L'usine de Kalouga appartient officiellement à Stellantis pour 70% et Mitsubishi pour 30%. Jusqu'au déclenchement des sanctions internationales suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'usine produisait des véhicules PSA pour le marché russe. Avec les sanctions, tout est mis à l'arrêt. Mais, contrairement à Renault qui a pu couper la branche russe et se débarrasser (pour l'euro symbolique) de sa participation dans Avtovaz (tout en conservant les marques) et de l'usine de la banlieue de Moscou, Stellantis est resté propriétaire des actifs.
Sauf que la Russie n'a pas apprécié (euphémisme) ce qu'elle qualifie de désertions et a décidé de faire payer ceux qui sont partis. Ainsi, Stellantis avoue ne plus avoir le contrôle de l'usine qui est depuis le lieu de production d'une mystérieuse société "Automotive technologies".
Cette société a organisé une visite d'usine (bien cadrée) et les journalistes accrédités ont pu découvrir...des Citroën en cours d'assemblage. Des Citroën C5 Aircross. Presque les mêmes qu'en France, à quelques détails près. Pire, Citroën (Stellantis) a perdu le contrôle du site internet de vente en Russie. Le site avance que les C5 Aircross made in Russie sont commandables. Selon des informations de France Info, ce serait l'ancien distributeur Citroën en Russie qui aurait repris les commandes.
Sauf que Stellantis ne livre pas de pièces à Kalouga et qu'il n'a jamais été prévu de les produire sur place. Alors comment fait Automotive Technologies ? Eh bien, elle passerait par Dongfeng Motor à priori (France Info), partenaire de Stellantis. Le constructeur chinois livrerait les C5 en kit (SKD à priori ou semi knocked down) et les véhicules seraient assemblés à Kalouga. Les carrosseries arrivent soudées et peintes à l'usine et les ouvriers russes finissent l'assemblage.
Ne pas fâcher la Chine et avaler la pillule
Maintenant, pour Stellantis se pose la grande question de la réaction face à cela. Déjà porter plainte devant l'OMC ou les autorités russes servira-t-il à autre chose qu'un mouvement symbolique ? Sans doute pas. Mais, le géant automobile peut aussi se plaindre ouvertement à Dongfeng. Visiblement, le message a été passé qu'il s'agissait de piraterie puisqu'aucun accord du propriétaire (Citroën) n'a été formalisé.
Pour autant, alors que l'affaire bruisse depuis des semaines, Stellantis ne semble pas réagir officiellement. Pourquoi ? Car la cadence de production est de 2 à 3 véhicules par jour à Kalouga et qu'il y aurait sans doute plus à perdre à se fâcher avec la Chine que de laisser cette miniproduction se poursuivre, fut-elle illégale.
L'industrie automobile russe n'a jamais été aussi foisonnante que depuis les sanctions. Attention, la production a énormément chuté et les équipements manquent souvent dans les véhicules. Mais, faute de Lada, la Russie a relancé Moskvitch dans l'usine Renault et a lancé plein de nouvelles routes d'approvisionnement dont la plupart viennent de Chine. Que ce soit des véhicules en kits ou directement importés, les rues russes n'ont jamais vu autant de véhicules chinois que depuis 2 ans. Quant à la Chine, elle commerce avec Pierre, avec Paul, trahit Pierre et Paul et le fait en ayant conscience d'être plus ou moins incontournable dans l'industrie automobile (et au-delà).
Pour Stellantis, ce n'est pas la première fois qu'ils se font pirater une production. Déjà à cause de sanctions internationales, Peugeot a perdu les liens qui l'unissaient avec Iran Khodro. La livraison de pièces Peugeot a cessé, mais les véhicules continuent d'être produits à partir de pièces produites sur place ou livrées par...la Chine.