Nous continuons notre aventure une nouvelle fois à une facette insolite, mais tellement liée aux 24 heures, à savoir les dessinateurs. Aujourd'hui, rencontre avec l'incontournable Pierrick Chazeaud.
Nous continuons notre aventure au sein des 24 Heures du Mans 2017 en nous intéressant une nouvelle fois à une facette insolite, mais tellement liée aux 24 heures, à savoir les dessinateurs. Aujourd'hui, rencontre avec l'incontournable Pierrick Chazeaud.
Rien ne prédisposait à priori Pierrick Chazeaud à se lancer dans une carrière de dessinateur, spécialiste incontesté des 24 heures du Mans. Des études brillantes l’ayant conduit à une maîtrise de biologie cellulaire, on aurait pu le voir s’orienter vers la recherche, c’était sans compter sur le véritable coup de foudre qu’il éprouva quand il assista au départ des 24 heures du Mans, à l’âge de 16 ans. Lui qui crayonne déjà avec bonheur, oriente ses dessins vers cette course d’endurance, qui le fascine tant. La BD est son mode d’expression. Il arrive même à publier ses dessins en 1995 dans une revue chamoniarde : Relief.
Le vrai départ de sa course personnelle pour la publication, la diffusion et l'expansion de ses productions lui sera donné par Le Maine Libre, qui lui permet de couvrir la course des 24 heures, en 1996. Ses dessins, fort drôles, conquièrent très vite un public enthousiaste et comme l'artiste: "a la chance de faire les bonnes rencontres au bon moment", des contacts intéressants sont pris dans ce microcosme de la course d'endurance. Intéressants, en ce sens qu'ils débouchent sur des commandes. Au rang des personnalités marquantes tant du point de vue de leur notoriété que de leur fidélité à encourager l'humoriste de la compétition automobile, il faut citer sans aucun doute Thierry Boutsen, qui ouvre les portes de Porsche et de par sa fidélité et la constance de ses commandes, est devenu un véritable ami de l'illustrateur tourangeau.
Le commissaire-priseur le plus rapide du monde, Hervé Poulain, lui le célèbre promoteur de l'Art Car, a prodigué très tôt ses encouragements à Pierrick et l'a depuis toujours accompagné, au point de le mettre en relation avec le grand Jeff Koons. Henri Pescarolo figure en bonne place dans la liste des fidèles adeptes des travaux décalés qui lui ont souvent été consacrés.
Les grandes écuries comme Audi ou Peugeot n'ont pas boudé leur plaisir, elles non plus, en commandant des dessins, des illustrations, voire des animations avec des visuels en direct résumant la charge victorieuse des lionnes en 2009.
A ce propos, lors des essais des 24 heures à venir nous rencontrons dans le paddock Bruno Famin directeur de Peugeot Sport. Pierrick a son carton de dessins sous le bras. Aussi, celui qui a commandé en son temps des dessins lorsque les 24 heures figuraient au programme du Lion, tient à voir les dernières productions du grand spécialiste de cette épreuve. (notre photo)
Pour notre part, nous avons prévu de nous poser au frais pour réaliser un brin d’interview.
Pour la 22 ème année consécutive tu effectues quasiment en direct des dessins lors des 24 heures du mans, comment travailles-tu ?
« D’abord, je travaille beaucoup en amont car on a une idée des participants, voitures et pilotes lors du lancement du championnat du monde. Dès la course de Silverstone, on connait en gros la déco des voitures, on regarde ce qui se passe. On a une idée de la hiérarchie des voitures et celles qui risquent de dominer la saison. »
Après, quand tu es sur les 24 heures comment procèdes-tu ?
« Non, mais avant, à partir de début mai je prépare des angles, c’est-à-dire un certain nombre de dessins. J’essaie d‘en avoir réalisé le plus possible avant la course. Ensuite sur place, j’observe ce qui se passe. Je fais beaucoup d’observations pour les dessins futurs. »
Tu arrêtes ton message à partir de tes observations, mais il porte surtout sur les voitures ou à propos des pilotes ?
« Oh, les deux. Surtout que j’essaie de personnaliser, d’humaniser les voitures. Comme j’ai un trait, très humoristique, une voiture c’est aussi personnel. »
Quelle est ta technique ?
« Moi je fais dessin et couleur, je suis un peu peintre. Alors pour le dessin crayonné puis encre de Chine. Quand je fais un dessin, j'essaye toujours d'obtenir un petit tableau en fait. Je travaille à l'acrylique, à l'aquarelle que je mélange. Je suis complètement autodidacte et j'en suis fier. J'ai mon style, c'est certain et c'est ce qu'il faut. Certains n'en n'ont pas et ils copient... »
Qu’est ce qui déclenche ton message souvent humoristique ?
« Alors ça, c’est comme ça vient. Par exemple j’ai fait un dessin sur l’équipe Porsche et un autre sur l’équipe Toyota avec des blagues sur les deux marques.
Par exemple les GT Pro sont très belles, la Ford, la Porsche on peut les représenter plus humoristiquement, elles ont agréables à dessiner.J’ai souvent le dessin dans la tête et j’ai envie de dessiner ce que je vois dans ma tête. »
Tu vas dans les stands, voir les équipes ?
« Oui, quand on peut y aller. Mais je suis là dès le pesage, je fais toute la semaine. On peut voir les gens, les choses. Je suis très dans le ressenti. Après on a plus d’idées que de temps pour les traduire immédiatement en dessins. »
Alors au Mans tu produis des dessins pour le Maine libre mais après la course, les 24 heures alimentent encore tes travaux ?
« Oui, car j’ai des dessins à faire pour l’annuaire des Suisses au Mans. Cette année certes il y a Rébellion avec la Vaillante mais des Suisses dans chaque top team : Jani chez Porsche, Buemi chez Toyota, mais aussi Fassler en GT Pro, chez Corvette. »
Tu fais de l’humour sur la Vaillante ?
« Oui, j’ai fait un dessin qui pastichait la couverture du dernier album Rebellion avec les caricatures de Philippe Graton et des autres dessinateurs, au volant de la Vaillante. »
Pour cette année tu en es où de la production ?
« Les dessins pour l’actualité sont terminés. Si tu voulais en retenir un ça pourrait être celui qui retrace toute l’histoire Porsche au Mans, avec les voitures de cette année en piste et le Porsche Experience Center en fond. »
Tu effectues d’autres travaux à partir de cette présence assidue aux 24 heures ?
« Oui, les contacts qu’on noue, tout ce que j’enregistre dans ma tête ça peut donner lieu à d’autres demandes. J’ai aussi toujours l’idée d’un nouveau livre... L’an dernier j’ai effectué un travail original en dessinant des autos des 24 heures pour des capsules de muselets de champagne. »
Quand nous accompagnons Pierrick Chazeaud en salle de Presse ou dans le paddock, nous ne sommes pas étonnés de le voir s’arrêter sans cesse pour saluer tel ou tel. Il faut dire qu’il connait tout des 24 heures et toutes les personnes, qui font la course.
Ainsi, Pierrick a acquis une connaissance quasi encyclopédique de tous les faits et gestes des pilotes, des mécaniciens, du public et garde également imprimée dans une fabuleuse mémoire visuelle toutes les voitures, leurs couleurs et leurs décorations. Cette moisson dûment enregistrée, notre dessinateur-caricaturiste la nourrit de tout ce qui peut être publié sur le sujet. Des tonnes d'ouvrages envahissent l'atelier, la maison et les dépendances et rien de ce qui se publie sur la course culte des 24 heures ne peut rester hors de l'appétit de l'incollable Monsieur 24 heures.
Quand, avant de le quitter, on lui demande comment il peut se renouveler de manière incroyable, tout en se référant souvent à l’histoire sa réponse fuse comme une évidence :
« Au Mans j’aspire l’ambiance comme une éponge et j’ai toujours une énorme envie de dessiner, à ma façon, ce que je ressens ici. »
C’est bien cette manière si originale de traduire en dessins cette fabuleuse course des 24 heures qui fait le succès légitime de cet artiste inclassable, dont le talent enthousiasme bien au-delà des 24 heures. Retrouvez Pierrick et son travail > ici <.
Alain Monnot
Photos : Alain Monnot et collection P. Chazeaud
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