Marques disparues, épisode 40 : Russo-Balt

Russo-Balt

Russo-Balt (parfois Russobalt ou Russo-Baltique) fut la première entreprise russe à produire des véhicules et des avions entre 1909 et 1923.

L’usine de wagons russo-baltique a été fondée en 1874 à Riga, dans l’actuelle Lettonie, alors centre industriel majeur de l’Empire russe. N’ayant aucune expérience dans le domaine automobile, Russo-Balt signe un accord avec la firme belge Vilvoorde, constructeur ferroviaire qui avait produit une voiture en 1906, une réalisation d’un jeune suisse dénommé Julien Potterat. Licence acquise, Russo-Balt va produire sa première voiture, en ayant pris le soin d’engager le jeune ingénieur comme directeur du département automobile à Riga.

Pionnière de l’automobile russe

En 1908 un atelier de production est créé sous la direction de Potterat, puis en 1909 sort le premier véhicule « Russo-Baltique », la « C 24/30 ». La 24 HP est conduite de Riga à St-Petersbourg, un trajet effectué en 9 heures, une belle performance (vu l’état des routes) qui fera une excellente publicité à la jeune marque.  Dotée d’un moteur 4 cylindres de 4,5 litres, la 24 HP donnera naissance à la série C, gamme qui évoluera en cylindrée et en puissance au fil des années.

Pour l’anecdote, le choix de carrosserie avait été influencé par les réponses à un questionnaire publié dans la revue « Automobile » n° 5 de 1908. Le questionnaire ne contenait que deux questions : « Quel type de voiture possédez-vous ? » et « Quel genre de voiture aimeriez-vous avoir ? » La revue a résumé 220 réponses à la deuxième question. Le résultat était : « En termes de nombre de cylindres et de puissance, le type le plus souhaitable est une voiture à 4 cylindres de 24 à 40 ch. » Parmi les autres caractéristiques, la plupart souhaitaient une transmission à cardan et une carrosserie de type « double phaéton ».

Un exploit au Monte-Carlo

Seule marque russe significative avant la Révolution d’Octobre, le tsar Nicolas II lui accorde le privilège d’utiliser le symbole impérial de l’aigle bicéphale, notamment sur le bouchon des radiateurs. Le journaliste et reporter artistocrate André Nagel joua un rôle important également dans la notoriété de la marque. Ami du chef du département automobile de Russo-Balt, il devient progressivement le responsable de la promotion de la marque. Après plusieurs expositions et expéditions remarquées, il popularise l’automobile en Russie à travers différentes revues, dont Avtomobil.  Entre 1910 et 1911, il dispute de nombreuses courses nationales et internationales, puis s’engage au deuxième Rallye Monte-Carlo durant l’hiver 1912 avec le coureur pionnier automobile Vadim Mikhaïlov comme copilote. La voiture Russo-Balt S24/55 est peut-être la première voiture de série nationale, préparée professionnellement pour le rallye.

En fait, cette voiture, qui n’existait qu’en un seul exemplaire, a été créée pour une seule course. La cylindrée du moteur a été augmentée à 4939 cc. et le taux de compression augmenté, pour délivrer 55 ch. Pas mal du tout ! La RB Torpédo S24-55 roadster « type Monaco », dotée d’un bloc 5,0 l 4 cylindres, promettait une vitesse de pointe théorique de 130 kilomètres par heure, avec une préparation spécifique (réservoir supplémentaire, puissants phares à acétylène, absence de pare-brise pour la visibilité malgré le froid, chaînes et skis – oui, pour le train avant ! – circuit de refroidissement en partie à alcool, etc.) et allégée (absence d’amortisseurs…), avec plusieurs paires de pneumatiques embarquées de la marque franco-russe Prowodnik implantée à Riga. Le moteur bénéficiait aussi de pistons en aluminium ! De plus, un nouveau carburateur français « Zenit » ainsi que des engrenages avec un rapport de démultiplication réduit. Il était donc prévu de développer une vitesse de 105 km/h (la série S24/30 montait à 70 km/h).

Le tsar Nicolas II assiste en personne au départ de l’équipée, le 13 janvier au matin depuis sa capitale, par −22 °C. Les conditions de course étaient inhumaines – tempêtes, congères. Les lumières, même aussi puissantes que « Frakoniya », ne pouvaient pas faire face. Durant le trajet en Europe centrale pour atteindre la Principauté de Monaco, les conditions atmosphériques sont extrêmes, en passant par Riga (où ils manquent alors être dévorés par une meute de loups qui les poursuit), Königsberg, Berlin, Heidelberg et Belfort. Ils arrivent premiers concurrents en Principauté en suivant la route depuis Berlin, le 21 alors qu’il pleut des cordes. La distance totale a été de 3 257 kilomètress.

A. Nagel a reçu le 1er prix du parcours, le 1er prix de l’endurance et le 9e prix du classement général (car la commission a pris en compte le nombre de sièges confortables dans sa voiture et la commodité, la quantité de bagages, l’élégance, la propreté, etc.). Le comité d’organisation du rallye, en définissant les normes et le temps de parcours, n’a pas tenu compte des difficultés du parcours hivernal en Russie, la route étant sensiblement inférieure aux routes de l’Europe occidentale.

En 1912, l’infatigable journaliste remporte la deuxième place au rallye international « San Sebastian ». En août 1913, il fait rouler une N14 « Gran Turismo » sur une longueur de 7 000 km de routes en Russie centrale et méridionale, et en décembre part en voyage en Europe du Sud et en Afrique du Nord. Au début de 1914, c’est-à-dire en moins de quatre ans d’exploitation impitoyable de son « Russo-Balt », il a parcouru 80 000 kilomètres sans réparation sérieuse !

Russo-Balt renversée par l’Histoire

Adolphe Kégresse fut, pendant quelques années, le responsable du parc automobile du Tsar. C’est au cours de cette période qu’il mit au point sa première voiture à chenilles, une Russo-Balt conçue pour que le Tsar puisse utiliser sa voiture pendant les périodes hivernales, période ou les routes n’étaient plus que des chemins recouverts de neige. Son système breveté, il reviendra en France pour le proposer à Citroën qui l’utilisera pour ses légendaires croisières jaune et noire. Russo-Balt s’aventura aussi dans le domaine de voitures de record de vitesse. En 1914, le modèle C24/58 avait un moteur de taille augmentée (avec des cylindres mesurant 107×140 mm) et une carrosserie plus allongée. Lors des courses automobiles organisées à Saint-Pétersbourg, une vitesse d’environ 130 km/h a été atteinte.

Les voitures RB étaient largement reconnues non seulement par les clients civils mais aussi pour les contrats militaires et gouvernementaux. Pendant la Première Guerre, la production d’automobiles est délaissée pour la production de bus, de camions et des premiers véhicules blindés. Le front se rapprochant de Riga, le matériel et le stock sera déménagé vers les usines de St Petersbourg, Moscou et Tver. Quelques voitures seront alors construites dans ces unités mais tout stoppera au moment de la révolution de 1917.

Les Type C 24/40, les types K 12 CV apparus en 1911 et les Type E apparues en 1912, sont les trois gammes produites par Russo-Balt. Seul le Type C, aura encore un avenir après la révolution. En 1922, la production reprendra en petite série, sur la base des C 24/40 et sous le nom de Prombon. Tout s’arrêtera une nouvelle fois en 1923, à l’issue d’une guerre civile qui laisse la nouvelle URSS exsangue.

Une tentative de résurrection de la marque « Russo-Balt » a eu lieu en 2006 par un groupe d’investisseurs allemands et russes pour proposer un concept-car de luxe, la Russo-Baltique Impression, présentée comme un coupé avec de fortes références au style européen du début des années 1930. La voiture utilisait des pièces mécaniques d’origine Mercedes (Mercedes CL63 AMG), et a été présentée pour la première fois au Concours d’Elégance 2006.  Une production totale de 10 à 15 voitures maximum était prévue, avec une cadence de production de 2 à 3 voitures par an. Le prix de vente aurait été d’environ 50 000 000 roubles ou 870 000 dollars américains, mais le projet ne s’est jamais concrétisé.

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