Rétro F1 1995 - Canada : Jean Alesi, enfin !
par Nicolas Anderbegani

Rétro F1 1995 - Canada : Jean Alesi, enfin !

Une victoire en grand prix, même une seule, beaucoup de pilotes s'en contenteraient. Mais pour Jean Alesi, les occasions manquées furent si nombreuses, que le triomphe de Montréal fut vécu comme une délivrance.

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Les sirènes rouges

Le "chat noir", Jean Alesi l'a longtemps traîné dans sa monoplace, ce qui, comme une double peine, donna du grain à moudre aux Guignols pour en faire leur "tête de turc".

Après ses sensationnels débuts au Castellet en 1989, il confirme l'année suivante les espoirs placés en lui, en livrant un duel homérique face à Ayrton Senna dans les rues de Phoenix. Très vite, l’avignonnais tape dans l’œil de plusieurs directeurs d’écurie, et pas des moindres, puisque Frank Williams l’approche et lui fait signer en début de saison 1990 un pré-contrat pour 1991. Or, Williams mise sur plusieurs chevaux à la fois et convoite également Senna. L’officialisation du contrat traînant la patte, et craignant d'être le dindon de la farce des transferts, l’impulsif Jean Alesi, conseillé par Nelson Piquet, répond aux sirènes de Ferrari et s’engage finalement avec le cheval cabré pour 1991. Un choix qui ne se révèle pas payant maintenant que l’histoire est connue, mais les choses sont ainsi faites. Avec des si… Jean va malgré tout entrer dans la légende de Ferrari.

Malheureusement, son arrivée au sein de la Scuderia coïncide avec la pire période de l’histoire de l’écurie : Ferrari est minée par des guerres intestines de pouvoir consécutives à la disparation du Commendatore et les crispations sont de plus en plus fortes entre Alain Prost et Cesare Fiorio, le directeur sportif. Si vous ajoutez la pression absolue exercée conjointement par la presse et les tifosis, ainsi qu’une direction technique qui se fourvoie totalement, la coupe est pleine. Dans cette atmosphère stressante d’intrigues et de révolution de palais, Alesi tient bon sous l’orage, mais les saisons 1991, 1992 et 1993 sont particulièrement éprouvantes. Le français porte la Scuderia à bout de bras en piste et ramène quelques beaux podiums, en dépit de monoplaces peu compétitives et rarement fiables.

La poisse d'Alesi

L’arrivée de Jean Todt à la direction et le retour de John Barnard à la barre technique portent leurs fruits dès 1994, avec une 412 T1 encore capricieuse mais puissante et rapide. Et pourtant, la malchance s’acharne contre Alesi, qui désespère de remporter un jour une victoire. Parfois, il es vrai, son impétuosité lui joue des tours, mais c'est souvent la mécanique qui le trahit. En 1991 déjà, ses espoirs s’étaient évanouis à Spa, à une dizaine de tours du but, alors qu’il menait largement devant Senna.

En 1994, à Hockenheim, il part en première ligne mais son moteur coupe dès la 1ère ligne droite, laissant à Berger le soin de faire renouer Ferrari avec le succès après 4 ans de disette. La même année, il signe une pole mémorable à Monza devant des tifosis en extase et mène facilement le début de course, lorsque la transmission le lâche au moment du pit-stop. Un crève-cœur, qui le mène à quitter illico le circuit, à sauter dans son Alfa Romeo pour rentrer d’une traite à Avignon, sans un mot pour les médias.

En 1995, la 412 T2 est bien née, mais Alesi a toujours un chat noir dissimulé dans sa monoplace. En Espagne, il navigue en 2e position quand son moteur explose dans un gigantesque panache de fumée. Un journaliste lui demandera néanmoins si ça vient du moteur…Il tient une superbe 2e place à Monaco, quand son « ami » Martin Brundle, à qui il prenait un tour, rechigne à le laisser passer et part en tête à queue sous son nez à la piscine. Alesi ne peut rien et percute le rail.

Enfin la bonne

Arrive le grand prix du Canada, le 11 juin 1995, le jour de ses 31 ans. Comme d'habitude, Schumacher sur la Benetton-Renault est favori. 5ème sur la grille, Alesi a un bon rythme. Au fil des tours, les choses se décantent sur une piste en partie mouillée, où les talents de funambule d’Alesi s’en donnent à cœur joie : Coulthard s'envoie en l'air tout seul...puis Jean Alesi passe Damon Hill de façon magistrale à l'épingle. Le voilà second derrière l'intouchable Schumacher. Il reste une dizaine de tours quand soudain, l’Allemand rentre au ralenti au stand ! que se passe-t-il ? souci électrique, il faut changer le volant ! Alesi prend la tête, tandis que Schumacher repart mais loin, trop loin pour le rattraper en quelques tours. Il reste 9 tours...9 interminables tours, où chacun se demande ce qui va encore lui arriver. Son équipier Berger, en fond de classement, a la « bonne idée » de sortir Brundle de la piste, alors qu’Alesi se rapprochait d’eux pour leur prendre un tour…c’est déjà ça de fait. L’avignonnais tient bon, et pourtant l’émotion est si forte. Il faut garder son calme.

Et finalement, non, il n’y aura pas cette fois-ci de problème, le chat noir était resté aux stands ! Pour son 95e GP, Alesi franchit la ligne d’arrivée en vainqueur ! Comme un symbole, il triomphe sur une Ferrari frappée du numéro 27, le même que celui du héros local Gilles Villeneuve, un autre funambule qui avait en son temps enthousiasmé les tifosis et donné son nom au circuit de Montréal après sa mort tragique en 1982. Joli clin d’œil ! Sur la piste, les tifosis envahissent le circuit…alors même que la course s’achève et que certaines voitures n’ont pas terminé leur dernier tour. Dans son tour d’honneur, Alesi tombe en panne d’essence à l’épingle. Il sort de la monoplace et salue une foule totalement acquise à sa cause. Grand seigneur, Schumacher le prend en stop sur le capot de sa Benetton (brûlante, ce qui explique sur les vidéos pourquoi Alesi a du mal à s’asseoir). L’ambiance est délirante, la Marseillaise déchirante, le moment inoubliable ! Le fête en Avignon n’en fut que plus intense encore.

Pourtant, malgré de nombreux podiums, Alesi ne goûtera plus aux joies de la victoire. Toujours en 1995, à Spa, il prend la tête après une belle passe d’armes avec Herbert et imprime un rythme d’enfer, quand la Ferrari le lâche au bout de quelques tours…A Monza, encore en 1995( sa meilleure saison sans doute en performance), après que Hill et Schumacher se soient éliminés dans un accrochage et que son équipier Berger ait vu sa suspension cassée par…une caméra détachée de sa monoplace ( !!!), l’avignonnais file vers une belle victoire quand, à 8 tours du but, un roulement de roue prend feu…oui, un truc qui arrive une fois par siècle. En 1996 encore, la victoire lui échappe à Monaco sur rupture de suspension, alors qu’il mène largement devant Panis, et il ratera encore à deux reprises la victoire à Monza en 1996 et 1997 à cause de stratégies de ravitaillement mal exécutées.

La victoire du français à Montréal était également la toute dernière d'un moteur V12, puisque Ferrari passera au V10 en 1996. Le panache de Jean Alesi a souvent été mal récompensé, mais cette victoire restera comme un grand souvenir ! Certes, le manque de réussite de Schumacher l’a bien aidé sur ce coup-ci, mais c’était un juste retour des choses après tant d’occasions injustement perdues !

Images : flickr, wikimedia

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Pour résumer

Une victoire en grand prix, même une seule, beaucoup de pilotes s'en contenteraient. Mais pour Jean Alesi, les occasions manquées furent si nombreuses, que le triomphe de Montréal fut vécu comme une délivrance.

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