Sir Stirling Moss était encore l'un des rares survivants de l'âge d'or de la Formule 1 des années 50, une époque de gentlemen et de gladiateurs, où la grande faucheuse venait fréquemment se servir.
Né dans un milieu aisé qui affectionne l'automobile - son père a été pilote amateur et sa sœur Pat sera multiple championne d'Europe des rallyes - c'est pourtant contre l'avis de sa famille que le charmant Stirling se lance, à 17 ans, dans la compétition. Finalement aidé par son père, il acquiert une Cooper qu'il pilote en Formule 2 et Formule3, signant par ailleurs ses premiers coups d'éclat en remportant le grand prix de Silverstone de F3 en 1949 et celui de Monaco en 1950, sous les yeux des patrons de F1.
Pilote patriote
Il fait ses premiers pas en Formule 1 en 1951, avec l'écurie anglaise HWM. Son style de pilotage, aussi élégant qu'efficace, tape rapidement dans l’œil d'Enzo Ferrari, qui lui propose un volant pour la saison 1952. Or, Stirling, patriote, préfère rester fidèle à des constructeurs britanniques. ERA, Connaught, Cooper, BRM à 16 cylindres, Moss multiplie les expériences mais les machines, souvent limitées techniquement, ne lui permettent pas de briller. Cependant, il fait montre d'un bel éclectisme et remporte des courses en voiture de sport sur Jaguar ou Aston Martin et même en Rallye, ce qui en fait le chouchou du public britannique, plus qu'un Mike Hawthorn pourtant plus victorieux en F1. Justement, en ce début des années 50, en F1, il faut rouler en italienne pour briller, ce qui le pousse à acquérir une Maserati en 1954. Il tient la dragée haute aux Maserati officielles et se fait remarquer par Mercedes, qui prépare son retour en compétition depuis l'avant-guerre.
Duels avec Fangio
En 1955, chez Mercedes, il forme un des duos de légende de l'histoire de la F1 avec Juan-Manuel Fangio, mais l'argentin est le plus fort. Néanmoins, il remporte sa première victoire à Aintree, en Angleterre, sans jamais savoir si Fangio l'a laissé gagner par fair-play ou pas. L'argentin gardera le mystère pour lui. Cette même année, en sport, il réalise un doublé en remportant la Targa Florio puis les Mille Miglia de haute volée (à 160 Km/h de moyenne !) après une course épique. Il vit par contre un crève-cœur quand, alors qu'il mène, il doit se retirer des 24 heures Mans après que Mercedes s'est retiré consécutivement à l'accident tragique de Pierre Levegh.
D'ailleurs, le retrait complet de Mercedes du sport automobile le ramène chez Maserati puis Vanwall pour les deux saisons suivantes. Il remporte 5 grands prix, dont celui mémorable d'Angleterre 1957 - victoire 100% anglaise- mais, souvent victime de pannes mécaniques, il doit s'incliner une nouvelle fois face à Fangio pour les titres mondiaux.
Champion sans couronne
Fangio parti, Moss est son successeur tout désigné. La très disputée saison 1958 résumera à elle seule sa carrière et l'homme qu'il fut. Vanwall absent du 1er grand prix de la saison, il s'engage avec une étonnante Cooper équipé d'un moteur Climax positionné à l'arrière...et gagne ! Une première pour une architecture de course promise à un bel avenir...Par la suite, sur VanWall, il domine les débats, avec 4 victoires mais aussi des abandons sur pannes mécaniques qui contrarient sa quête du titre. Au Portugal, fair-play, il témoigne en faveur de Mike Hawthorn, qui avait déclassé pour manœuvre litigieuse, son rival récupérant ainsi les points de la seconde place. Malgré une dernière victoire au Maroc lors de la finale, il perd le titre pour 1 point, Hawthorn profitant des consignes d'équipes chez Ferrari. Moss termine ainsi pour la 4e fois consécutive vice-champion du monde. La légende du "champion sans couronne" est née !
Fidèle aux constructeurs britanniques et aux structures privées car il veut rester maître des montures qu'il désire piloter, Moss est encore 3e du championnat en 1960 et 1961, gagnant deux années de suite le grand prix de Monaco ainsi qu'un épatant grand prix pluvieux dans l'enfer vert du Nürburgring. Ces années-là, il fait triompher pour la première fois une Lotus, le modèle 18, mais subit un grave accident à Spa en 1961 qui l'écarte, encore une fois, de la course au titre.
Occasion manquée avec Ferrari
En 1962, Moss renoue avec Ferrari. Preuve s'il en est du respect qu'il lui témoignait, le Commendatore accepte de fournir à l'anglais une Ferrari...qui sera engagée sous la bannière britannique du Rob Walker Racing ! Moss étrenne également à Monza l'un des premiers prototypes de la 250 GTO. Puis, en avril 1962, fidèle à son éclectisme, Stirling Moss s'inscrit au Glover Trophy de Goodwood au volant d'une Lotus privée. En lice pour la victoire, il subit un énorme accident qui le laisse inconscient et relevé avec de multiples fractures. Au terme d'une longue rééducation, il reprend le volant en 1963 pour tester ses capacités mais doit se rendre à l'évidence, il a perdu ses facultés de pilotage de haut niveau. A seulement 33 ans, Stirling Moss doit mettre un terme à sa carrière. Il refera quelques apparitions dans des rallyes et en Saloon Cars dans les années 70-80 néanmoins.
Le palmarès parlait pour lui : 16 victoires en 66 Grands prix de F1 (quasiment 25% de réussite !), 12 victoires en voitures de Sport, deux secondes places aux 24 heures du Mans. Au total, toutes compétitions confondues, il a disputé plus de 500 courses et remporté plus de 200 victoires ! Depuis son retrait, Moss était resté longtemps présent dans l'univers du sport automobile, que ce soit comme observateur aguerri et aiguisé de la F1 ou pour piloter en courses historiques, ce qu'il fit régulièrement jusqu'en 2011 avant de réaliser quelques apparitions spéciales, comme ci-dessous en 2015 au volant d'une Silver Arrow pour les 70 ans du triomphe de Mercedes en 1955.
Sir Stirling Moss a rejoint le paradis des pilotes. Sans aucun doute, là-haut, il aura droit à sa couronne.
Leblogauto.com présente ses sincères condoléances à la famille de cet immense champion. In Memoriam vous trouverez l'interview que Cédric avait réalisé de Sir Stirling Moss.
Images : F1, flickr, wikimedia