Le Blog Auto est à l'écoute de ses lecteurs. La semaine dernière, GregM avait suggéré un Souvenirs souvenirs sur la naissance des voitures. Voici donc une histoire illustrée sur ce thème. Les photos sont issues de différents constructeurs et datent de différentes époques, pour montrer que le processus est peu ou prou immuable.
Il faut voir la création d'une voiture comme un entonnoir. Le point d'entrée est vaste, avec beaucoup d'intervenants et des idées floues. Puis, au fur et à mesure, l'entonnoir se rétrécie, une nouvelle voiture émerge et à ce moment-là, le processus devient relativement linéaire, jusqu'à la commercialisation.
Durant les premières années de l'automobile, on ne se pose pas trop de questions. Les ingénieurs créent des voitures en permanence, il n'y a pas vraiment de cycle de vie.
Néanmoins, avec la production à la chaine, l'automobile devient un objet industriel complexe. En 1927, lorsque les ventes de Ford T s'effondrent, Henry Ford arrête purement et simplement ses usines. Puis, une équipe est chargée de créer le nouveau modèle (la A.) Une fois le modèle mis au point, la chaine redémarre. Entre temps, il s'est écoulé 2 années! Personne ne peut se permettre de bloquer son outil industriel pendant autant de temps. Surtout qu'au fil des innovations, le temps nécessaire à la création ne cesse de s'allonger.
Dans les années 30, on voit apparaitre les premiers vrais bureaux de recherche et développement. GM ouvrira la première unité composée exclusivement de designers.
Depuis les années 50, le processus est relativement figé. La seule évolution concerne le temps: le délais de conception a été considérablement réduit. L'époque où on mettait 10 ans pour concevoir une voiture qui se vendrait pendant 20 ans (cf. la DS) est terminé. Désormais, pour pouvoir réagir au marché, les constructeurs se donnent environ 3 ans.
Tout commence par un cahier des charges. Ensuite, les designers créent des croquis plus ou moins réalistes. Puis, les formes commencent à se figer. Chaque proposition doit appartenir à un "univers", lequel correspond à un type de clientèle.
La deuxième étape, ce sont les maquettes. Les maquettes en plâtre, trop grossières, on depuis longtemps laissé place à la glaise. L'avantage, c'est qu'en permanence, on peut la retoucher. Lorsque le projet avance sérieusement, c'est de la maquette pleine à l'échelle 1. Ou plutôt, DES maquettes pleines, car les constructeurs mettent en concurrence plusieurs équipes. Souvent, le design final est un mélange des propositions de ces équipes.
La troisième étape, c'est le prototypage. Il y a d'abord une maquette non-roulante, à l'échelle 1, mais disposant d'un intérieur. Puis il y a un tout premier vrai prototype. De ce prototype découle les véhicules d'essais.
Les premiers essais roulants sont effectués avec des voitures normales sur lesquelles on a greffé des éléments du futur modèle (on parle alors de "mulets".) Les premières voitures d'essais sont lourdement camouflées: le design n'est pas encore tout-à-fait figé. Ils rouleront dans des conditions extrêmes (froid, chaleur, humidité...) Au fil du temps, ils perdent leurs camouflages. D'autres prototypes sont sacrifiés dans les crash-tests. Il y a bien sur aussi des tests d'aérodynamique et des bancs d'essais moteurs. Mais il ne faut pas oublier d'autres tests moins glamour comme l’acoustique ou l'ergonomie.
En parallèle, les ingénieurs doivent s'occuper de la définition du produit: quelles motorisations? Quelles finitions? Quelles teintes? Quels équipements de série? Quelles options? Il y a des aller-retours entre le marketing, l'équipe d'essais et le design. Chacun ayant des désirs différents.
La plupart des constructeurs veulent tester leurs modèles auprès du public. D'où les concept-cars. Dans le groupe Fiat, on teste très en amont, pour valider ou pas un projet (cf. la Fiat 500 ou la Lancia Delta.) Chez Mercedes et Citroën, on présente des concepts équipées de la calandre ou de l'arrière du futur modèle. Chez Peugeot, les concept-cars sont des modèles quasi-définitif que l'on maquille en concept-car pour faire du teasing. Enfin chez Renault, on ne teste généralement que le nom. Quitte à avoir un concept-car avec le nom d'un futur modèle, mais les formes d'un autre (comme Fluence, qui préfigurait la Laguna Coupé.)
Si tout se passe bien, votre nouvelle voiture arrive en production. Le premier exemplaire est le "Job 1", qui doit rôder l'outillage et les méthodes de fabrication. Puis, la première "vraie" voiture sort de chaine.
Au même moment, le modèle effectue ses débuts officiels. Le rite est immuable: lors d'un salon de l'auto, le président ou vice-président fait un discours à côté de la voiture, devant un écran géant sur lequel des chiffres et des maximes défilent. C'est nous qu'on fait la meilleure voiture du monde!
A l'usine, la chaine tourne enfin à plein régime. Le constructeur convoque les journalistes pour une présentation "dynamique" avec discours et surtout, essai de la voiture. L'objectif étant qu'au moment de la parution des journaux, le modèle arrive en concession.
Ca y est, votre voiture est lancée! Au bureau de style, on travaille déjà sur sa remplaçante.
Concevoir une voiture, ça coute très cher. Si possible, les constructeurs préfèrent étirer son cycle de vie. A mi-vie, on lui offre un lifting. Cela va de quelques détails (nouveaux feux, équipements inédits, etc.) jusqu'à des modifications plus profonde (nouvel avant, ajout d'une nouvelle carrosserie...)
Parfois, le nouveau modèle ne remplace pas exactement l'ancien. Alors on prolonge sa vie, quitte à en faire une espèce de zombie. En général, cela concerne les citadines: en commercialisant un modèle obsolète, mais largement amorti, on peut proposer des prix agressifs. Mais tout a une fin, y compris ces voitures...
Crédits photos: Jaguar-Land Rover (photo en une, photos 10 et 21), Audi (photos 1 et 11), Ford (photos 2, 3, 14 et 28), Chrysler (photos 4 et 6), GM (photos 5, 7 et 26), Renault (photos 8 et 19), Citroën (photos 9 et 13), Mercedes (photos 12 et 16), BMW (photos 15 et 17), Fiat (photos 18 et 27), Peugeot (photos 20 et 23), Honda (photo 22), Volkswagen (photo 24), Lifan (photo 25)
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