A peu près tous les 11 à 13 ans, la France connait un épisode neigeux comme celui d'hier soir. 2010, paralysie de l'Ile de France et d'autres régions avec des automobilistes "piégés" dans leur voiture. 12 janvier 1999, idem. En 1999, on a même vu le périphérique être totalement congestionné, et des automobilistes abandonner leur voiture sur le super boulevard parisien pour rentrer à pied, et tant pis pour la voiture.
Le point commun à chaque fois ? De 1 à 6 cm de neige seulement. Pourtant, dans bien des pays, on roule parfaitement avec bien plus de neige. Alors quoi ? On a une spécificité française ? En fait, il neige trop peu dans les contrées bloquées que l'on n'a pas l'habitude de réagir. En montagne, cela peut arriver de se faire "surprendre" par un épisode neigeux. Mais aussitôt, les engins de salage et de déneigement se mettent en route. Pratiquement chacun s'occupe de son bout de trottoir pour arranger tout le monde.
A Paris ou en Normandie, la neige est rare. En gros, elle ne survient que lorsqu'El Niño est en route ou à peu près. Et à chaque fois, elle surprend. Hier soir, les agences météo n'ont "vu" la neige et son ampleur "que" 3 à 4 heures avant les premiers flocons. Trop tard pour que l'administration ne réagisse, même localement. Et les personnes qui travaillaient n'ont pas eu le loisir de dire "Ciao les gars ça va neiger". Beaucoup de monde est donc parti pendant l'épisode neigeux.
Pas assez d'épisodes neigeux pour être prêts
Pourtant la neige, le verglas et le froid en hiver, qu'est-ce que cela a d'exceptionnel ? Eh bien, en fait, tout dépend des régions où l'on se trouve. De la neige à Bordeaux, Caen, Mouthe, Paris ou Nice ce n'est pas avec la même fréquence. En 10 ans, les gens oublient, se déshabituent. Personne (ou presque) ne conserve des couvertures, de l'eau et de la nourriture en permanence dans sa voiture "au cas où". Sans parler des chaînes ou chaussettes à neige.
L'autre souci de cette rareté, c'est que les engins ne sont pas prêts. Pire, ils sont prêts à certains endroits, mais pas à d'autres. Ainsi sur l'A13, il y a eu des portions réouvertes à la circulation car les engins de "salage" étaient passés qui aboutissaient à des tronçons fermés car sans engins ! Plus de 400 voitures ont été ainsi piégées. Aujourd'hui, la neige se transforme en verglas. Et les conditions de circulation ne sont pas meilleures qu'hier. Résultat, transports scolaires arrêtés en Normandie par le Préfet. A Paris, la pagaille est importante sur l'A13 (fermée), l'A12, l'A10 et l'A6 (ouest et sud).
Les services de l'Etat ne sont pas en ordre de bataille en permanence l'hiver. Et les régions touchées ne sont pas suffisamment touchées pour que les gens aient les bons réflexes. Dans certains départements du centre de la France, on trouve le long des routes des tas de pouzzolanes en attente "au cas où". Chacun peut les utiliser pour épandre sur la route et faire "un semblant de sablage".
Ces épisodes sont suffisamment rares pour que nos villes et nos départements ne soient pas habitués. Quand il neige dans le nord de l'Europe, c'est souvent pour plusieurs semaines et chaque année. Les autorités sont préparées et aguerries à ces conditions. Idem en Amérique du Nord. Pourtant, même là bas des épisodes neigeux peuvent surprendre et mettre la pagaille. Il faut dire que l'averse de neige d'hier s'est créée en quelques heures à peine. Imprévisibles, ces épisodes surviennent quand une "goutte froide" (poche d'air glacial) se forme à la lisière d'une masse d'air.
Comment réagir face à ce phénomène ?
Pour les usagers de la route et des transports, le mieux, quand c'est possible, c'est de ne pas bouger. Surtout que ces épisodes arrivent souvent en fin de journée et que passer une nuit dans une voiture sans être préparé (eau, nourriture, couvertures) c'est pire que tout. Autant rester dans un endroit chauffé et à l'abri. Et pour ceux qui sont déjà chez eux, restez-y le plus possible là encore. De nombreux patrons comprendront que tenter de venir au travail est souvent pire que de rester en télétravail (quand c'est possible toujours).
S'il faut absolument partir, il n'y a hélas pas de règle absolue entre prendre les axes principaux ou les secondaires. En effet, une autoroute peut, comme c'est le cas actuellement, être bloquée totalement, et un axe secondaire circulable sans trop de difficulté. S'il faut prendre la route, il faut prévoir des couvertures, de l'eau et de la nourriture. Surtout, il faut conduire "sur des oeufs", d'autant plus que les pneus hiver et les équipements neige ne sont pas obligatoires dans les régions touchées (loi Montagne II).
Cette nuit, il y avait en Ile de France plus de 120 km de bouchons cumulés à minuit ! Ce matin 9 janvier à 4h, il restait encore 43 km. A 9h, on comptait plus de 300 km de bouchons sur l'Ile de France et encore plus de 400 "naufragés de la route". Une fin de ministère épique pour Clément Beaune, ministre des Transports jusqu'à hier dans l'après-midi et qui doit gérer "les affaires courantes".