Onroak Automotive est devenu en quelques années un acteur majeur du sport automobile international, sous la houlette d’un Jacques Nicolet tout aussi passionné de courses qu’avisé en termes économiques.
Notre propos, à la veille des 24 heures du Mans, n’est pas de recenser l’ensemble des activités réparties en France (Le Mans, Magny-Cours et Amilly), en Asie et aux USA mais de cibler notre attention sur la conception et la réalisation des Ligier LMP2 JS P217 montées, justement, à un jet de pierre du célèbre circuit manceau.
Au sein du Technoparc des 24 Heures, le site Onroak Automotive héberge les activités LM P2, DPi (Daytona Prototype International) et LMPH (Le Mans Prototypes Historiques), sous la direction de Sébastien Metz, qui malgré la charge de travail dans les jours précédant le pesage, a accepté de nous recevoir.
L’ensemble industriel en impose. Sur un terrain de 2 766 m2, plus de 1 500 m2 sont aménagés pour accueillir :
les ateliers de mécano-soudure, usinage, composite et assemblage
le magasin d’outillages et pièces détachées
les bureaux, dont ceux du Bureau d’Etudes
La proximité du circuit et des tracés Bugatti et Maison Blanche facilite l’organisation de séances d’essais, de développement ou de déverminage.
Un terrain limitrophe de 3 020 m2 permet l’installation de bungalows et containers pour un usage principal de parking et de stockage pour les équipes clientes.
Onroak Automotive dispose également d’un troisième terrain au sein du Technoparc, de 6 600 m2 viabilisé et sécurisé, qui permet l’accueil de tout type de structures mobiles ou de semi-remorques de ses clients, nombreux pour ces 24 heures.
Un directeur technique passionné et expérimenté…
Pour mieux comprendre la participation de Onroak Automotive pour ces 24 heures du Mans, il faut sans doute s’arrêter un moment sur le parcours, pour le moins très typé compétition, de Sébastien Metz, avant d’aborder les questions techniques et d’organisation.
Cet ingénieur issu de l’Ecole Nationale d’ingénieurs de Metz (E.N.I.M.), 37 ans, marié, père de deux enfants, a basculé dans une sorte de boulimie automobile, alors qu’il était encore étudiant et qu’il rencontra Franz Dubois, le créateur de la Fun Cup. En Belgique, Sébastien collabore à l’élaboration de l’Audi A4 Silhouette Light qui a gagné le championnat belge dès sa première participation.
Suite à cette rencontre Franz Dubois et JG Malvoy – Belgium Audi Club – ayant une très longue histoire avec Audi Sport, lui ont ouvert les portes du département moteur de Neckarsulm. C’est ainsi qu’Audi Sport accepte l’étudiant en stage, qui travaille sur le moteur V8 FSI et le développement du V12 diesel et partage l’ivresse de la victoire aux 24 heures du Mans en 2004, quand le team japonais Goh gagne sur l’Audi R8 LMP1 – Tom Kristensen – Dindo Capello – Seiji Ara.
Sébastien confesse qu’il s’est découvert à ce moment-là une vraie passion pour la conception, le développement. De la feuille blanche à la piste c’est vraiment pour lui une puissante motivation. En 2005, tout en poursuivant en tant qu’ingénieur châssis chez Audi, il dirige l’équipe sur le programme belge Tarek VW, pour le Dakar, puis le Race Touareg VW TDI.
Diplôme en poche en 2005, Sébastien monte sa société de consulting et ne cessera d’être présent au Mans jusqu’en 2010, date à laquelle il débarque chez Marc VDS. Là, il gère les programmes Ford GT1 Championnat du Monde et GT3 Europe. De cette période prolixe, il faut souligner la brillante participation d’une Aston Martin LMP1 aux 24 Heures du Mans 2011 avec Vanina Ickx, Maxime Martin et Bas Leinders, qui termine 7ème au général et 1ère privée. L’éclectisme est toujours de mise avec la victoire d’une BMW Z4 GT3 aux 24 heures de Spa et de solides résultats sur la célèbre Nordschleife.
…Pour construire des victoires
Arrivé fin 2015 chez Onroak Automotive avec le titre de Directeur du site du Mans, il a reçu comme objectif, on s’en doute, de remporter des victoires dans les catégories LMP2 et DPi, tout en suivant l’évolution du règlement LMP1.
Sébastien pouvez-vous parler de la naissance de la Ligier JS P217, de son évolution 2018 et de sa mise sur roues pour les prochaines 24 heures ?
« La Ligier JS P217 est née de la réglementation LMP2 ACO FIA de 2015. On est parti d’une feuille blanche avec 4 constructeurs (Dallara, Multimatic, Oreca et Onroak Automotive). Ce fut un beau challenge parce qu’il y avait beaucoup de nouveautés techniques par rapport à l’ancienne génération.
Nous avons commencé à travailler dessus en juin 2015 et la voiture est sortie de production fin 2016, suite à l’homologation qui a duré quasiment un an et demi. Nous avons la configuration Sprint qui permet de disputer les championnats WEC et ELMS et aussi les courses aux Etats Unis. Effectivement le règlement prévoit une configuration très spécifique, réservée aux 24 heures du Mans.
Ce que l’on appelle le kit Le Mans, concerne essentiellement l’aéro de la voiture, parce que l’on prend des vitesses de pointe de 330 km/h dans les Hunaudières. Ce kit nous permet de réduire un peu la trainée, tout en gardant un niveau de charge intéressant pour pouvoir passer les virages Porsche sans dommage. Il faut ajouter à cela une restriction financière, c’est-à-dire que le kit doit être vendu pour 10 000 euros. Ce fut un beau défi technique à relever, puisque le kit doit se monter sur la voiture de base sans autre modification. »
Vous avez été amenés à procéder à une évolution entre Le Mans 2017 et cette année, comment cela s’est-il passé ?
« Notre voiture était bien née en Sprint puisque nous avons gagné la première course de championnat ELMS mais nous avons constaté qu’au Mans nous avions sous-estimé les objectifs aéro. Nous avons dû revoir notre copie afin de proposer un nouveau kit Le Mans pour cette année, pour combler le déficit de vitesse de pointe constaté en 2017.
Le travail a débuté dès après les 24 heures 2017 afin de générer différentes configurations et optimiser les performances au travers d’un plan de test conséquent en CFD. Nous avons modifié le capot avant, les conduits de refroidissement de freins et la lame, pour essayer d’apporter plus d’efficacité à la voiture. Ce travail s’est opéré avec HP Composites et Exa (calculs CFD), partenaires précieux.Nous avons travaillé non-stop en juillet-août-septembre, pour proposer une nouvelle définition à l’ACO, qui a validé le spectre de nos évolutions avec un passage en soufflerie le 22 décembre 2017.
Après la journée test le week end dernier nous avons noté avec satisfaction que nous avions gagné en vitesse de pointe, gagné en stabilité. Donc, la voiture est saine, maintenant nous sommes en train de dépouiller toutes les datas pour tirer la quintessence de tous les tests qui ont été faits et définir le meilleur set-up pour la course. »
Alors, pour ces 24 heures comment Onroak Automotive intervient-il, au profit de combien de voitures ?
« Nous avons 8 Ligier JS P217 engagées par 6 équipes clientes. Toutes ces Ligier JS P217 sont sur le même pied d’égalité. Toutes les équipes ont le même niveau d’information. La mission d’Onroak Automotive est d’apporter le même support pour tout le monde, afin que chaque voiture en fonction du niveau de l’équipage et de la préparation de l’équipe, puisse aller chercher le meilleur résultat possible. »
Qui dépouille les datas des 8 équipes roulant sur des Ligier ?
« Chaque équipe réalise un débriefing pour effectivement analyser quel réglage a le mieux fonctionné. Chaque équipe a son petit jardin secret mais on peut, de notre côté, apporter notre expertise en termes de réglages au niveau de l’aéro, de la mécanique, de la dégradation des pneus. »
Et vous, quelle place occupez-vous dans le dispositif ?
« Moi, j’interviens sur la partie technique et le support client. Je suis les voitures de près pour voir si les performances sont bien celles attendues, si les équipes suivent la meilleure stratégie possible. Je suis les équipes aussi au niveau des pièces de réserve en liaison avec notre équipe en interne, parce qu’avec 8 voitures ça représente un gros volume à préparer et à anticiper. J’ai également un échange permanent avec l’ACO et la FIA pour la partie technique et les clients pour la partie sportive et commerciale. »
Comment répartissez-vous le personnel Onroak Automotive dans les différents teams ?
« En fonction des équipes et à la demande, des ingénieurs et des mécaniciens Onroak Automotive sont mis à disposition pour venir en soutien des équipes lors de la préparation et de l’exploitation des voitures durant une course ou une saison. »
Au départ donc, vous avez livré des autos et des kits Le Mans complètement identiques ?
« Pour le kit il n’y a pas d’option possible, il concerne principalement l’avant de la voiture. On le voit avec les ailes plus prononcées et une partie avant un peu différente. Après toutes les options de set-up : hauteur de caisse, amortissement… sont libres. Pour notre part nous guidons les teams, on leur donne la fenêtre opérationnelle normalement la plus efficace mais après, c’est leur voiture, c’est leur gestion. Alors, ils sont libres de suivre ou non, nos conseils.»
Vous avez certainement une plus grande proximité avec tel ou tel team ?
« Honnêtement nous avons une très bonne relation avec toutes les équipes qui font confiance à notre Ligier JS P217. Pour Onroak Automotive, c’est important de soutenir toutes ces équipes, qu’elles soient composées de pilotes professionnels ou de gentlemen drivers. En ELMS par exemple, nous avons d’excellentes relations avec United Autosports, qui est notre agent Ligier en Angleterre, mais aussi avec l’équipe française Panis-Barthez Compétition qui nous fait confiance depuis son arrivée en LMP2 en 2016, avec Algarve Pro Racing avec qui nous collaborons depuis 2015 et IDEC Sport Racing depuis 2014 avec les Ligier JS 53 Evo 2. Nous essayons toujours d’avoir la même écoute et la même réactivité pour chacune des équipes. »
Et vous Sébastien, avec qui serez-vous en liaison pendant la course, combien écouterez-vous de radios ?
« Pendant la course je serai basé dans le camion support client et je circule régulièrement dans tous les boxes de nos équipes pour voir comment cela se passe. Je suis la stratégie des équipes sur mon PC. J’ai effectivement la radio du Race-control pour les faits de course et les différentes radios des voitures Ligier, pour voir s’il y a un problème, justement pour comprendre et intervenir le plus rapidement. En fait, je suis quasiment le seul à avoir la vision globale et si on voit surgir un problème sur une voiture qui pourrait être potentiellement un problème pour les autres Ligier, mon rôle c’est de pouvoir répercuter l’info sur les autres équipes pour essayer d’anticiper au maximum. »
Mobilisation générale
Après cet entretien nous avons pu observer des mécaniciens préparant des boîtes de vitesse, d’autres peaufinant des éléments composites, alors que dans les boxes en bord de piste des personnels détachés discutaient avec des ingénieurs et qu’une permanence était assurée au camion support client.
Une chose est sûre tout le monde se préparait à la mobilisation générale qui durant la semaine du Mans allait convoquer plus de 100 personnes sur le pont. En effet, des équipes Onroak Automotive s’occupent de Road to le Mans avec les LM P3 et des 24 Heures du Mans avec les LMP2. A cela il convient d’ajouter la partie marketing et évènementielle pour tout ce qui concerne le relationnel et le réceptif Ligier Paddock Club qui accueille plus de 500 personnes pendant la semaine des 24 Heures du Mans.
Une chose est sûre, ici chez Onroak Automotive, rien n’est négligé pour viser la victoire en LMP2, comme c’est d’ailleurs le cas chez Oreca. Cette catégorie LMP2 particulièrement lisible en termes de comparaison de performance en raison d’un moteur identique et d’aucun artifice réglementaire pour équilibrer les différences techniques, va attirer l’attention du monde entier avec des retombées économiques espérées en France, en Europe, en Asie et aux USA.
Que le meilleur gagne certes, dans cette perspective, les Ligier JS P217 ont mis bien des atouts dans leur jeu.