Ne pas se tirer une balle dans le pied
"Il faut garder le cap de la décarbonation et l'échéance de 2035 sur la fin du moteur thermique. Mais ne nous tirons pas une balle dans le pied !", a déclaré le ministre au cours de son entretien avec le journal.
"Si nous devons infliger des amendes gigantesques aux constructeurs parce qu'ils ne sont pas allés assez vite, la première conséquence sera d'affaiblir l'investissement et surtout de renforcer nos concurrents asiatiques", a-t-il estimé.
Selon lui, les constructeurs « fermement engagés dans l'électrification des véhicules ne devraient pas avoir à payer d'amendes en 2025 ». Une position qu’il se fait fort de défendre avec Marc Ferracci (le ministre délégué chargé de l'Industrie) auprès de la Commission et de ses homologues. Des propos qui interviennent alors que Antoine Armand participera lundi et mardi à Bruxelles aux réunions de l'Eurogroupe et de l'Ecofin.
Marc Ferracci a de son côté affirmé cette même position dans un entretienpublié dimanche dans le quotidien allemand Handelsblatt. Il doit se rendre lundi et mardi à Berlin dans le cadre de la 10e édition de la Journée Franco-Allemande de l'Économie.
Nouveau palier de la norme CAFE en 2025
Pour rappel, les constructeurs automobiles doivent respecter une moyenne annuelle d'émissions par voiture vendue en Europe. Cette norme dite CAFE (Corporate Average Fuel Economy) oblige les constructeurs à vendre progressivement des véhicules de moins en moins polluants.
Globalement respectée jusqu'ici, elle doit franchir un nouveau palier à partir de janvier 2025.
Sur l'ensemble de l'année 2025, les constructeurs devront respecter une limite moyenne de 81g/km de CO2, contre 95 g encore en 2024.
En termes clairs, cela signifie avoir un mix de ventes de véhicules électriques compris entre 20 et 25 % en 2025, alors que la moyenne sur les neuf mois de l'année 2024 est tombée à 14,6 %.
Des normes qui de facto vont imposer aux groupes automobiles de vendre des véhicules électriques … alors même que ce type de motorisation n’a guère le succès escompté actuellement, et ce, malgré les importants investissements nécessités par leur développement.
Le ministre n’envisage pas que des sanctions soient prononcées
Antoine Armand avait d’ores et déjà indiqué que le gouvernement français "n'envisageait pas" que des constructeurs automobiles soient sanctionnés au niveau européen pour non respect des normes d'émissions de CO2. La demande de décalage constitue une nouvelle « marche » dans la position française.
"Je n'envisage pas que des sanctions soient prononcées alors que des efforts immenses ont été effectués" par le secteur pour s'électrifier, avait ainsi déclaré Antoine Armand devant les professionnels réunis au Sommet de l'automobile, en marge du Mondial de Paris qui s’est tenu mi-octobre.
Antoine Armand avait indiqué à cette occasion que le gouvernement explorait "toutes les flexibilités (..) en coalition avec nos partenaires européens (...) pour éviter de pénaliser nos constructeurs dans leurs investissements, justement au moment le plus crucial de leur transition industrielle."
L'UE estime le débat "prématuré"
La Commission européenne a toutefois réagi via la voix de son porte-parole en déclarant que parler « d'un "changement de position" sur ce sujet était "vraiment prématuré". Ajoutant que des mesures étaient mises en place depuis 2019 "pour permettre à l'industrie de faire la transition". Sous entendu : le secteur automobile a eu le temps de se préparer. Reste que les ventes de véhicules électriques ne se sont pas envolées comme on le prévoyait en 2019 …
Sources : AFP, Les Echos, Handelsblatt