Faire la tournée des grandes maisons de Cognac en voiture décapotable, à la belle saison (sans boire et conduire évidemment) voilà un mariage auto+Cognac qui est sympathique. Sinon, on voit assez mal pourquoi le Cognac est mêlé à des discussions sur du commerce de technologiques entre la Chine et la France.
En fait, le Cognac est une victime collatérale de l'enquête européenne sur le dumping des voitures électriques chinoises. Cette enquête vise à savoir si l'Etat chinois subventionne en douce les constructeurs locaux pour qu'ils exportent massivement leurs productions vers l'Europe. Les USA ont abaissé certaines barrière et l'Europe, naïve, a laissé faire. Ne pas oublier que l'UE est le premier partenaire commercial de la Chine.
Vin et spiritueux comme moyen de pression habituel
En réponse à cette enquête sur ses voitures électriques à vil prix, la Chine a initié une enquête de son côté, pour dumping, le 5 janvier dernier, sur les eaux-de-vie européennes (à 90 % du cognac et de l'armagnac). La visite de Xi Jinping vise donc, entre autres, à faire du "donnant-donnant". Ce n'est pas une première pour l'alcool français puisqu'il y a 10 ans, l'Allemagne accusait la Chine de subventionner illégalement ses panneaux solaires (l'Allemagne ayant une production locale plus chère NDLA). En rétorsion, la Chine surtaxait alors pendant deux ans les vins et spiritueux français.
Officiellement, la visite du Président Chinois est pour célébrer le soixantième anniversaire des relations diplomatiques franco-chinoises initiées par le général de Gaulle et Mao. Mais, cela sert aussi de "diplomatie commerciale" et des accords ont été annoncés. Mais sur les VE, rien.
Il faut dire que désormais, la crise des panneaux photovoltaïques a laissé des traces. L'industrie européenne de ces panneaux ne peut suivre et soit importe des modules chinois qu'ils finissent d'assembler en Europe, soit ferment boutique. L'industrie européenne du "panneau solaire" est morte et enterrée par la Chine. L'industrie automobile ne veut pas subir le même sort et a déjà réagi.
Le sujet est d'une importance cruciale, car en France, on compte 210 000 personnes qui travaillent à la fabrication des véhicules et des équipements automobiles. Si on prend en compte les emplois amont et aval de la filière, on grimpe à 1 million d'emplois. Avec le véhicule électrique, nos "vieux pays" sont entre le marteau et l'enclume. En effet, soit on rejette le VE et il se fera sans nous. Soit on soutien la filière VE européenne qui détruira quand même des emplois, mais moins.
"BYD est le bienvenu en France"
Ce soutien passe par la création d'une filière européenne de batteries. La France pousse dans ce sens avec ses deux grands constructeurs et par exemple ElectriCity de Renault dans le Nord. Tout un écosystème favorable aux usines de batteries. Et cela passera immanquablement par des accords avec des industriels chinois qui viendront produire en Europe pour contourner les barrières plus ou moins franches comme notre "score environnemental" du bonus électrique qui élimine les véhicules produits hors Europe des subsides étatiques.
La filière automobile et l'Etat, dans un nouveau contrat de filière, fixent l'objectif de 800 000 VE immatriculés en France d'ici 2027. Un objectif farfelu qui laisse beaucoup de monde dubitatif. Surtout que le marché reste sous perfusion des aides publiques avec le bonus de 4 000 € pour tout véhicule de moins de 47 000 € (hors option), et un "leasing social" reconduit pour 2025 et qui coûte 13 000 € (*) par véhicule ! Là on peut parler de dumping et il n'est même pas fait discrètement sous la table.
« BYD est le bienvenu en France et l'industrie automobile chinoise est la bienvenue en France », selon Bruno Le Maire
Le contrat de filière vise non seulement un nombre d'immatriculations en France, mais aussi et surtout un nombre de véhicules produits sur notre sol. Pour retrouver un peu de son lustre d'antan, la filière mise sur l'excellence du VE pour en produire 2 millions à l'horizon 2030. Et pour cela, faisons entrer le loup dans la bergerie. Il ne demande que cela.
La France a visiblement décidé de foncer tête baissée vers le tout VE. Nous verrons dans 10 ans si c'était le bon choix. Soit notre industrie automobile en sortira renforcée, soit elle ne sera plus qu'un vague souvenir qui aura tenu 140 ans.
(*) 7000 € de bonus pour les ménages modestes + coût du leasing supporté par l'Etat environ 6000 € soit 13 000 €.