Le rapport de l'organisation analyse les investissements européens entre 1995 et 2018 pour la route, et pour le rail. Le travail a l'air consciencieux et complet. Mais, Greenpeace oriente sa conclusion pour aller dans son sens. C'est "normal" dirons-nous. Alors on va se permettre d'analyser sous notre angle à nous, après tout.
Ne pas tenir compte de la taille respective des réseaux est une faute
On peut voir par exemple que 1 546 milliards d'euros ont été investis dans la route en Europe sur la période pré-citée, contre 931 milliards pour le rail. Et Greenpeace de conclure que la route a reçu 66% de subsides en plus que le rail. Si on prend le cas de la France, les chiffres sont même "pires" (sous l'angle Greenpeace NDLA) puisque ce sont 278 milliards d'euros pour la route contre 130 milliards pour le rail. Soit 2,14 en rapport et donc +114% pour la route vis-à-vis du rail.
Evidemment, c'est plus mitigé que cela car Greenpeace fait volontairement une grosse omission : la taille relative de chacun des réseaux de transport. En effet, le rail en France, c'est 27 483 km de voies en 2019 selon les chiffres officiels. La route de son côté, c'est 1,1 million de km ! Les auteurs du rapport (Wuppertal Institut et T3 Transportation Think Tank) indiquent prendre en compte tout type de route.
Dont acte, rapportons les investissements au kilomètre pour chaque réseau. Le rail a reçu, en France, 4,7 millions d'euros par kilomètre de voie, tandis que la route a reçu de son côté 254 000 € par kilomètre. On voit donc que le rail a en fait reçu 18,5 fois plus d'argent que la route rapporté au kilomètre ! Forcément, cela change totalement la perspective.
Cette perspective est d'autant plus changée qu'entre 2018 et 2021, la France a favorisé le développement du train. Le rapport d'investissement qui était de 2,14 est passé à 0,91. La France consacre donc plus d'argent en absolu au train qu'à la route. Si on rapporte au kilomètre, le rail a reçu 44 fois (!) plus d'argent que la route. Il faut donc prendre ce rapport pour ce qu'il est : une communication de la part d'un organisme qui a une vision politique.
Et pourtant il y aurait à dire
Pourtant, en France, il y aurait à dire si on s'intéressait réellement au fond du problème. Le rail en France c'est 12 542 km de TGV (soit 45,6% des rails réservés) mais aussi 2 157 km de LGV (soit 7,8%). Oui, plus de la moitié des voies sont pour les TGV ou les LGV. Les "petites lignes" sont celles qui pâtissent le plus de la déshérence de SNCF réseau et de moindres investissements de l'Etat. En 20 ans, les 4000 km de voies supprimées l'ont été sur les petites lignes, au profit du "tout TGV".
Greenpeace aurait pu souligner cela : l'investissement du rail en France est majoritairement phagocyté par le TGV. Et ce TGV est en prime "en étoile", obligeant à passer par l'Ile-de-France. Les diagonales ou les transversales sont oubliées, délaissées et souvent restent des voies "lentes". On ne parlera pas du prix des billets, c'est un autre débat qui pourrait amener à se poser la question de savoir si l'état doit subventionner les trajets du quotidien par le rail. Avant de se poser cette question, encore faut-il qu'il y ait des rails et des trains du quotidien.
Pour autant, tout n'est pas à jeter dans ce rapport, au contraire. Mais il est partial, et partiel. Dans un tableau, le rapport indique que depuis 1995, la France aurait perdu seulement 339 km de lignes régionales. C'est "juste" plus de 10 fois plus. Autre point qui prête le flanc à la critique : Greenpeace ne tient pas compte de l'état de départ de chaque réseau mais seulement des investissements.
Dernier point amusant, à la page 11 du rapport, Greenpeace mais un schéma pour indiquer dans le carré supérieur gauche qu'il n'y a aucun pays....aucun pays à quoi faire ? A investir 3 fois plus dans le rail que dans la route. Pourquoi ce chiffre de 3 ? S'ils avaient pris juste le fait que des pays investissent plus dans le rail que la route, 7 pays sur 28 auraient été dans la case supérieure. Sauf que cela ne colle pas au narratif.