Elle n'a jamais couru, épisode 22 : Dome F105
par Nicolas Anderbegani

Elle n'a jamais couru, épisode 22 : Dome F105

Au milieu des sixties, Honda fit entrer le Japon dans le monde de la Formule 1, avec deux victoires avant de n'y revenir, avec le succès que l'on sait, que dans les années 80. Derrière ce porte-étendard, d'autres petits projets 100% japonais tentèrent l'aventure dans les années 70 comme Maki, qui ne parviendra jamais à se qualifier, et, plus célèbre, Kojima, qui aurait pu exploiter davantage le potentiel de leurs belles monoplaces. Dome a tenté le coup à son tour à la fin des années 90, mais les temps avaient changé.

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De Toyota à Honda

Minoru Hayashi commence dans les années 60 en modifiant des Honda, puis ambitionne dans les années 70 de devenir un constructeur à part entière avec la fondation de la société Dome, un terme signifiant "rêve d'enfant" en japonais. C'est ainsi qu'est présenté le futuriste prototype Dome Zero en 1978, qui malheureusement n'aura jamais l'homologation pour entrer en production. Dans les années 80, Dome se focalise sur les voitures de course, en construisant ses propres monoplaces de Formule 3 (trois titres japonais et une victoire au GP de Macao 1981) et surtout en concluant un partenariat privilégié avec Toyota TOMS pour le développement de modèles de compétition : d'abord la Celica Turbo Groupe 5 puis la série des prototypes type 80 du Groupe C et de l'IMSA GTP. Néanmoins, à la fin des années 80, l'association avec Toyota prend fin et Dome se rapproche de Honda.

Un projet très national

Disposant de moyens importants pour l'époque (soufflerie, centre de CAO) le constructeur s'engage dans la F3000 japonaise, alias la Formula Nippon (l'ancêtre de la Super Formula actuelle) et construit ses propres châssis propulsés par un moteur Mugen Honda. C'est le tremplin idéal pour ensuite sauter le pas. Le succès est au rendez-vous en 1994 quand Marco Apicella remporte le titre japonais sur une Dome F104. C'est ainsi qu'en 1995 naît le projet d'engagement en Formule 1, avec la conception de la F105.

Dome peut compter sur le renfort de Tadashi Sasaki, transfuge de Minardi, qui ambitionne de défier les Européens sur leur terrain. On peut y voir une envie de revanche, car Sasaki n'a sans doute pas digéré le "système Briatore": le manager italien, qui venait de racheter Ligier pour transférer le V10 Renault vers Benetton, avait chipé le moteur Mugen Honda à Minardi pour motoriser Ligier, alors que la petite équipe italienne avait déjà commencé à produire les pièces de sa monoplace 1995 dessinée autour du bloc japonais ! Minardi avait du alors se rabattre en urgence sur un V8 Ford..

Pour gagner du temps, Sasaki apporte avec lui la boîte de vitesses semi-automatique X-Trac (la même que cella prévue sur la mort-née DAMS) et les systèmes hydrauliques achetés à Minardi, tandis que Mugen est prêt à fournir son V10 (690 CV à 15800 trs/min), le même que celui des Ligier. Un partenariat de pneus est annoncé avec Goodyear, mais la polémique ne tarde pas à éclater lorsque le manufacturier américain soupçonne Dome d'être un partenaire-espion au profit du manufacturier japonais Bridgestone, qui prépare son entrée en F1 en 1997. La rumeur dit aussi que Dome serait le poisson-pilote de Honda pour son retour en F1, mais le projet s'avèra 100% indépendant.

La galère des essais

La voiture, tout de blanc vêtue, est achevée en mars 1996. La F105 est d'une conception moderne mais simple, avec un nez haut, un capot moteur court et des amortisseurs fournis par Showa. Le design est en tous cas joli à regarder. Les pilotes d'essai sont Marco Apicella (dont la carrière en F1 se résuma à 200 mètres parcourus au GP d'Italie 1993) et les pilotes estampillés "Honda" Shinji Nakano et Naoki Hattori. Les premiers roulages ont lieu su le circuit de Mine, au Japon, mais les premiers retours montrent des soucis de tenue de route, d'aérodynamisme et de freinage (ça fait beaucoup). Des problèmes récurrents de fuite d'huile et un incendie sur la F105 retarde le programme et le manque de financement oblige Dôme à renoncer à son programme de tests sur des circuits européens, qui était envisagé pour l'été.

Le verdict de Suzuka

Une nouvelle séance d'essais réalisée en septembre à Mine réalisée par Nakano se montre encourageante : on constate des progrès dans la tenue de route et l’aérodynamisme, même si les chronos sont similaires à ceux des Formula Nippon (dont les performances néanmoins approchaient à l'époque les Formule 1 de fond de grille). En fin d'année, après le grand prix du Japon, Dome effectue un test à Suzuka. Nakano n'étant pas disponible, Katayama est approché sans succès et c'est finalement Naoki Hattori (qui avait échoué à se préqualifier avec Coloni en 1991) qui s'y colle. Sur le toboggan de Suzuka, il établit un temps de référence de 1'46"...à 8 secondes de la pole position de Damon Hill ! Certes, Hattori n'est pas un foudre de guerre. Certes, vu le climat de méfiance avec Bridgestone, les pneus fournis par Goodyear n'étaient pas les plus performants et les plus récents, mais l'écart semble bien trop grand !Des images rares des tests :

Honda siffle la fin de la partie

Face à ces multiples problèmes, et constatant qu'un projet 100% japonais a du mal à se financer, Dome renonce à s'engager pour la saison 1997 et table sur une arrivée en 1998. Shinji Nakano pour sa part est placé chez Prost GP. Plusieurs facteurs vont finalement faire capoter le projet : le changement de règlementation rend la F105 obsolète et impose de concevoir une nouvelle monoplace, alors que les financements manquent. Des négociations avec l'investisseur nigérian Malik Ado Ibrahim échouent, ce dernier choisissant finalement Arrows. Et surtout, à partir de 1998, Honda prépare activement son retour en F1 et travaille initialement sur un projet 100% usine. Un châssis, le RA099, est conçu par Harvey Postelthwhaite et débute ses essais en 1999.

En 1999, Dome effectue un ultime roulage. Honda décide finalement de revenir en F1 comme simple motoriste, et signe un accord de fourniture avec BAR pour la saison 2000 qui force Mugen à se retirer de la discipline. Un repli sur Cosworth est envisagé mais les sponsors ne suivent pas. Tous ces éléments ne laissaient plus de place pour Dome, qui abandonne définitivement la F1 se reporte sur les sport-prototypes au début des années 2000.

Le grand ménage a fait son œuvre. Les années 90, avec l'inflation des coûts et la mainmise des grands constructeurs, condamne définitivement les "petites équipes" en F1. 10 ans plus tôt, cela aurait peut être marché. Simtek, Forti, Pacific n'ont pas survécu au-delà de quelques saisons, et Dome n'aura pas concrétisé son rêve d'enfant...

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Anecdote étonnante, et qui révèle à quel point ce projet "national" Dome suscitait de l'enthousiasme localement, deux jeux vidéo dédiés, commercialisés uniquement au Japon, sortirent en 1996 et 1998 ! Dōmu no Yabō: F1 GP Nippon no Chōsen puis Dōmu no Yabō 2: The Race of Champions. Le jeu proposait de créer l'équipe, de recruter les pilotes et les sponsors et de concevoir la Dome pour ensuite en prendre les commandes. L'interface était agrémentée d'extraits vidéo et d'images du projet Dome. Le jeu n'était cependant pas très réussi, comme en atteste cette vidéo...

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Sources / Images : Dome, automobiles-japonaises.com, wikimedia, flickr

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