De nombreuses entreprises s'intéressent déjà au sujet, mais outre le coût non négligeable, un écueil de taille se dresse devant elles: une telle conversion (alias "rétrofit") nécessite une nouvelle homologation du véhicule à titre individuel, un processus très contraignant.
La réglementation pourrait néanmoins évoluer. C'est en tout cas le souhait de ces entreprises, réunies au sein de l'AIRe (Acteurs de l'industrie du rétrofit électrique) qui rédigent avec un groupe de travail piloté par la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) un arrêté qui permettrait l'homologation des véhicules modifiés.
"L'objectif est de le publier avant la fin 2019", indique à l'AFP un porte-parole du ministère de la Transition écologique et solidaire.
Les adeptes de cette conversion vantent les avantages d'un véhicule qui "ne pollue pas en roulant" (à l'échappement NDLA) et dont le coût d'entretien est réduit, selon Arnaud Pigounides, président de l'AIRe, association créée il y a six mois.
"Le rétrofit est tout à fait en ligne avec la politique du gouvernement de verdissement des transports routiers", selon le porte-parole du ministère.
Des acteurs prêts à faire feu de tout bois
Arnaud Pigounides est le président de Retrofuture. Il connait bien le problème administratif du rétrofit et c'est pour cela qu'il a créé AIRe. En France, nous avons plus de 10 entreprises, sources d'emploi local, prête à démarrer dès que le feu passera au vert.
Outre Retrofuture, on pourra cite Ian Motion et sa (vraie) Mini électrifiée (cf. illustration), ou même Carwatt qui reprend des batteries utilisées pour leur donner une seconde vie et ainsi épargner des émissions de carbone. Certains, comme Eden Cassis (une Mehari électrifiée) ont préféré passer par la réglementation quadricycle lourd électrique, moins contraignante mais offrant moins de liberté.
Une jeune start up française, Phoenix Mobility, promet une conversion en 2 jours seulement. Le principe est plutôt "simple", ils retirent le moteur, la boîte de vitesses, le réservoir et remplace le tout par un moteur électrique, un convertisseur, un pack de batterie sous le capot moteur. A la place du réservoir, un deuxième pack de batterie vient s'ajouter. Vous fournissez la caisse et ainsi le prix baisse drastiquement.
Evidemment, avec une conversion on n'a pas un véhicule neuf, mais de nombreuses caisses sont encore tout à fait saines à rouler les 300 000 km passés. Pour un "daily" (lire : véhicule du quotidien) électrique, la facture est largement plus basse. On est même en-dessous de beaucoup de VE d'occasion. L'assurance de batteries neuves en plus !
Faciliter l'homologation
Du camion à la voiture de collection en passant par la petite citadine, les huit adhérents, bientôt 12, transforment tous types de véhicules à des coûts qui varient selon la puissance et l'autonomie de la batterie. Par exemple, il faut compter 5.000 euros et 8 heures de travail pour ainsi modifier une Volkswagen Polo, avec 100 km d'autonomie et une vitesse maximale de 110 km/h.
Pour un coupé sportif Ford Mustang, la facture grimpe en revanche à 21.000 euros. Le véhicule sort doté d'une vitesse de pointe de 200 km/h et d'une autonomie électrique de 180 km, encore loin toutefois des chiffres permis par la version classique à essence.
Actuellement, la France autorise le "rétrofit", mais l'homologation, obligatoire pour rouler, ne peut se faire qu'à titre individuel, et reste quasiment impossible. "Les véhicules doivent passer un crash-test. Personne ne voudrait envoyer sa voiture dans un mur", constate Arnaud Pigounides.
"Des entreprises se créent, mais tant qu'il n'y a pas d'homologation, il n'y a pas de marché", résume-t-il. Ces sociétés attendent donc le feu vert du gouvernement pour investir.
Ce processus est plus simple à l'étranger. "Aux États-Unis, les gens ont le droit de le faire de manière artisanale, il n'y a pas de réglementation", explique M. Pigounides. Et même en Europe, plusieurs pays autorisent l'immatriculation des véhicules "électrifiés", comme l'Allemagne ou l'Italie.
L'arrêté sur lequel l'AIRe travaille depuis janvier 2019 avec le Centre national de réception des véhicules (CNRV) et l'organisme technique central UTAC-CERAM vise à mettre en place une procédure administrative facilitée et encadrée en France.
Plus généralement, le rétrofit (pas forcément électrique) permettrait d'ajouter des filtres de dépollution à certains véhicules qui en sont dépourvus. Cela permettrait aussi d'améliorer certains vieux modèles, pour largement moins cher qu'un véhicule d'occasion.
Nouvelle filière
Ces entreprises se considèrent comme complémentaires au marché existant des véhicules électriques.
En additionnant les objectifs des adhérents, l'AIRe a estimé que 66.000 véhicules pourraient être ainsi adaptés d'ici cinq ans, ce qui représente 0,11% du parc automobile pour les voitures particulières et moins de 0,5% pour les utilitaires.
Il espère aussi un chiffre d'affaires d'un milliard d'euros, et la création de 5.500 emplois.
"On peut trouver un véhicule électrique neuf chez nous", rappelle Alain Le Gouguec, responsable de la communication chez PSA (Peugeot, Citroën, DS). "Le rétrofit concerne le marché de l'occasion".
Après la réglementation, l'industrialisation: "pour l'instant, on achète les pièces en petits volumes. Créer une filière permettrait de baisser les coûts", espère Arnaud Pigounides. Cela permettrait aussi de susciter des vocations et de lancer des solutions pas encore exploitées comme l'installation de moteurs-roues, libérant la place sous le capot pour plus de batteries par exemple.
"On souhaite aussi une harmonisation européenne", poursuit-il. "Des accords existent entre pays, mais il faudrait qu'on puisse vendre et homologuer nos véhicules +rétrofités+ partout en Europe."
L'Assemblée nationale a adopté en première lecture le 18 juin le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM), dont l'une des mesures interdirait la commercialisation de voitures à carburants fossiles d'ici à 2040.
En 2018, 1,4% des voitures particulières neuves immatriculées en France étaient électriques et 4,9% hybrides (carburant-électricité), selon l'Insee.
Avec AFP
Illustration : Ian Motion