L'importateur officiel de Lotus au Japon, la société LCI, est également celui de Caterham. Rien de plus logique historiquement, et voir les voitures des deux constructeurs conviés à un évènement commun fait bien plus plaisir que la rivalité absurde née des embrouilles de la F1 cette année et qui semble heureusement derrière nous. Après deux annulations de dernière minute, une à l'automne 2010 pour cause de sévère typhon sur la région du Fuji (il ne s'agit pas que les Lotus s'envolent, toutes légères qu'elles sont) et une en avril dernier, personne n'ayant le coeur à s'amuser directement après le désastre que l'on sait, la manifestation a finalement rassemblé un beau dimanche d'automne 550 autos des deux marques confondues.
Les autos présentes couvraient toute l'histoire de la marque, des premières Seven à l'Evora. De la même façon, toute la palette entre la voiture de série et la voiture de course était présente, jusqu'à un musée roulant de toute beauté composé uniquement d'autos basées au Japon, y compris pas moins de 4 F1 (78, 88, 97T, 101) appartenant au collectioneur et compétiteur historique Katsuaki Kubota et une série de F3 et autres petites monoplaces témoignant de l'activité importante de la marque dans les années soixante. Ci-dessous la 97T d'Ayrton Senna, revue récemment dans le documentaire consacré au pilote brésilien.
Et ici la plus ancienne des autos présentées, une Seven Series 1 dans un état parfait.
La star de la journée était la légendaire 88. Légendaire, mais pas par son palmarès. Elle n'en a pas, et pour cause: pour tenter de contrôler l'affolante efficacité des wing cars, le pouvoir sportif interdit pour la saison 1981 les jupes coulissantes inventées par Chapman avec la 78 quatre ans plus tôt et reprises par l'ensemble des écuries et oblige une garde au sol minimale de 6 cm. Le génial ingénieur réplique en se présentant au début de la saison à Long Beach avec la 88 à "double châssis".
La coque externe est montée sur ressorts sur le châssis intérieur et s'abaisse avec la vitesse, retrouvant l'effet de sol supprimé par la nouvelle réglementation. Les autres écuries hurlent à la tricherie et la voiture est arrêtée au drapeau noir au milieu de la séance libre du samedi et déclarée illégale. S'en suivra une dure épreuve de force entre Lotus et Balestre, qui aura le dernier mot. Chapman, obligé de mettre sa révolutionnaire 88 au musée et se considérant victime d'une profonde injustice, en sera énormément désabusé. Il mourra moins d'un an plus tard d'une crise cardiaque.
L'autre vedette du jour était la Lotus 101 ex-Piquet de 1989, bien connue des Japonais puisqu'elle était également conduite par Satoru Nakajima dont les sponsors habituels rejoignaient le cigarettier du moment sur les flancs de l'auto.
Lotus en compétition, ce n'est pas seulement une histoire de monoplaces. Le constructeur a fait commerce dans les années 60 de sport-prototypes dont la plus connue est la Lotus Eleven, mais il y en eu d'autres. La Lotus 30 à moteur Ford V8 (le même que la GT40) est la seule incursion de Chapman dans le domaine des gros prototypes, et ce fut un échec typiquement Lotus: légère et très rapide, mais beaucoup trop fragile pour le gros moteur qu'elle emportait, ce qui entraîna nombre de casses mécaniques qui donnèrent à la voiture une réputation de cercueil roulant que son évolution la Lotus 40 n'améliora pas fondamentalement. La voiture, avec ses échappements en canons de fusil sortant en haut de la carrosserie pleine de courbes n'est reste pas moins extrêmement sexy.
La collaboration de Lotus avec Ford ne s'est pas limitée à la Lotus 49 dont le Ford Cosworth DFV était partie intégrante. Lotus a également prêté main forte à Ford pour la Cortina Lotus qui eut de nombreux succès dans les compétitions de tourisme durant les années 60, avec notamment Jim Clark au volant.
Une des touches sympathiques de la démonstration des anciennes Lotus était que les pilotes pour la plupart avaient fait de gros efforts de présentation, comme par exemple cette bulle jaune sur ce casque ouvert, très raccord avec l'auto.
Pour finir ce survol des Lotus historiques, cette superbe 47 aux couleurs de Gold Leaf nous fournit une transition toute trouvée avec les autres plateaux ouverts cette fois aux amateurs.
Ce premier plateau amateur était en effet celui des Europa, modèle très connu au Japon à cause de son rôle central dans une manga extrêmement populaire dans les années 80. Pour l'anecdote, l'Europa préfigure avec 30 ans d'avance les Lotus Renault d'aujourd'hui puisque sa mécanique était basée sur le bloc de la Renault 16.
Si l'on trouve d'irréprochables modèles de série, les Japonais ne s'en contentent pas et on poussé le concept très loin. Un spécialiste au nom innocent mais trompeur "Body Shop Happy" produit de redoutables engins qui n'ont d'Europa que la silhouette caractéristique. La coque en carbone et les éléments mécaniques modernes permettent à ces autos de revendiquer des temps affolants sur la plupart des circuits japonais. Et tout ça pour le plaisir des journées circuit...
Même motif, même punition pour les Elise et Exige du club Outer Plus qui, bien qu'homologuées pour la route, sont largement modifiées et très rapides elles aussi.
Mais l'avantage d'une Elise par rapport à la majorité de la production courante, c'est que même directement sortie du showroom, elle accepte d'être menée vigoureusement sur la piste. C'est toute la philosophie de la marque, illustrée durant toute cette journée comme elle l'est chaque week-end sur de nombreux circuits autour de la planète.
C'est encore mieux avec l'Exige, avec laquelle on est tout de suite dans l'ambiance de la compétition, sitôt un numéro scotché sur la portière.
La vraie compétition, c'est avec les 2 Eleven, pour la finale du championnat japonais 2011. De vraies petites autos de course, dont la parenté avec l'Elise est évidente.
Retour vers le paddock pour une paire d'Esprit. La blanche S1 à l'immatriculation caractéristique (devinez !)
Et une rarissime Esprit S2 Essex Turbo, marquant la collaboration post-JPS entre Colin Chapman et le flamboyant David Thieme qui fera pleuvoir les pétrodollars sur le sport auto entre 1979 et 1981.
Après les Lotus, il convient de consacrer quelques images aux Caterham, elles aussi très prisées par les Japonais qui les mettent sur la piste à la première occasion. Là aussi, il y a de très méchantes autos comme cette R500 (époque Rover K).
Qui a déjà conduit la Cat' sait qu'on s'imagine facilement aux commandes d'un avion. L'aluminium, les vibrations, la réponse instantanée... Ce propriétaire a poussé l'analogie encore plus loin.
Qui a besoin de 800 chevaux pour drifter ? Une Superlight R300 fait ça parfaitement, comme le prouve cette entrée de courbe en dérive, pas forcément efficace mais spectaculaire...
Pas assez prononcé ce travers ? Pas de problème, on peut faire mieux !
Toutes les bonnes choses ont une fin, et avant que tout le monde ne s'en retourne dans ses foyers, la journée s'est terminée par un tour de parade du circuit au ralenti au soleil couchant où tout le monde était convié. Comme un retour de week-end sur l'A86, mais avec seulement des Lotus et des Caterham devant et derrière...
Pour conclure, voici la superbe vidéo réalisée par l'ami Rémi Shouten d'Okidokyo qui fait parfaitement passer l'ambiance de cette journée magique.
http://vimeo.com/31955186
Crédit photos PLR/le blog auto sauf 24 : Len Clarke
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