Olivier Véran, porte-parole du Gouvernement, a appelé ce matin sur RTL à lever "sans délai" des blocages des dépôts de carburants, en menaçant "d’intervenir" pour les débloquer. Ce ne serait pas une première en France. Et d'évoquer la possibilité de demander la réquisition de salariés qui seraient alors obligé de faire tourner les raffineries. "Le gouvernement appelle à ce que la totalité des blocages soient levés sans délai. Sans quoi, nous prendrons nos responsabilités, c’est-à-dire que nous pourrions être amenés à les lever" a-t-il ajouté.
Dans le détail, chez ExxonMobil (Esso), on est arrivé à un accord entre direction et syndicats. Il n'y a donc plus de raison de blocage et la raffinerie de Port-Jérôme-Gravenchon devrait reprendre son activité. Enfin presque puisque l'on apprend ce matin que CGT et FO reconduisent la grève. L'accord sur les salaires a bien été signé par les autres syndicats majoritaires, mais refusé par la centrale et Force Ouvrière.
Du côté de TotalEnergies, la CGT continue d'appeler à la grève. La direction s'est dite ouverte à une avancée de la date des négociations annuelles salariales prévues en novembre et qui pourraient avoir lieu avant fin octobre si les blocages étaient levés. En vain.
Réquisition pour les besoins généraux de la nation
Face à cette situation de blocage, que le Gouvernement considère comme "excessif et anormal", l'exécutif envisage un déblocage d'autorité ou par la force des dépôts, puis la réquisition de salariés. Comme cela existe dans le médical par exemple, ou ailleurs, quand la situation est une menace pour l'équilibre ou l'économie du pays, le Gouvernement peut exiger que des salariés désignés viennent travailler malgré la grève.
Cela permet de faire tourner à minima un hôpital, ou ici une raffinerie, un dépôt pétrolier. Malgré cette réquisition toujours très mal perçue, il faut ensuite plusieurs jours pour un retour à la normale. Le Gouvernement est pris en tenaille entre le pétrolier TotalEnergies qui affiche une santé plus qu'insolente grâce à la crise mondiale énergétique et la guerre en Ukraine, et une grogne sociale engendrée par une inflation plus ou moins contenue. On commence même à parler de taxe sur les surprofits pétroliers et un amendement en ce sens a été déposé et sera examiné à l'Assemblée Nationale.
Du point de vue de la CGT, ordonner une réquisition mettra définitivement le feu aux poudres. Pendant ce temps-là, la situation dans les stations carburant tourne au vinaigre avec des gens qui en viennent aux mains, certains voulant à tout prix remplir tous les bidons à disposition et d'autres voulant simplement du carburant pour aller travailler.
Décret pris en conseil des ministres
C'est un exercice délicat que celui de la réquisition. Le code général des collectivités territoriales prévoit dans son article L2215-1 alinéa 4, que "En cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d'entre elles, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées".
Et si on refuse la réquisition ?
Il faut au préalable un décret en Conseil des Ministres pour que les Préfets décident ou non des réquisitions. Mais, cet article L2215-1 ne concerne que les salariés du public. Ce qui n'est pas le cas ici. Pour ceux de TotalEnergies, il faudrait alors invoquer par exemple le Code de la Défense et justifier d'une atteinte aux intérêts publics de la France. C'est l'article R2211-2 créé par un décret de 2009. Mais le décret et les réquisitions doivent non pas rétablir un fonctionnement normal, mais un fonctionnement minimum, cela doit être motivé et limité dans le temps. Sinon c'est attaquable devant un tribunal administratif.
L'inexécution volontaire par une personne requise de sa tâche ou de ses obligations peut lui valoir en premier lieu une astreinte par le Tribunal Administratif. En cas de refus catégorique, cela constitue un délit passible de six mois d'emprisonnement et de 10 000 euros d'amende. Evidemment, ce n'est appliqué qu'en dernier recours car c'est "explosif" comme décision et pourrait surtout envenimer la situation.
Notre avis, par leblogauto.com
Il y a urgence pour le Gouvernement. Et la CGT le sait bien. Les vacances de la Toussaint approche, et les ponts du 1er et 11 novembre aussi. Période traditionnelle où les Français vont dans leur famille pour fleurir les tombes, cela demande de pouvoir rouler.
D'ailleurs outre mettre la pression sur les négociations pétroliers/syndicats, le Gouvernement demande aussi à TotalEnergies de prolonger de quelques jours sa ristourne de 20 centimes par litre. Elle doit s'arrêter au 1er novembre, et l'exécutif verrait sans doute d'un bon oeil que l'ex-Total repousse de 15 jours son arrêt.