Canal+ était poursuivi par le Comité national contre le tabagisme (CNCT), une association qui lutte comme son nom l'indique contre le tabagisme. Selon la loi Evin, toute publicité pour le tabac ou l'alcool est interdite en France sauf certaines exceptions (liées au terroir, etc.). Or, la Formule 1 était une grosse consommatrice de l'argent des cigarettiers et des alcooliers.
Jusqu'en 2021, "Mission WinNow" (groupe Philip Morris) apparaissait sur les monoplaces Ferrari. D'autres marques étaient apparues à l'écran lors de la diffusion en direct, mais également en différé et en replay des Grands Prix de F1.
Intérêts du spectateur versus loi Evin
La position de Canal+ est délicate car le groupe récupère les images du diffuseur officiel de la Formule 1. Arguant de sa bonne foi, elle a tout de même été reconnue coupable par le Tribunal selon l'AFP, mais sur une période restreinte, en gros décembre 2021. Depuis, Canal+ met tout en oeuvre pour ne plus faire apparaître les marques qui ne sont pas forcément des marques de cigarettes mais font partie de l'écosystème des cigarettiers et sont donc considérées comme de la publicité indirecte, qui tombe sous le coup de la loi.
Canal+ a été condamné à verser 25 000 euros de dommages et intérêts au CNCT et à régler 10 000 € de frais d'avocats. Le Tribunal l'a également condamnée à 30 000 € d'amende avec sursis.
Pour Canal+ comme d'autres diffuseurs, cette année se pose aussi la question épineuse des sociétés de casinos et/ou de crypto-monnaies. Alfa Romeo a signé un contrat de sponsoring avec une société de casino en ligne, interdite en France. Dès lors, montrer la marque peut relever de la publicité. Flouter en direct les logos se fait, mais n'est pas simple. Et lors des interviews avec les pilotes, on imagine bien les journalistes de Canal+ mettre du papier collant sur les combinaisons des pilotes, ou les cadrer en gros plan sur la tête (sans casquette...).
La difficile application de la loi Evin à la télévision
La loi Evin (de son auteur Claude Evin) date du 10 janvier 1991. Elle interdit la publicité pour différents produits. Néanmoins, elle a posé rapidement des soucis aux télévisions qui diffusaient des événements en direct depuis l'étranger. Ces pays n'interdisant pas la publicité pour l'alcool ou le tabac, les retransmissions en direct comportaient ces logos et autres.
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA, devenu ARCOM) a rapidement saisi les tribunaux ou menacé de le faire, face à des diffusions de rugby ou de football. Pour la F1, cela devenait très problématique puisque outre les circuits, les voitures étaient bardées de publicités interdites en France.
Amendement F1
Cela mettait en confrontation directe deux notions entre la loi Evin, et la directive CEE dite « Télévision sans frontières » qui a été transposée en droit français. Cette directive protège le droit du spectateur à l'information. La "télévision sans frontières" considère que ce n'est pas de la publicité que de montrer une marque s'il n'y a pas de rémunération ou de contrepartie. En France, il aura tout de même fallu attendre 1995 et un amendement à la loi dit "amendement F1" pour que les retransmissions en direct ne tombent plus sous le coup de la loi Evin.
Ce n'est pas la première fois que le CNCT attaque Canal+. Déjà en 2011, l'association avait attaqué la chaine pour la diffusion, lors d'un match de tennis en Suisse d'une publicité pour une marque de cigare. Déjà là, Canal+ arguait qu'il ne produisait pas les images, mais en achetait les droits pour les diffuser en direct.