Par définition, toutes les Talbot ont eu une carrière écourtée, suite à des ventes décevantes. Néanmoins, dans le lot, la Tagora restera comme LE flop de la marque de Poissy. Une de ces voitures qui ne sait pas qui elle est et pourquoi elle est là. Cet exemplaire vert (immatriculé "HS", ça ne s'invente pas!) est l'une des très rares survivantes.
Lorsque PSA rachète Chrysler Europe, la "C9" est l'un des rares projets dans les tuyaux.
Il s'agit d'une remplaçante de la Chrysler 180/2 litres (alias "big Bertha" outre-Manche.) Chrysler UK a créé une grande berline inspirée par la SM. La maison-mère, à Detroit, fait relooker la voiture dans un style plus classique (mais néanmoins très moderne pour l'époque.) Côté moteurs, le vieux 2,2l 115ch est du voyage. Mais, suite à des accords avec Mitsubishi, la version haut de gamme doit recevoir un 6 cylindres-en-ligne (NDLA: je n'ai trouvé aucune trace d'un tel moteur chez le constructeur japonais.)
Et donc, en 1979, PSA récupère le bébé. Le souci, c'est que la C9 concurrence directement la nouvelle Peugeot 505... Et qu'elle ringardise la conservatrice 604 (qui pèse 200kg de plus.) En prime, Talbot a surtout urgemment besoin d'une citadine. La Sunbeam disparait des concessions (peu après son titre en rallye) et la Samba se fait désirer...
Pour autant, le projet est trop avancé pour être abandonné. Du coup, PSA traine les pieds. La voiture est présentée au salon de Paris 1980, sous le nom de "Talbot Tagora". Le 6 cylindres Mitsu est remplacé par un V6 PRV, tandis qu'une version turbo-diesel est dévoilée.
La présentation presse n'a lieu que fin 1981. Les premières Tagora 2,2l n'arrive en concession qu'en 1982. Pour le V6 et le turbo-diesel, il faut patienter jusqu'en 1983.
Grande berline, la Tagora est a priori la plus proche des Talbot d’antan. Le problème, c'est qu'elle ne sait pas trop qui elle est. Son style intérieur et extérieur est très design, mais son 2,2l est bon pour la retraite et c'est une propulsion. Elle joue les "popu" avec sa 5e "fiscale", mais il lui manque une version d'attaque (comme la 505), obligatoire en ces temps de deuxième choc pétrolier. Enfin à 62 200 francs, en version de base, elle se retrouve face aux versions haut de gamme de la 505 et à une BMW 518i plus statutaire.
L'essai de l'Auto-journal d'une 2,2l GLS est mi-figue, mi-raisin. Pas de gros défauts, mais pas non plus de grandes qualités.
Pour être rentable, Talbot devait vendre 60 000 Tagora par an. Or, il ne se vend que 15 687 unités en 1981. Les gens ont d'autant moins envie de signer un chèque que le site de Poissy commence à être entrainé dans un cercle vicieux (chute des ventes, donc menace de licenciements, donc grève, donc chute des ventes, etc.) En juillet 1983, après 20 133 voitures, la Tagora quitte le tarif.
Depuis, comme elle est mal-aimée, les prix se sont effondrés. Ainsi, elle fait le bonheur d'happy few qui profitent d'une grande berline bien équipée à petit prix.
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