En ce jour de fête du travail, un sujet illustré sur l'emploi dans l'industrie automobile, à travers les âges, s'impose! Et n'oubliez pas, comme disait Henri Salvador: "Le travail, c'est la santé. Rien faire, c'est la conserver!"Lors des premières années de l'automobile, on fait appel à des ouvriers spécialisés : ébénistes, ferronniers, tôliers, verriers... Chaque voiture est réalisée à la main, avec des pièces uniques. Les Bretons ont une réputation d'être d'excellents artisans et les constructeurs parisiens se les arrachent à prix d'or.
Néanmoins, cette époque sera très brève. Pendant longtemps, la technique progresse si rapidement que d'une année sur l'autre, une voiture se retrouve dépassée. Vers 1905, l'automobile atteint un palier et les constructeurs peuvent réfléchir à une production en série. Les Américains ont la maîtrise de la standardisation et c'est naturellement là qu'apparaît le travail à la chaine. Plus besoin d'ouvriers hautement qualifiés: les paysans arrivés suite à l'exode rural, peu regardants sur la paie, sont parfaits! Les images d'ouvriers en costume travaillant dans des ateliers bien éclairés ne trompent personne. La réalité est proche des Temps Modernes. On construit d'immenses bâtiments. Pour superviser les ouvriers, on emploie d'anciens officiers (car ils sont habitués à "s'occuper de leurs gars".) Face aux revendications, les patrons ont tendance à faire appel à des indicateurs et à des gros bras, pour trouver et neutraliser les meneurs. Mais les états penchent en faveur des ouvriers et le patronat se retrouve avec des obligations en matière de temps de travail, d'hygiène ou de sécurité.
Avec la crise de 1929, les constructeurs américains doivent revoir leur politique. Il ne s'agit plus juste de produire en masse. Il faut écouter la clientèle et anticiper ses goûts. Ils se dotent donc d'un service marketing et de vrais bureaux de design.
Après la deuxième guerre mondiale, les citadins ne veulent plus travailler dans les usines. Ils préfèrent les bureaux, où ils ne sont pourtant guère mieux lotis. A une époque où il n'y a pas d'informatique, les constructeurs sont de grands consommateurs de papier. Les services administratifs sont d'immenses open spaces où résonne en permanence le bruit des machines à écrire et le téléphone. Pour le travail à la chaîne, la nouvelle main d’œuvre serviable et corvéable, ce sont les immigrés. Chaque pays va les piocher dans son pré carré : Afrique pour les Français, sous-continent indien et Caraïbes chez les Britanniques, Europe Centrale et Orientale pour les Allemands, etc. C'est aussi l'ère de l'export. Un PDG qui voyagerait en permanence à travers le monde, c'est mal vu : un patron doit rester auprès de ses ouvriers. Les patrons de filiales étrangères sont surnommés à juste titre les "petits rois". Ils ont une grande autonomie de fait. Les ingénieurs expatriés sont grassement payés et on leur bâtit des villages où ils emménagent avec femmes et enfants.
Par ailleurs, les Trente Glorieuses sont des réflexions sur les "fonctions connexes". Les constructeurs commencent à réfléchir à des moyens de gagner de l'agent sur les achats, la logistique, la qualité ou le contrôle de gestion. Autant de domaines jusqu'ici négligés. Et comme le consommateur est toujours plus exigeant, il faut investir davantage de moyens dans la conception. D'où l'apparition de laboratoires d'essais et des premières recherches sur la sécurité.
A partir de la fin des années 70, les effectifs fondent comme neige au soleil. Il y a bien sur l'impact de la crise de 1973 sur les ventes. Néanmoins, c'est avant tout la conséquence de l'arrivée de l'informatique et de l'automatisation. Les robots peuvent s'occuper des tâches répétitives, dangereuses ou compliqués. Dans les bureaux, les ordinateurs supplantent les bataillons de secrétaires. Les Japonais apportent des méthodes de production où l'on produit plus avec moins d'hommes.
Sous prétexte de se débarrasser de sites vétustes, les constructeurs cassent les bastions syndicaux. Les usines sont déménagées dans des zones moins syndiquées. Notamment dans les anciens pays communistes (quelle ironie!) Avec le développement des moyens de communication et les marchés communs, l'étranger n'est plus lointain. Les constructeurs réfléchissent en "zones géographiques". De plus, leur site-phare, ce n'est plus l'usine principale. Ils préfèrent mettre en avant leurs sièges (comme la "tour 4 cylindres" de BMW) ou leurs centres de conception (comme le Technocentre de Renault.)
Les années 90 marquent une volonté toujours croissante d'externalisation. Qu'il s'agisse de faire appel à des intérimaires et à des prestataires. Mais aussi dans le recours à la sous-traitance dans des fonctions comme le design, la logistique ou même la production de certains modèles de niches.
Aujourd'hui, la plupart des constructeurs appartiennent à de grands groupes, lesquels possèdent des usines et de grands centres de conception répartis sur plusieurs continents. Des ensembles apatrides. L'ouvrier n'apparaît plus qu'en cas de grève ou de fermeture d'usine. La nouveauté, c'est que l'on évoque désormais la souffrance des cadres, qui subissent des pressions et deviennent eux aussi une main d’œuvre jetable.
Crédits photos: GM (photo en une, photos 5 et 20), Ford (photos 1 et 6), Citroën (photos 2, 3 et 11), Mercedes (photos 4, 7, 9 et 16), Lamborghini (photo 8), Renault (photos 10, 18 et 19), Caterham (photos 12 et 14), Red Bull (photo 13), RWB (photo 15) et Rolls-Royce (photo 17)
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