du fond de grille. Mais la base technique de réglage d’une monoplace s’apprend déjà en FR 2.0l »
Je me demande alors pourquoi cette première saison de FR V6 en demi teinte ? Eric Salignon me fait découvrir un paramètre essentiel à la réussite, souvent occulté dans les médias qui ne se focalise que sur le pilote: Une auto qui marche, c’est le travail d’un binôme composé du pilote et de son ingénieur. Le cas Massa chez Ferrari en est un exemple frappant. Changement d’ingénieur et résultats à la clé. La symbiose doit être totale et il n’est pas rare de voir un ingénieur suivre un pilote durant une grande partie de sa carrière. En monoplace comme en Rallye d’ailleurs.
» Chez Cram, le premier problème s’est manifesté tout de suite. Mon ingénieur ne m’écoutait pas. Rien de ce que je pouvais préconiser ou proposer n’était pris en compte. Quand tu sousvire en début de week-end et que tu sousvire toujours autant le Dimanche, c’est qu’il y a un problème«
« On avait le potentiel pour faire des podiums et lorsque je suis parvenu à avoir un autre ingénieur (Jean Silani (ex AGS) pour les connaisseurs), on a bien fait progresser l’auto et les résultats ont suivi. Mais il manquait dans le team une certaine envie de vaincre. Ils se satisfaisaient d’une 4eme place sans vraiment chercher à progresser plus avant. C’est pas dans mon caractère. J’ai toujours cherché une certaine forme de perfection. Philosophie notamment apprise en F3 avec Frederic Vasseur (ASM). C’est la seule voie possible vers la victoire. L’incompréhension est allée grandissante et mon manager et moi avons décidé de ne même pas participer aux 2 dernières courses pour éviter de se griller complètement. Dans ces cas là, tu tentes de compenser sur le pilotage et ça finit forcément dehors. »
Et c’est donc logiquement qu’il m’explique une part de son succès de Zolder.
« En fait, c’est mon ingénieur en F3 chez ASM qui est venu m’assister. Le courant passe très bien et on bosse fort ensemble. Mais malheureusement, il risque de ne pas pouvoir faire toutes les courses avec nous. Il sera à Monaco quand même. »
Je lui demande alors s’il est dans une équipe de pointe (Interwetten en 2006) et quels sont les budgets en FR V6 ?
« Non, pas vraiment une équipe de pointe. Le budget d’un top team, c’est environ 600.000 euros. Nous c’est 420.000. Et l’an dernier chez Cram c’était 400.000. Mais si les résultats sont bons, Mercedes devrait participer financièrement. »
Il me vient en tête une question concernant son contrat Mercedes. Eric Salignon est il rémunéré?
« Non, non. j’ai la chance que mes parents puissent m’assumer. En fait, je me considère un peu comme un étudiant. Et tant que les études ne sont pas terminées et que sa place dans un championnat mondial n’est pas faite, il est vain d’espérer un salaire »
Vu de la sorte, l’ascension d’un pilote vers les sommets ressemble effectivement à n’importe quel cursus scolaire amenant vers l’entreprise sauf bien sûr à regarder le prix de l’année d’étude ! A ce sujet, Eric Salignon, en plus d’un solide coup de volant, a une tête bien pleine puisqu’il a obtenu un Bac S et envisagé MathSup avant de stopper les études pour se consacrer pleinement à la monoplace. C’est un bon bagage laissé de côté pour le moment mais facilement récupérable si jamais la carrière sportive devait cesser.
Et l’avenir ?
à suivre.
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