Piaggio : des avions et des trains, bien avant la Vespa
Sis dans un quartier qui a été en partie reconverti en zone universitaire, le musée fait face à l’ancien portail massif où se trouvait l’ancienne direction Piaggio. En pénétrant dans la cour intérieure, le musée rappelle de suite que Piaggio, ce n’est pas que du deux roues et surtout que, bien avant les scooters au bruit de guêpe, la marque fut un grand constructeur d’aéronautique et du ferroviaire. Pendant la Première Guerre mondiale, la branche aéronautique Piaggio Aero se développe et produit des moteurs militaires, puis, dès 1924, s’engage dans la construction de ses propres. Au début des années 1920, Piaggio construit aussi le train royal italien pour le roi Victor Emmanuel III et des appareils électroménagers. Piaggio rachète l’usine aéronautique Bonmartini de Rome pour y fabriquer l’avion de chasse monoplan Piaggio P.2 et le quadrimoteur Piaggio P.108, le seul bombardier quadriréacteur utilisé par la Regia Aeronautica durant la Seconde Guerre mondiale.
En 1926, Rinaldo Piaggio fonde la société SANA – Società Anonima Navigazione Aerea, la première entreprise italienne de transport aérien de passagers. Parmi les ingénieurs y travaillant, un nom à retenir : Corradino D’Ascanio, qui a conçu l’hélicoptère coaxial « DAT 3 », le premier hélicoptère de l’histoire avec des hélices montées sur cardans. Son bureau, ses effets personnels et sa planche à dessin trônent dans l’une des salles du musée, et on va bien sûr l’expliquer dans quelques instants
Avant-guerre, Piaggio fait feu de tout bois : les avions, bien sûr mais aussi des camions, autocars, téléphériques, trains (dont un tout en acier inoxydable qui trône au niveau de l’entrée du musée) remorques, funiculaires, appareils électroménagers et même des fenêtres en aluminium. A l’issue de la Seconde Guerre mondiale, quasiment toutes les usines ont été bombardées et détruites. à la suite des sanctions appliquées contre l’Italie, Piaggio ne peut plus fabriquer d’avions. La reconstruction des usines de Pontedera est rapidement effectuée et Enrico Piaggio, le fils du fondateur, décide alors de développer un deux-roues afin de créer un nouveau débouché pour son usine.
Le coup de génie de la « guêpe »
Un premier modèle est présenté en 1943, le MP5 (Moto Piaggio 5, nom de code du projet) surnommé Paperino (nom italien de Donald Duck), mais son design grossier de moto entièrement carénée ne convainc pas. Les premiers prototypes de la Vespa, supervisés par Corradino d’Ascanio, sont dévoilés à la fin de l’année 1945 et commercialisés au printemps 1946. La Vespa qui, depuis, est devenue une marque, connaît un succès immédiat et devient rapidement un symbole de l’Italie d’après-guerre, au même titre que la Fiat 500. Durant les 10 premières années, Piaggio a vendu plus d’un million de Vespa, ne cessant de s’internationaliser, de l’Inde au Canada, de l’Australie à l’Argentine.
Gloire à la Vespa
La Vespa est évidemment la star du musée. La première salle met en avant l’internationalisation du scooter, et l’introduction de la Vespa dans les différentes parties du monde. La salle principale propose pour sa part une collection quasi exhaustive de tous les millésimes de modèles, depuis le prototype de 1945 (dont on peut voir les dessins techniques originaux) jusqu’aux plus récents, dont le modèle électrique lancé en 2018, en passant par les séries spéciales (Armani, Dior), les side-cars, celles revisitées par des artistes, les versions carénées de compétition et de records, les versions d’expédition et de raids, et même une…copie soviétique, ce dont Piaggio s’amusait en disant « ils envoient des satellites dans l’espace, mais ils copient un scooter ».
On s’émerveille devant le nombre incalculable de clubs Vespa du monde entier, dont les centaines stickers et blasons ornent plusieurs murs. Les moteurs, carénages, pièces internes sont exposés aussi dans les moindres détails, avec quelques documents d’archives annexes comme le brevet officiel de 1945. D’ailleurs, la salle des archives s’aperçoit au cours de la visite, le tout étant très bien expliqué pédagogiquement avec plusieurs chronologies détaillées. Phénomène culturel, la Vespa est aussi une vedette du cinéma, et une partie du musée le rappelle, mettant en avant le film Vacances Romaines de 1953 et bien entendu la Dolce Vita.
L’Ape, l’autre modèle iconique du travailleur
En 1948, Piaggio lance son premier triporteur, l’Ape, « l’abeille », qui a droit lui aussi à son espace dans une autre salle. Véhicule utilitaire triporteur, il est présenté à la Foire Internationale de Milan en 1946. Sa fabrication débute en 1948, sur la base du scooter Vespa avec un guidon et une roue unique de direction carénée à l’avant et une plate-forme de chargement à l’arrière.
L’Ape, qui a également ses versions de course, a connu lui aussi un immense succès et a été décliné à toutes les sauces. Il suffit d’aller en Italie et de se balader dans n’importe quelle petite ville ou petit village pour en voir encore bon nombre en circulation. Parmi les déclinaisons originales, on peut admirer un Ape « véhicule incendie », une version « premium » avec banquette arrière confort qui a même accueilli le président de la République, celle de la Poste italienne, du libraire mobile ou encore une version indienne décorée comme il se doit !
Des automobiles et de la compétition
Piaggio, c’est aussi de l’automobile. Un peu isolées au milieu d’une armée de Vespa, les petites et craquantes Vespa 400 rappellent cet épisode 4 roues de Piaggio. Nous en avions parlé ici. On croise aussi aussi le « Porter », petit véhicule utilitaire lancé en 1992 dans le cadre d’une co-entreprise avec Daihatsu, qui aura droit à des motorisations diesel Lombardini à partir de 1995. Malgré la fin de la coentreprise, le Porter poursuit sa carrière. On peut admirer dans l’espace muséal une version familiale monospace.
Enfin, une salle compétition est dédiée aux autres marques du groupe, Aprilia, Moto Guzzi et Gilera, qui peuvent se targuer d’un palmarès incroyable en vitesse moto et en motocross. Parmi les nombreuses merveilles exposées, la Gilera VT317 de 1909, capable déjà de dépasser les 100 Km/h, la Gilera Rondine 500 Carenata de 1936 qui avait fixé un record de vitesse à 274 km/h, l’Aprilia S 125 avec laquelle Valentino Rossi dérocha son premier titre mondial 125cc en 1997, ainsi que l’Aprilia RSV4 avec laquelle Max Biaggi fut champion du monde superbike en 2010.