Le 30 juin 1953, les toutes premières Corvette sortaient de l'usine de Flint, dans le Michigan. Le soixantième anniversaire, avec l'arrivée de la "C7", sont autant de raisons pour lui rendre hommage.L'histoire officielle, c'est que la Corvette n'est qu'un concept-car du Motorama 1953. L'accueil est tellement chaleureux que GM décide d'en lancer la production.
L'histoire ne tient pas debout. A cause notamment de la question des délais d'industrialisation. En fait, dans les années 50, GM possède pléthore de bureaux de design. Harley Earl fait ainsi travailler une équipe sur un projet de voiture de sport "à l'européenne". La Glasspar, avec sa carrosserie en fibre de verre, apporte nombre de solutions. Le Français Philippe Charbonneaux aurait tracé les grandes lignes de la carrosserie. Earl possède un produit très abouti. Le nom aurait été trouvé par Myron Scott, en ouvrant le dictionnaire (il cherchait un nom en "C" pour être raccord avec Chevrolet.) Pour l'imposer à GM, il la fait exposer au Motorama. Le public exige la mise en production de la Corvette et voilà GM devant le fait accompli.
Si le plumage est très sportif, le ramage l'est moins. Pour des raisons de coût, la Corvette repose sur un châssis de Chevrolet 1952. Le moteur est donc le modeste 6 cylindres 3,9l "Blue Flame", poussé à 150ch. Mais les fées se sont penchées sur elle ! Zora Atkus-Duntov (ingénieur et pilote à ses heures), Bill Mitchell (futur successeur d'Earl et partisan d'un design moderne), Chuck Jordan (successeur de Mitchell), Peter Brock (futur bras droit de Carroll Shelby) et Larry Shinoda (passionné de rods et proche de Jordan) sont autant de partisans d'une Corvette plus sportive. Cette bande crée des prototypes (dont certains courront) et la voiture évolue radicalement. En 1955, elle passe au V8 (comme les autres Chevrolet), puis, en 1957, elle s'offre une carrosserie plus virile, avec des moteurs toujours plus nerveux. A partir de 1959, l'ex-gentillette voiture de sport "à l'européenne" est désormais une grosse GT débordant de chevaux. A partir de 1961, elle s'offre déjà un arrière à 4 feux ronds, annonçant la C2.
La C2 (1963) est l'aboutissement logique des concept-cars de la fin des années 50. La Mako Shark I (1961) possède des formes quasi-définitives. La Sting Ray (en deux mots) est la première Corvette disponible en coupé. Elle introduit également les phares sous trappe, les 4 disques de frein et le moteur big block 360ch. La production est transférée à Saint Louis, dans le Missouri. Atkus-Duntov n'aime pas la vitre arrière en deux parties et dés 1965, elle passe à une vitre monobloc (mais plus petite.)
Atkus-Duntov songe à faire de Corvette une marque à part. Le chef de projet planche sur une monoplace d'Indycar, la CERV I. Puis sur une vraie voiture de compétition, la Grand Sport. L'entente de l'AMA (les 3 grands) sur la non-participation officielle à une compétition tue dans l’œuf le projet. La Corvette devra se contenter d'engagements privés en endurance, même lorsque Ford déchire l'accord, puis se lance au Mans, en F1 et en Indycar.
La C2 sera la génération qui aura la durée de vie la plus courte. Dés 1965, avec le concept-car Mako Shark II, Mitchell dit tout haut qu'il travaille à une remplaçante. La C3, alias Stingray (en un mot), arrive en 1968. Plus encore que la C2, elle définit le "vocabulaire" stylistique des Corvette: moteur central avant, capot plongeant, porte-à-faux arrière court, bulle de vitre arrière et 4 phares ronds. La course à l'armement se poursuit. Divers moteurs sont proposés: le V8 tout-alu LT1 (1969) offre 430ch et le big block LS6 (1970), 450ch. Et pour ceux qui veulent encore plus de chevaux, il y a de nombreux préparateurs, comme Baldwin Motion. Elle est la muscle car ultime.
La C3 débarque en masse en endurance. L'acteur James Garner s'offre un lot de voitures, dont l'une termine 3e des 24h de Daytona 1969. En France, "Titi" Greder aligne des voitures au Mans. Mais John Greenwood ira encore plus loin: il exploite le règlement, avec ses monstrueux prototypes à peau de Corvette.
La crise pétrolière n'épargne pas la Corvette, loin s'en faut. Il faut d'abord diminuer la puissance des V8. Puis, les normes de sécurité entrainent la fin du cabriolet. Il est remplacé par un roadster à "T-top". En 1974, elle reçoit un lifting: exit les chromes; les boucliers sont intégrés à la carrosserie (d'où des lignes plus carrées.) La bulle arrière est mobile et la C3 dispose enfin d'un coffre! En 1978, pour les 25 ans, une voiture mène la danse à Indianapolis. Une première dans l'histoire de la Corvette. En 1982, elle quitte la scène avec la Collector's Edition. Cette voiture introduit la boîte automatique à 4 rapports (contre 3 jusqu'ici!).
Chez GM, on se pose pas mal de questions. Le V8 a-t-il fait son temps ? Faut-il passer au moteur central, comme sur les autres GT ? Le concept-car XP-882 (1969) dispose d'un V8 central arrière. Arkus-Duntov et John Z. DeLorean veulent explorer cette voie. La XP-895 (1973) s'offre un quadri-rotor. Puis, elle reçoit un V8 et devient Aerovette (1977.) L'Aerovette est censée préfigurer la C4. Mais Dave McLelan (qui succède à Arkus-Duntov) n'y croit pas. En prime, Bill Mitchell (un autre avocat du moteur central arrière) prend sa retraite. La C4 gardera donc un moteur à l'avant.
La C4 fait hurler les fidèles. C'est la voiture de la "malaise era". Son V8 L83 ne développe "que" 250ch. Et encore: un 4 cylindres était à l'étude. Les exemplaires de pré-série sont bio-dégradables et la boîte manuelle est médiocre. Autant de défauts (parfois exagérés) qui ruinent sa réputation. On la voit comme la voiture du quinqua à moumoute qui tente de faire la sortie de la fac... En 1988, un second pace-car d'Indianapolis sert de prétexte au lancement du roadster (le premier vrai cabriolet depuis 1973.) Surtout, GM s'appuie sur Lotus (dont il est propriétaire) pour créer la ZR1 (1989.) Cette Corvette vitaminée développe 345ch, puis 450ch, accouplé à une boîte ZF à 6 rapports (une première mondiale.) De quoi redorer le blason de l'ensemble de la gamme.
Le concept de Corvette à moteur central arrière ressurgit. La Pontiac Fiero doit défricher le terrain. C'est un flop, mais ça n'empêchera pas les concept-cars Corvette Indy et CERV III. Malgré des retours enthousiastes, Chevrolet restera fidèle au moteur central avant.
Notez enfin que grâce à l'alliance de Reeves Callaway et Rocky Agusta, la Corvette revient au Mans, au milieu des années 90. Par ailleurs, la C4 est synonyme d'un deuxième déménagement de la production, à Bowling Green, dans le Kentucky (où elle est encore produite aujourd'hui.)
GM s'est endormi sur ses lauriers. Lorsque la C5 sort, en 1997, elle n'est plus incontournable. Pour le tuning et les runs sauvages, les jeunes préfèrent les japonaises (Mazda RX-7, Nissan 300ZX, Toyota Supra...) Quant à ceux qui ont la bannière étoilée tatouée sur le cœur, ils roulent en Viper. La 'Vette a pourtant progressé en matière de rigidité, de finition et de motorisations. Pour se replacer, GM commence par refournir des voitures comme pace-car d'Indianapolis. Puis il décide de mettre le paquet sur l'endurance. Le Team Cadillac fera long feu. En revanche, le Corvette Racing balaye les Viper des deux côtés de l'Atlantique. Le point d'orgue étant la victoire aux 24 heures de Daytona 2001. Chevrolet découvre aussi l'importance de l'export et la C5 tente sa chance hors du territoire US.
Chevrolet se réveille réellement avec la C6 (2005.) Avec le retour de la Camaro, elle peut se repositionner sur l'exclusivité. Esthétiquement, on remarque surtout le retour aux phares fixes. La révolution est plutôt du côté du marketing: pour rajeunir l'image, il faut créer le buzz en permanence. Teasing, vraies-fausses photos volées... Il faut faire parler de soit! La marque au "+" nous fait le coup avec la Blue Devil (2006), puis la ZR1 (2007), la Grand Sport (2010) et la Z06 Carbon Edition (2010.) Sans oublier la Ron Fellows Edition (2008), au lancement plus classique, mais qui permet de capitaliser sur la présence en GT. La C6 a aussi droit à l'inévitable mise au point sur le Nürburgring. Tout cela porte ses fruits avec une image dépoussiérée aux Etats-Unis.
Avec la C6, GM poursuit son engagement officiel en endurance. Chevrolet est également présent en Grand-Am avec la Corvette Prototype (une Daytona Prototype à la carrosserie évoquant vaguement une C6.) C'est la première Corvette à moteur postérieur de compétition.
Encore une fois, tel un serpent de mer, GM s'interroge sur le moteur central arrière.
Et donc, aujourd'hui, la C7, dite Stingray, entre en scène. Elle n'a que peu à voir avec le concept-car de 2009 (qui est davantage un hommage à celle de 1963.) Là encore, le constructeur nous met l'eau à la bouche et il s'appuie sur les nouveaux médias (avec une apparition dans Gran Turismo 5.) Preuve de l'intérêt pour l'export, elle est disponible avec la conduite à droite (ce qui est inédit.)
Crédits photos: GM, sauf photo 3, ainsi que photos de la galerie N°8, 20 et 21 (SEMA Show), ainsi que photo N°18 (Macao GP.)
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