Fondée en 1988, l'équipe Paul Stewart Racing rencontre un énorme succès en Formule 3 et F3000 et moins de dix ans plus tard, elle fait le grand saut de la Formule 1. Avec le grand Jackie Stewart aux commandes, le Stewart Racing peut compter sur un moteur Ford usine et un budget confortable, avec le réputé Alan Jenkins à la direction technique.
Les deux premières saisons, hormis le rocambolesque grand prix de Monaco 1997 achevé à la 2nde place par Barrichello, ont été très décevantes, la faute à une fiabilité douteuse. Mais en 1999, la voiture est bien née, Ford s'investit de plus en plus (rachat de cosworth, développement d'une boite en magnésium) et fournit un nouveau V10 CR-1 de très bonne facture, moins lourd de 15 kilos et plus puissant de 50 chevaux par rapport au précédent ! L'équipe peut compter aussi sur un duo Rubens Barrichello-Johnny Herbert très solide. Fort de ce package, les voitures blanches se qualifient régulièrement dans le top 6, Barrichello signant deux podiums en Argentine et au Canada, ainsi qu'une pole position en France !
Arrive le grand prix d'Europe sur le Nürburgring, 14e manche d'une saison 1999 totalement folle. Alors que la saison annonçait un 2e round homérique entre Mika Hakkinen et Michael Schumacher, la blessure de ce dernier à Silverstone a jeté un froid sur la compétition. Tout le monde prédit alors un cavalier seul du finlandais...mais la suite de la saison ne se déroule pas comme prévu : Eddie Irvine, propulsé malgré lui leader de Ferrari, parvient à rester dans la course au titre, alors que Hakkinen est poursuivi par une malchance chronique : accrochage avec son équipier en Autriche, explosion de pneu en Allemagne et une faute à Monza alors qu'il avait course gagnée ! Résultat, Hakkinen et Irvine arrivent au Nürburgring avec le même nombre de points, et seulement 10 unités d'avance sur un étonnant Heinz-Harald Frentzen qui, avec sa Jordan, pourrait s'inviter dans la course au titre ! David Coulthard, à 12 points de son leader chez McLaren, peut aussi garder espoir.
Frentzen confirme ses prétentions en décrochant la pole position, devant les McLaren de Coulthard et Hakkinen, tandis que Ferrari est à côté de la plaque, Eddie Irvine ne pointant qu'en 9e position. Le 1er départ est annulé suite au mauvais placement de deux monoplaces et un nouveau tour de formation est effectué. Au bon départ, Frentzen conserve l'avantage mais dans le paquet du peloton, c'est la pagaille et la Sauber de Pedro Diniz part en tonneaux. L'arceau de sécurité de la monoplace est totalement arraché par l'impact mais le brésilien s'en sort miraculeusement indemne. La safety-car est évidemment déployée.
Frentzen mène le 1er quart de course avec les McLaren à ses basques, tandis que Irvine remonte à la 5e place après un dépassement musclé sur la Benetton de Fisichella. Vers le 20e tour, la pluie commence à tomber sur certaines portions du circuit et Hakkinen choisit de rentrer aux stands pour passer les pneus pluie. Trop tôt ? Les autres insistent en piste, alors que Ferrari réalise successivement et inhabituellement deux arrêts catastrophiques : 38" pour Salo et 28" pour Irvine, les mécaniciens semblant hésiter sur le type de gommes à installer ! l'irlandais repart finalement en slicks, mais c'était la cacophonie dans le pit Ferrari.
C'est bien une grossière erreur pour Hakkinen, car la pluie n'a été que passagère et la piste sèche. Mauvais choix de pneus chez McLaren ! Il roule 6 à 7 secondes plus lentement avec des pneus inadaptés, plongeant à la 14e place après s'être fait passer par Irvine ! Hakkinen repasse logiquement aux stands pour rechausser des slicks mais il est presque à 1 tour des leaders Frentzen, Ralf Schumacher et Coulthard qui se battent comme des chiffonniers.
Au 32e tour, Frentzen et Coulthard s'arrêtent aux stands et repartent ensemble...mais à la sortie du 1er virage, la Jordan de l'Allemand s'arrête net, sur panne électrique ! Désastre pour l'équipe irlandaise et son pilote, qui tenaient une occasion en or de se rapprocher de la tête du championnat ! La pluie se remet à tomber...et au 38e tour, c'est Coulthard qui sort de la piste ! L'écossais a tiré tout droit sur un freinage glissant et sa Mclaren est aller se ficher doucement mais surement vers la barrière de pneus. Là aussi, l'écossais laisse filer une occasion parfaite...C'est désormais Ralf Schumacher avec la Williams qui mène, devant Fisichella, la Stewart de Herbert et la Prost de Trulli ! Irvine est 9e, Hakkinen 10e.
Après le 2e arrêt de Ralf Schumacher, Fisichella hérite de la tête...mais sort au 49e tour et abandonne ! Le frère de Michael, sur la Williams-Supertec, récupère donc le leadership...avant de crever dès le tour suivant ! C'est la roulette russe sur cette course ! Et Johnny Herbert, qui est passé à travers les embuches et a profité d'un excellent timing stratégique de son équipe, se trouve 1er ! Derrière, c'est le crève-cœur pour Minardi et Luca Badoer, qui naviguait à une incroyable 4e place, avant que sa boite de vitesses ne lâche à 13 tours du but. A une époque où seuls les 6 premiers marquaient, ces points valaient de l'or...Badoer fondit en larmes car ses premiers points lui échappaient.
Herbert n'est jamais rattrapé. Il signe sa 3e victoire en grand prix et un incroyable succès pour Stewart, qui terminera la saison devant Williams au classement constructeur, excusez du peu ! Barrichello a tout tenté pour offrir le doublé, mais il échoue dans les échappements de la Prost de Jarno Trulli, qui s'est défendu comme un beau diable pour sauver ce podium également inespéré pour l'équipe française. Dans les derniers tours, Hakkinen a fait craquer Irvine à la chicane et l'a passé pour la 6e place, avant d'avaler la Minardi de Marc Gene et de terminer au final 5e. Le finlandais peut s'estimer heureux de repartir de ce GP avec deux points de plus que son rival qui n'est que 7e !
Pour Stewart, cette victoire sonne pourtant comme un cadeau d'adieu. Ford rachète le team fin 1999 pour le transformer en Jaguar Racing, mais l'aventure se terminera quelques années plus tard sur un terrible constat d'échec. Jaguar revendra alors la structure à...Red Bull.