Le blog auto : Que s’est-il passé pour la GreenGT H2 depuis la présentation au Mans avant l’été ?
Jean-Francois Weber : Nous avons travaillé à la mise au point des compresseurs qui amènent l’air sous pression à la pile à combustible. Nous sommes passés de 70 000 tr/mn à 120 000 tr/mn, avons installé des soupapes de décharge pour améliorer la réponse et travaillé à protéger la pile qui est notre investissement majeur. La chaîne de traction (l’ensemble moteur/transmission) et l’électronique de contrôle sont déjà largement au point, bénéficiant des 4 ans de développement sur les projets précédents de GreenGT. On a validé le fonctionnement de la pile au banc, faisant fonctionner un stack 220 heures et on va embrayer sur un autre cycle d’essai cette fois avec une simulation du tracé du circuit du Mans. En fait, comme pour un moteur thermique, il faut établir une cartographie du système. Suivra pendant l’hiver un travail de l’auto entière sur banc roulant comme nous savons le faire pour des voitures de course traditionnelles avant de mettre l’auto sur la piste dès que tous les tests auront été menés à bien.
LBA : Vous avez un cursus de motoriste traditionnel, quel a été votre cheminement vers la solution de la pile à combustible ?
JFW : La démarche a été assez logique, j’ai commencé à étudier une transmission hybride pour le GP2 en 2005, c’était en même temps que les KERS en F1, puis regardé les solutions impliquant l’électricité pour en arriver à la conclusion qu’une solution électrique-batteries n’est pas viable pour une course du type des 24 heures du Mans. Simplement en terme d’énergie nécessaire, sachant que le circuit du Mans nécessite une pleine charge pendant 75% du tour et que dans notre cas nous développons 400 kW, il nous faudrait environ 1,5 tonne de batteries pour tourner une demi-heure ! Sans compter la problématique de les changer, et autres contraintes logistiques. La pile à combustible est une technologie bien maîtrisée, largement utilisée dans l’aérospatiale depuis plus de 50 ans, et il y a de bonnes raisons pour ça : elle est sûre, elle est fiable et éprouvée, le rapport poids-puissance est très favorable et elle est insensible aux accélérations importantes. Tous avantages qui s’appliquent tel quels dans le cadre de la compétition automobile. Mais par rapport à la technologie existante il faut tout réinventer, c’est un territoire vierge. Et on entrevoit déjà des marges de progression très importantes. Par exemple, nos deux réservoirs d'hydrogène, qui proviennent d’applications industrielles, pèsent 70 kilos. Nous avons trouvé aux Etats-Unis des réservoirs équivalents que nous voulons faire homologuer qui ne pèsent qu'un peu plus de 30 kg. Un gain de 80 kg, colossal pour une voiture de course. De même, le câblage électrique actuel utilise du cuivre. Il y a 50 kg de cuivre dans l’auto. Si nous remplaçons ces câbles par de la fibre de carbone, nous tombons à 7 kg. Là encore un sacré saut. Et c’est pour tout comme ça.
LBA : Quel est votre objectif pour la course ? Quel niveau de performance visez vous ?
JFW : Notre objectif est simple, c’est de tenir 24 heures avec le niveau de performance fixé par l’ACO, c'est-à-dire 75% ou plus des meilleures voitures en terme de temps au tour. Notre voiture fait à l’heure actuelle 1230 kg pour 400 kW, c’est plus la définition d’une GT que d’un proto. Ca va jouer évidemment, mais nos simulations nous donnent un niveau de performance correct. On veut surtout montrer au public, qui est sceptique vis-à-vis des voitures électriques, que les voitures à pile à combustible sont une réelle solution. On veut montrer qu’on peut aller au bout et être compétitifs avec cette technologie. Et la voiture aura sa propre personnalité. Elle n’a pas un bruit classique mais elle n’est pas silencieuse, les compresseurs d’air qui tournent, les soupapes de décharge à la décélération lui donnent une vraie sonorité.
LBA : On a vu avec les diesels et hybrides que les caractéristiques en piste, l’utilisation des pneus, est différente d’une architecture technique à l’autre, qu’en sera-t-il pour GreenGT ?
JFW : Le couple est certes important mais il est progressif et sans rupture, ce qui nous permet d'être moins violent avec les pneus que les autos actuelles. Cela intéresse beaucoup Dunlop (NDLR: avec qui GreenGT a signé un partenariat technique) qui peut développer des enveloppes spécifiques. De plus les deux roues arrière sont découplées et la propulsion peut être gérée de facon très précise (Torque Vectoring), ce qui ouvre beaucoup de possibilités au niveau de la motricité. Et on peut même envisager dans l’avenir d’ajouter des roues avant motrices, comme le fait Audi avec les moteurs électriques de l’e-Tron Quattro. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine aussi...
LBA : Vous êtes au Mondial sur le stand de la FFSA, les instances officielles vous soutiennent-elles, l’ACO et la FIA ?
JFW: L’ACO est attentive et nous encourage, mais aussi la FIA qui regarde le projet avec grand intérêt et a compris le défi que cela représente.
LBA : La voiture présente-t-elle des difficultés d’homologation ?
JFW : La FIA a homologué la voiture après le crash test que nous avons décidé de passer avec les réservoirs installés. Nous avons démontré que la coque et les réservoirs étaient solidaires, et qu’il n’y avait pas de problème de sécurité. Il faut savoir que la voiture embarquera environ 2x150 litres d’hydrogène, ce qui représente 8 kg, pour un relais de 40 minutes. Nous utiliserons donc 300 kg d’hydrogène sur 24 heures là où les thermiques consomment pas loin de deux tonnes de carburant. Il y a donc au maximum dans l’auto 8 kg d’hydrogène à un instant donné, c’est très peu, et les réservoirs sont exceptionnellement résistants. En terme de sécurité, on est très confiant.
LBA : La présentation au Mans a eu une grande visibilité, avez-vous été approché depuis par des sponsors ?
JFW : Nous avons des contacts avec des sponsors mais nous préférons rester discrets pour l’instant. Dans tous les cas notre budget actuel nous a permis de construire la voiture complète et nous permettra d’aller jusqu’au Mans, c’est important car cela nous permet de nous concentrer sereinement sur le développement et les problèmes purement techniques sans stress.
LBA : Outre la voiture de course, vous avez des projets pour la pile à combustible ?
JFW : Oui, bien sûr. La voiture de course est une vitrine sur notre technologie. Nous travaillons sur des véhicules qui se prêtent bien à l’intégration de la pile a combustible de forte puissance, comme des camions ou des véhicules industriels. Nous avons d’ailleurs commencé à travailler sur un projet de dameuse. Au lieu de rejeter des gaz polluants sur les skieurs, imaginez qu’elle monte les pistes en rejetant juste de la vapeur d’eau...
Crédit photos : leblogauto.com
(Note : Social Media Group, la société éditrice de leblogauto.com, partage un investisseur avec GreenGT)
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