ZTL à Paris : problèmes de transit à venir
La ZTL entre en vigueur (ou presque) dans l'hyper-centre de Paris à partir de ce lundi 4 novembre 2024. Concrètement cela change quoi et surtout quels problèmes vont se poser ?
La ZTL entre en vigueur (ou presque) dans l'hyper-centre de Paris à partir de ce lundi 4 novembre 2024. Concrètement cela change quoi et surtout quels problèmes vont se poser ?
La ZTL c'est une "Zone à Trafic Limité". Concrètement, pour limiter le trafic routier motorisé (oui, même les véhicules électriques chéris) la Mairie de Paris interdit la circulation de transit dans les quatre premiers arrondissements de la Capitale. C'est-à-dire que si votre trajet n'a pas pour origine ou pour destination une adresse de ces arrondissements, vous pourrez être verbalisés jusqu'à 135 €. Le boulevard Sébastopol et ses 350 000 véhicules par jour fait partie du secteur concerné.
La mesure vise, selon les édiles, à restreindre le trafic et donc favoriser les piétons, vélos, patinettes et autres moyens de déplacements dits doux. Cela doit réduire le bruit, mais aussi une certaine pollution de l'air. Sauf que c'est plus complexe que cela, et qu'au final cela pourrait être compliqué à contrôler. Le plus étonnant étant sans doute que même les véhicules électriques sont exclus des véhicules autorisés.
Si la diminution du bruit dans les rues concernées semble un objectif facile à atteindre, cela de la baisse de la pollution de l'air l'est beaucoup moins. En effet, interdire le transit dans ces arrondissements ne fera que reporter le trafic en périphérique d'iceux. La pollution connaîtra peut-être une légère variation dans certaines rues, mais globalement l'effet sera nul. En outre, la pollution de l'air sur Paris est en très grande majorité "importée" de l'extérieur pour les particules fines notamment. Aussi, baisser très localement les émissions ne changera rien sur le fond.
En février 2024, dans son avis délibéré sur le projet de ZTL, l'Autorité environnementale concluait : « L’impact de la mise en œuvre de la ZTL à l’échelle de la Ville de Paris est donc neutre vis-à-vis du bilan carbone ».
En revanche, ce qui pourrait changer, ce sont les fréquentations des magasins locaux. Si cette mesure pourrait favoriser le tourisme, elle ne favorisera pas les achats locaux classiques. On aura donc sans doute une plus grande gentrification de ces quatre arrondissements et une floraison non maîtrisée d'appartements en location touristique. C'est d'ailleurs ce qu'il se passe dans les villes d'Europe ayant mis en place ces ZTL. Les arrondissements 1, 2, 3 et 4 de Paris concentrent déjà 12,2 % des offres Airbnb de Paris souligne "Changer Paris".
C'est un choix politique après tout. Pour preuve que c'est un choix délibéré, les cars touristiques, ou les taxis pourront continuer de rentrer dans la ZTL, même en transit. Certains dénoncent une "muséification" de la capitale et de son hyper-centre. Cette ZTL en est l'exacte application.
Le plus étonnant, le Préfet Nunez, qui joue les opposants à la Maire de Paris devant les caméras (sur le périphérique de Paris à 50 km/h notamment), a signé l'arrêté permettant la mise en place de la ZTL le 31 octobre. La seule restriction apportée à la ZTL voulue par la Maire concerne le quai Henri IV et celui des Tuileries qui sont exclus de la ZTL (voir illustration ci-dessous).
Maintenant s'ouvre une période de "pédagogie" durant au moins trois mois. Durant cette période, des contrôles sensibiliseront les usagers à la ZTL, sans verbalisation. La Mairie promet qu'au terme de la période, les contrôles s'intensifieront. A la clef, une amende potentielle jusqu'à 135 € (90 € si réglée rapidement).
Pour aller dans la zone, il faudra justifier de son déplacement. Tiens, on se croirait de retour quatre ans en arrière. Or, la justification du déplacement peut être compliquée à "officialiser". En effet, à la mairie on parle volontiers d'un rendez-vous médical, chez un notaire, avocat, etc. Mais, rien concernant une simple visite à des proches, ou une course dans tel ou tel magasin. Or, c'est bien un "trafic riverain".
Les livreurs vont avoir des "nervous breakdown" s'ils doivent justifier à tous les coups d'une livraison dans le périmètre restreint. Des affaires se jugent déjà depuis des années sur des PV pour circulation dans une rue "sauf riverain". La notion n'existe pas dans le code de la route et c'est le "Code général des collectivités territoriales" qui prévoie cette disposition dans l'article L2213-4.
Il n'est pas rare de trouver dans les actualités provinciale, ou dans les arrêtés de cour, des affaires jugées de parents qui amènent leurs enfants à une crèche ou une école, des commerçants, etc. qui gagnent face à des arrêtés "sauf riverain". Ici, il y a de fortes chances que la ZTL aura son lot de contestation. Il est, en effet, impossible de justifier que l'on vient par exemple d'un commerce de la zone. Un ticket de caisse n'étant pas une "preuve". Bref, la Mairie de Paris, David Béliard en premier, envisage un système d'auto-déclaration pour un "ausweis" auto-signé.
Limiter le trafic routier dans une ville, c'est bien. Enfin, sur le papier. Car cela exclut de fait les millions de personnes ayant du mal à se déplacer autrement qu'en véhicule. En France, on considère (chiffres officiels) que 12 millions de personnes vivraient avec un handicap. C'est 18 % de la population tout de même. Et même si 80% de ces handicaps sont dits "invisibles", ils interdisent bien souvent la pratique du vélo, de la trottinette ou limite fortement la marche à pied. Déjà que le métro parisien est une plaie pour eux.
Mais, pour le tourisme et ceux qui n'ont pas de souci de santé pour se déplacer, la ZTL va leur permettre de vivre dans un "ghetto pour riches", un Paris Netflix, alias "Emily in Paris" ou "Amélie Poulain". Alors justifier d'un déplacement par un ticket de brunch au Ritz place Vendôme, ce n'est finalement rien pour un peu de tranquillité sans les pauvres en voiture.
Ce qui semble crisper à Paris autour de la ZTL, c'est la surface concernée. Et celle-ci pourrait s'étendre dans les années à venir. A Nantes qui a une ZTL depuis 2012, ou en Italie qui en a depuis les années 80, les ZTL ne concernent que quelques rues ou pâtés de maison. Certaines villes de France qui ont mis en place, non sans mal, des ZTL sur le "centre historique", ont dû revoir intégralement le plan de circulation pour limiter drastiquement les entrées (par des sens interdits, etc.). Cela facilite les contrôles. Prochaine étape un péage urbain ? Après tout, il a déjà montré son inefficacité à Londres comme ailleurs. Alors pourquoi pas à Paris.
Comme tout changement à Paris, la ZTL cristallise les débats entre Municipalité et opposition. Certains assurent que c'est bon pour les habitants, d'autres que cela va faire fermer des commerces de proximité et n'est bon que pour les touristes et les propriétaires de bien locatifs de courte durée.
Toujours est-il que les quatre premiers arrondissements de Paris sont désormais une énorme ZTL. A la clef une prune potentielle de 135 € si on ne justifie pas d'un rendez-vous dans les arrondissements concernés.
Retrouvez tous les soirs une sélection d'articles dans votre boite mail.