La saga de l'été se penche aujourd'hui sur une étonnante italienne "made in France". Dans les années 50, l'Italie revit grâce au "miracle économique" et sa population commence à se motoriser en masse. Piaggio affiche de grandes ambitions en dévoilant la Vespa 400, mais une rivale nommée Fiat 500 ne l'entend pas de cette oreille.
Après la guerre, l'Italie connaît comme tous les pays développés une explosion démographique. Les métropoles ne sont pas encore autant congestionnées qu’aujourd’hui mais les problèmes de mobilité commencent déjà se faire sentir, dans un pays surpeuplé qui frôle les 170 habitants au Km², soit presque le double de la France à cette époque. La société de consommation et de loisirs ouvre grandes ses portes aux Italiens, particulièrement aux jeunes citadins des couches moyennes qui s'équipent en scooter Vespa et Lambretta mais voudront bientôt accéder à la voiture. De 1958 à 1970, le parc automobile Italien va passer de 700 000 à 5 millions de voitures, un marché que s'arrachent les constructeurs.
La guêpe peut-elle piquer la 500 ?
A partir de 1953, Piaggio développe son projet de microcar, baptisé 4R, dans le plus grand secret. Le 26 septembre 1957, soit deux mois et demi après la Fiat 500, la Vespa 400 est présentée à Monaco puis au Salon de Paris. Plus compacte encore que la turinoise ( 2,85 m de long contre 2,97; 1,27 de large contre 1,32; 1,25m de haut contre 1,32), la 400 propose une bouille sympathique, tout en rondeurs, et embarque un moteur 2 temps de 393cc qui fonctionne avec un mélange essence (98%)-huile(2%). Une petite pompe à manivelle est placée sous le capot pour permettre au conducteur d'effectuer le bon mélange, mais une version "luxe" embarquera un mélangeur automatique deux ans plus tard ! La transmission est à 3 rapports et les 4 roues ont des suspensions indépendantes. La Vespa ne délivre que 14 petits chevaux mais, grâce à un poids plume (100 kilos de moins que la 500), elle se permet d'atteindre les 80/85 Km/h.
Tout a été pensé pour la simplicité d'utilisation et d'entretien, puisqu'il ne faut dévisser que 3 boulons pour extraire le bloc moteur. La vocation économique de la Vespa 400 ne peut être dissimulée, avec des sièges avant constitués de simples cadres métalliques tubulaires avec une garniture en tissu, des portes à charnières arrière recouvertes d'un mince revêtement en plastique et une instrumentation très basique avec seulement un compteur de vitesse et des voyants d'avertissement. Les espaces de rangement sont assez réduits, avec un tiroir astucieusement dissimulé derrière la fausse calandre avant. Le toit est surmonté d'une capote escamotable, mais tous les modèles ne disposent pas de vitres coulissantes !
Européenne avant l'heure
Le lancement est plutôt réussi sur le plan marketing. La facilité de conduite, le petit côté chic de sa carrosserie tricorps,le chauffage en série en font une voiture attirante, notamment pour une clientèle féminine en quête d'émancipation. L'accueil presse est favorable, louant l'espace à bord et le faible niveau sonore de la guêpe à 4 roues, même si la consommation, assez élevée, apparaîtra comme un de ses talons d'Achille. Piaggio s'offre même les services de Fangio pour effectuer un périple à travers les Alpes et vanter le confort de la 400 !
Seulement, en Italie, le poids de FIAT et de sa 500 vont barrer la route à la Vespa. Le géant turinois met la pression sur les sous-traitants pour mener la vie dure à cette potentielle rivale du "pot de yaourt". Qu'à cela ne tienne, Piaggio se rabat alors sur le constructeur ACMA, une filiale basée en France dans la Nièvre, près de Fourchambault, qui produit depuis quelques années des Vespa et Ape sous licence. Ironie de l'histoire, la Vespa délocalise donc sa production à l'étranger l'année même, où, à Rome, est signé le traité donnant naissance à la CEE et impulsant le marché commun...
Pas le bon marché.
Piaggio renonce à importer sa Vespa 400 en Italie, face à la toute puissance de la FIAT et aux taxes douanières qui l'auraient rendue bien trop chère. Mais en France, le segment de la Microcar est bien moins porteur que chez nos voisins transalpins. La 400 a d'indéniables qualités routières, mais Malheureusement pour elle, les concurrentes tricolores se nomment 2CV, Dauphine et autres SIMCA 1000. Plus grandes, plus puissantes, mieux équipées, elles correspondent davantage aux goûts et aux besoins des français. Ainsi, alors que Piaggio tablait sur une production de 30.000 modèles par an, ce chiffre ne sera atteint qu'au bout de 5 ans, avant que la production ne cesse en 1961.
Sources et images : ma-vespa-400.com, wikimedia commons, flickr, Piaggio