A bien y regarder, la Ford Sierra Cosworth est la voiture idéale du détective sous couverture. Du moins dans son exécution à quatre portes bien entendu! Esthétiquement discrète, elle offrait à sa sortie en 1988 un niveau de performances proche d'une Porsche 911. L'outil parfait donc pour pourchasser les bandits de grand chemin...
Freddie Spender, le détective taciturne
La série se passe à Newcastle, dans le nord-est de l'Angleterre. Il y est question des exploits de l'inspecteur Freddie Spender (incarné par Jimmy Nail), qui doit se "coltiner" les enquêtes les plus ardues. Celles dont personne ne veut s'occuper. En cela, il est aidé par son collègue, l'inspecteur Dan Boyd, et par un ex-repris de justice surnommé Stick. Dès le premier épisode, Spender se voit attribuer une Ford Sierra Cosworth comme véhicule de service. Plutôt sympathique comme monture, non ?
Créée conjointement par Ian LaFresnais et Jimmy Nail lui-même, la série fut diffusée pour la première fois sur la BBC1 le 8 janvier 1991. Trois saisons furent tournées, pour un total de 21 épisodes. Si la série n'a jamais été traduite ni même exportée hors du Royaume Uni, elle a connu outre-Manche un franc succès. En effet, Spender attirait en moyenne 14 millions de téléspectateurs à chaque épisode. Le choix de Newcastle et de ses environs comme théâtre de la plupart des enquêtes n'est pas anodin, puisqu'il s'agit de la région de naissance de Jimmy Nail.
Trois versions différentes, une par saison
S'agissant de la Sierra Cosworth présente dans la série, sachez que trois modèles différents ont été utilisés, une par saison. Ainsi, dans la première, Freddie Spender conduit une version berline deux roues motrices de couleur grise (flint grey). A noter que durant le tournage, celle-ci a été volée puis retrouvée brûlée le lendemain. Sans doute a-t-elle été la cible de joyriders qui se sont amusés à son bord avant de s'en débarrasser. Une chose courante dans le nord-est de l'Angleterre dans les années 90, et encore plus courant pour les Ford Cosworth, très convoitées à l'époque. Elles avaient la fâcheuse réputation de disparaître entières pendant la nuit avant de réapparaître le lendemain complètement calcinées... Quoiqu'il en soit, ce fâcheux incident a conduit la production à engager un vigile pour surveiller la Sierra !
Dans la seconde saison, c'est la version 4 roues motrices qui prend la relève et dans la troisième c'est également une 4x4 qui est présente mais dans sa version restylée avec son nouveau tableau de bord. A ce sujet, les jantes de cette dernière ne sont pas les bonnes dans la série, car ce sont celles d'avant le restylage. Cette dernière également, immatriculée K95 BRK, n'est plus sur les routes depuis au moins quinze ans (la road tax anglaise n'a pas été acquittée depuis 2003). Quant à son homologue de la seconde saison (H674LAR), elle a semble-t-il changé plusieurs fois d’immatriculation mais sillonne toujours les routes du Royaume-Uni.
La Ford Sierra Cosworth, une berline discrète mais méchante
Née sous forme de coupé en 1986, c'est deux ans plus tard que la Sierra Cosworth se mue en berline. Conçue initialement pour les besoins de l'homologation en groupe A en vue de participer au championnat d'Europe de tourisme, elle se dote d'un moteur 4 cylindres 2 litres turbocompressé à 16 soupapes. Celui-ci a été préparé par le sorcier britannique Cosworth. Ainsi, le bloc YB se voit notamment doté de pistons forgés refroidis par jet d'huile, d'un vilbrequin et de bielles renforcés, ou encore de soupapes d'échappement refroidies au sodium. Il est accouplé à une boîte de vitesses Borg-Warner (T5) à cinq rapports. Sur le papier, la nouvelle venue est capable de performances dignes de sportives plus huppées : 240 km/h en pointe et 6,6 secondes pour passer de 0 à 100...
Mais si le moteur est identique à celui du coupé RS, certaines choses évoluent. Notamment au niveau du châssis, le coupé étant réputé délicat à conduire. Sur la berline, les suspensions sont raffermies et le diamètre des barres stabilisatrices est majoré. Et ne croyez pas pour autant que la Sierra Cosworth soit pingre sur l'équipement de série. Celui-ci est en effet des plus complets, avec notamment des sièges semi-baquets Recaro, une direction assistée et un toit ouvrant. Le tout pour un tarif de 200 000 francs à sa sortie. En 1990, une série spéciale Trophy offrira même l'intérieur cuir.
2, puis 4 roues motrices
Cette même année, la Sierra Cosworth se dote de deux roues motrices supplémentaires. La transmission, dotée d'un différentiel central et de deux viscocoupleurs, envoie la puissance à 66% sur l'arrière et 34% sur l'avant. En résulte un comportement routier aussi sûr que joueur, surprenant pour une auto de ce gabarit. Le quatre cylindres turbo est toujours de la partie, son haras se garnissant de 16 équidés supplémentaires (220 chevaux). Malgré cette cure de vitamines, les chronos régressent légèrement (7 secondes au 0 à 100 et 235 km/h en pointe). La faute à la centaine de kilogrammes supplémentaires (1305 kg à vide) prise par la Sierra à l'occasion du passage à la transmission intégrale...
Pour la 4x4, la douloureuse se montait chez nous à 240 000 francs. Et la branche française de Ford avait tranché : tout est de série, pas d'options au catalogue ! On retrouve donc un intérieur tout cuir (NDLA : qui vieillit très mal ; il craque sur les sièges, et plisse sur les contre-portes...), le toit ouvrant, les vitres électriques, la condamnation centralisée des portes... N'en jetez plus!
Cosworth des villes, Cosworth des pistes
En compétition, la Sierra Cosworth a brillé dans de multiples disciplines. Majoritairement grâce au coupé RS. Dans sa déclinaison RS 500, elle a ainsi remporté entre 1988 et 1992 les championnats de voitures de production de cinq pays différents : Allemagne, Australie, Japon, Nouvelle-Zélande et bien sûr Angleterre. Et en rallye, le français Didier Auriol remporte au volant d'un coupé RS son premier succès en mondial au Tour de Corse 1988.
Quant aux berlines, on se souviendra surtout ici de la première sortie en championnat du monde des rallyes de la version 4x4, en 1991. Au Monte Carlo, François Delecour qui dispute lui aussi sa première épreuve mondiale, perd la course dans la dernière spéciale du rallye. La faute à une casse de la rotule arrière ayant entraîné la perte d'une roue. En larmes au dernier point stop, François ne cessera de répétér qu'il n'y est pour rien ("j'ai pas tapé! j'ai pas tapé!"). La suite de la saison ne permettra pas de rattraper le coup, la Sierra souffrant à la fois de son gabarit plutôt imposant face aux Lancia Delta et Toyota Celica, et de son manque chronique de fiabilité...
Illustrations : captures d'écran